Du procès italien en matière d'amiante

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Bonjour à tous,

Je viens de lire un article fort intéressant qui a heurté mon début de sens juridique. Il s'agit d'un article de l'Huma, en date du 6 juillet 2011, qui reprend le réquisitoire du procureur italien. Voici le lien : http://www.humanite.fr/05_07_2011-vingt-ans-requis-contre-deux-ex-patrons-d%E2%80%99eternit-475817?x.

Voici la phrase qui a retenu mon attention : "Le procureur Raffaelle Guariniello a réclamé huit années supplémentaires, considérant que la « catastrophe environnementale » provoquée, jusqu’à sa faillite en 1986, par Eternit tuait encore, compte tenu des longs délais de déclenchement des maladies mortelles dues à l’absorption de poussières par les riverains des usines de plaques de fibrociment. « Je n’avais jamais connu une telle tragédie » [...] « Elle continue à semer la mort et qui sait pour combien de temps encore… »".

Il y a quelques minutes, France Info confirmait la condamnation pour ces motifs des deux dirigeants de l'entreprise. Ma question est alors toute simple : peut-on être condamné au titre d'un fait qui n'est pas (encore) arrivé ? Je comprends parfaitement la condamnation pour les personnes déjà disparues, mais comment le juge peut-il se fonder sur l'espoir (sans mauvais jeu de mots) qu'il y ait d'autres morts pour augmenter la peine de prison ?
En France en tout cas, dans le cas d'espèce j'invoquerais volontiers l'article 112-1 (al. 1) du Code pénal a contrario, en signifiant ainsi qu'un fait non commis ne peut être puni. J'imagine qu'il existe des dispositions grosso modo identiques en droit italien.

J'imagine que le juge a voulu condamner sur le fondement des faits déjà arrivés, c'est-à-dire au titre de la contamination qui a déjà tué, auquel cas les mots sont mal choisis. Il aurait fallu ne pas laisser croire qu'on condamne, en plus, pour les morts qui ne sont pas encore arrivées, mais bien seulement pour avoir laisser contaminer de nombreux travailleurs.

Qu'en pensez-vous ?

Bien à vous.

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Camille Intervenant

Bonjour,
Qu'en pensez-vous ?

Que je suis d'accord avec vous.
En France, un procureur qui dirait ça devrait normalement se faire rappeler sévèrement à l'ordre par le président du tribunal. En France en tout cas, les peines ne sont pas prononcées proportionnellement au nombre de victimes, même déjà constatées, a fortiori des victimes futures potentielles, sauf dans le cas du viol, et encore.
Cela dit, même en France, un procureur peut requérir plus ou moins sévèrement dans la limite fixée par la loi, compte tenu du ou des articles visés à la prévention, suivant son sentiment personnel de la gravité de l'infraction.
Mais il n'est pas impossible que les règles soient différentes en Italie.
On murmure également que, pour des raisons diverses et variées due à "l'ambiance italienne", procureur et tribunal se sont, en quelque sorte, "lâchés", en sachant d'avance que le verdict ne serait pas "immédiatement exécutoire" (appels certains et prévenus hors de portée, pour le moment).
Il est fort probable que les peines seront réduites en appel. C'est du moins, apparemment, le pronostic le plus probable des commentateurs locaux.
Bref, les deux condamnés ne sont pas près de dormir en prison.

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