De l’accompagnement de la fin de Vie et dignité du patient

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Source de controverses, de débats et de passions, l’accompagnement de la fin de vie demeure encore et toujours un sujet d’actualité, pour preuve, la proposition de loi relative à l’euthanasie, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2017 (rejeté depuis) et proposée par Mme Caroline Fiat, M. Alexis Corbière, Mme Danièle Obono, députés membres du groupe “La France insoumise” renvoyée à la commission des affaires sociales alors.

Il est vrai que pour tout un chacun, la simple évocation de ce mécanisme qu’est l’euthanasie demeure d’une manière quasi-systématique, emprunte d’une certaine sensibilité, sensibilité exacerbée pour le juriste de tout bord, tant, ainsi que le rappelait Jean Hauser (RTD Civ. 2002, p.482), alors Professeur à l’Université Montesquieu Bordeaux IV et Directeur du CERFAP (Centre Européen d’Études et de Recherches en Droit de la Famille et des Personnes): « la question de l’euthanasie aborde les rivages de la science juridique, chargée de ses incertitudes, de ses drames et de ses interrogations”.

Progrès techniques et scientifiques, allongement de la durée de vie, dépendance liée à l’âge, ne sont que des variables d’un débat plus vaste, celui de la place réservée à la volonté du patient, celle de sa famille, de ses médecins, et enfin celle tenant à la société en ses valeurs sociales, morales.

À l’heure où le rapport (page 133) remis par le Comité Consultatif National d’Ethique en vue d’une réforme de la loi bioéthique souligne au travers des consultations réalisées en région, “une certaine unanimité (…) quant à la mauvaise connaissance de la loi actuelle par les citoyens et par les personnels soignants et quant à son application encore trop partielle”. Il convient de rappeler, avec une une neutralité d’usage, de rappeler, si ce n’est de présenter au profane, le panel juridique des outils encadrant l’épineuse question de l’accompagnement de la fin de vie.

À ce titre, nous évoquerons l’euthanasie, mais encore la question du suicide assisté, et observerons la textualité juridique française actuelle au regard des ces questions.
Des litiges récurrents, à l’image de l’affaire Pretty contre Royaume Uni, (requête n°2346/02) en date du 29 avril 2002, Haas contre Suisse, (requête n° 31322/07) en date du 20 janvier 2011, mais encore Lambert contre France, (requête n° 46043/14) du 5 juin 2015 devant la Cour Européenne des droits de l’Homme, ou plus proche de nous, Assistance publique – Hôpitaux de Marseille (requête n°408146) du 8 mars 2017 et Mme. B et M. D. (requête n° 416689) du 5 janvier 2018 devant le Conseil d’État, sont autant de preuves s’il en est, que le droit à la vie n’emporte pas un droit à la mort, celui-ci étant strictement encadré moyennant un contrôle effectif du juge en son office.

Alors que l’euthanasie peut être aisément définie comme l’acte positif du tiers ayant pour aboutissant le décès, consenti préalablement par le ou la principale concernée. Le suicide assisté ou l’aide au suicide, consiste d’avantage en une fourniture de moyens techniques par le corps médical, en vue de permettre à autrui de mettre fin à ses jours délibérément. Ces mécanismes en l’absence de cadres légaux les légitimants, peuvent être rapprochés de ce que le pénaliste qualifiera de meurtre prémédité exposant l’auteur pour l’euthanasie, ou le complice dans le cadre du suicide assisté, à des sanctions pénales.

Si la majorité des pays du globe interdisent le suicide assisté (hormis quelques pays tels que la Belgique ou la Suisse) et l’euthanasie active (légale notamment en Belgique et au Luxembourg), la France quant à elle, à défaut d’autoriser ces mécanismes relatifs à la fin de vie, s’est illustrée par le choix, tout d’abord laissé au patient, de renoncer aux traitements, mais encore, en prohibant l’acharnement thérapeutique, ouvrant notamment la voie à la sédation profonde. À ce titre, il est loisible d’affirmer qu’il s’agit, et Louis Puybasset (Faut-il légaliser l’euthanasie ? Recueil Dalloz 2007 p.1328) l’exprimait très justement par cette formule : “de choix de société qui expriment des conceptions de la médecine et de la solidarité différentes”.

Avec pour seul leit motiv la dignité du patient (article L. 1110-2 du Code de Santé Publique), la lettre de l’article L. 1111-4 du Code de Santé Publique nous informe que tout patient, peut, de concert avec le praticien qui l’accompagne prendre les décisions inhérentes à sa santé, ou à défaut de capacité, désigner préalablement une personne de confiance pour se faire (article L. 1111-6 du Code de Santé Publique). C’est en toute logique que le Code, en son article L. 1110-5 en sa rédaction résultant de la loi n°2016-87 du 2 février 2016 dite loi « Léonetti Claeys”, condamne tout risques disproportionnés pris par rapport au bénéfice escompté justifiant que toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance.

Question philosophique, juridique, déontologique (art. 37 et 38 du décret n° 95-1000 du 6 sept. 1995 portant code de déontologie médicale prohibant notamment l’obstination déraisonnable), au-delà de toute partialité, il demeure une vérité immuable, celle des drames familiaux, celle de ces patients, partagés entre espoir d’une thérapie aux chances mêmes infimes de succès, et éventualité d’une mort prochaine. Une chose est sûre, et nous citerons en conclusion Marie de Hennezel, auteur d’un rapport en 2003, “ce n’est pas une loi qui amendera les consciences, ni qui diminuera la solitude des médecins confrontés à des fins de vie difficiles”.


JORDAN MINARY

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Étudiant en Maitrise de Droit Privé, mention Droit Privé et Judiciaire à l'Université Jean Moulin Lyon 3

Retrouvez mon blog juridique personnel : http://jordanminarv.wordpress.com

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LouisDD Administrateur

Salut

Merci pour cet article !
Bonne lecture à tous !

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Le précieux... enfin la charte du forum quoi !

Ma méthode de travail

"Plus que des lois de procédure, ce sont des lois de neutralité fiscale qui sont le meilleur remède aux tentations d'abus de droit." Maurice Cozian (1936-2008)


"Fear," he used to say, "fear is the most valuable commodity in the universe." Max Brooks, WWZ

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Isidore Beautrelet Administrateur

Bonjour

Comme d'habitude je remercie Jordan pour l'excellent article qu'il nous propose.

C'est un sujet tabou en France. Ce n'est pas les affaires qui manquent.

Cela dit, on peut relever que de manière générale les jurés des cours d'assises sont assez clément envers les personnes qui ont pratiqués une euthanasie.

https://www.nouvelobs.com/societe/20070316.OBS7323/verdict-clement-pour-l-infirmiere-et-le-medecin-de-perigueux.html

https://www.liberation.fr/societe/2014/06/25/euthanasie-l-urgentiste-nicolas-bonnemaison-acquitte_1049974


Ceci démontrerait que l'euthanasie bien qu'illégale ne serait pas un meurtre comme les autres. Il y aurait une certaine compréhension de la part de certains jurés et magistrats.

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Merci beaucoup Isidore et je suis désolé si j'ai été assez inactif récemment avec la rentrée c'était compliqué, j'ai moi-même du mal à écrire pour mon blog ...

Merci :)

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Étudiant en Maitrise de Droit Privé, mention Droit Privé et Judiciaire à l'Université Jean Moulin Lyon 3

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