Edit de Moulins février 1566

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Salut,
Je dois faire un commentaire de cet édit.

Voici l'extrait :
"Charles par la grâce de dieu, roi de France, à tous présents et à venir, salut" [...]
Savoir faisons que nous, de l'avis de notre très honorée dame et mère, des princes de notre sang, officiers principaux de notre couronne et autre de notre conseil, avons dit, statué et ordonné, disons, statuons et ordonnons ce qui s'ensuit :

1. le domaine de notre couronne ne peut être aliéné qu'en deux cas seulement : l'un pour l'apanage des puînés males de la maison de france, auquel y a retour à notre couronne, par leur décès sans mâle, en pareil état et condition qu'était ledit domaine lors de la concession de l'apanage, nonobstant toutes disposition, possession, acte exprès ou taisible fait ou intervenu pendant l'apanage ; l'autre pour l'aliénation à dernier comptant pour la nécessité de la guerre, après lettres patentes pour ce décernées et publiées en nos cours de parlement, auquel cas y a faculté de rachat perpétuel.

II. Le domaine de notre couronne est entendu celui qui est expressément consacré, uni et incorporé à notre couronne, ou qui a été tenu et administré par nos receveurs et officiers par l'espace de dix ans et est entré en ligne de compte.

III. De pareille nature et condition sont les terres autrefois aliénées et transférées par nos prédécesseurs rois à la charge de retour à la couronne en certaine condition de mâle ou autre semblables.

[...]
Donné à Moulins, au mois de février, l'an grâce 1556".

Des éléments de connaissances :

Le roi renforce son pouvoir par laquelle il s'octroie le monopole de créer des lois. Cet édit réorganise l'administration.

Le principe d'inaliénabilité une notion fondamentale autour de laquelle s'est construit le concept de domaine public. Le principe d'inaliénabilité des biens de la couronne s'est érigé en rempart contre la prodigalité des souverains.

La règle de l’ inaliénabilité présente une certaine originalité par rapport aux autres lois du royaume. Cette règle trouve son origine dans une pression de l’opinion publique. Pression de l’opinion publique :
le roi de France se comportait vis à vis du domaine royal de la même manière qu’un seigneur féodal. Il se considérait comme propriétaire du domaine. Dès le 13ème siècle, une partie de l’opinion publique s’est occupée de la position de ce domaine car selon le droit féodal, le roi devait vivre des ressources de ce domaine. Dans des circonstances exceptionnelles ( dépenses imprévues ) le roi pouvait lever l’impôt. Or à partir de la 2nd moitié du 13ème siècle et avec le règne de Philippe le Bel, les demandes d’impôt étaient en forte croissance. Les sujets considéraient qu’il était opportun d’améliorer et de réformer la gestion du domaine, et gérer de manière plus profitable le domaine royal, mettre fin aux aliénations qui réduisaient la taille du domaine mais qui augmentaient la demande d’aide.
Cette requête a fait écho dans la politique de Philippe VI. Celui ci en 1318 révoqua toutes les aliénations du domaine effectuées depuis saint Louis ( 1270 ) mais cela n’a pas suffit et le roi avait toujours besoin de plus d’argent. Peu à peu l’idée d’un principe d’inaliénabilité du domaine apparut. formation du principe :
les légistes ont construit juridiquement le principe. La formation s’est faite en 3 étapes.
- la justification fut exposée la 1ère fois lors d’une assemblée réunissant le clergé et les grands seigneurs.
Cette assemblée fut réunie en 1329 par Philippe VI. Pierre de Cugnières ( président du parlement ) fut à l’initiative de ce principe. En effet il a fait valoir que le roi n’était pas propriétaire du domaine royal, de la couronne, mais l’usufruitier. Le roi avait donc la jouissance du domaine mais ne pouvait aliéner les biens le composant. Il avait l’usus et le fructus mais pas l’abusus. ( La royauté a quand même continué à fixer des aliénations du domaine ).
- ce fut le fils de Jean Le Bon qui reprit à son compte la règle de l’inaliénabilité
en qualité de régent, Charles en 1358 prit une ordonnance qui annulait toutes les aliénations depuis Philippe le Bel, une ordonnance qui avait également une mesure plus novatrice : Charles de Façon préventive interdisait à tout agent royal de tenir compte des donations consenties dans le domaine royal sans motivation valable. Il a donc fait progressé l’idée selon laquelle le roi n’était pas propriétaire.
- Charles devenu roi en 1364 a fait ajouter au serment du sacre une nouvelle clause …
… par laquelle le roi de France s’engage à ne pas aliéner le domaine de la couronne. Puis cette règle a été théorisée à maintes reprises : au 16ème siècle par des légistes qui comparaient le roi à l’époux de la chose publique ( la respublica ). Ce principe fut confirmé par deux textes normatifs : l’édit de moulins en 1566 et l’ordonnance de Blois en 1579. portée de la règle :
une étude de ces deux textes s’impose puisqu’ils font la somme du statut du domaine royal. Ces textes reprennent les théories de P. de Cugnières mais ils sont allés au delà de la simple théorie. L’édit a cherché à concilier ce principe avec les exigences de la gestion moderne de la chose publique. L’édit distinguait deux types de domaines : le domaine fixe composé des biens acquis à la couronne au nom de l’avènement du roi et le domaine casuel composé des biens acquis pendant son règne.
Si le domaine fixe est inaliénable, le roi peut se séparer du domaine casuel. Mais des biens du domaine casuels pouvaient rester dans le domaine fixe dans le cas d’un acte qui prévoit expressément l’entrée dans le domaine fixe ou lorsque le bien avait été administré pendant 10 ans par des agents royaux. Ce caractère pragmatique de l’édit de Moulins explique une autre disposition : l’engagement permettant au roi de gagner de l’argent, consistait à donner un gage à un particulier en bien du domaine fixe ( pas d’aliénation définitive ).

les apanages ont constitué avec l’engagement les deux grandes exceptions au principe d’inaliénabilité. L’apanage est un bien foncier assigné à un « puîné » mâle de la maison de France pour assurer sa subsistance selon certaines conditions. En effet contrairement aux carolingiens, les capétiens ont admis que le royaume ne pouvait être divisé. La rigueur de cette règle a été atténuée par le droit féodal. Les puînés pouvaient avoir des manoirs secondaires. Autour des années 1225, les autres enfants pouvaient avoir des terres ( c’est l’apanage ). Ces apanages remettaient en cause la cohérence du domaine. Et les juristes ne sont pas d’accord car ils remettaient en cause les droits du roi. Les légistes se sont employés à lutter contre les apanages. Ils ont cherché à restreindre les droits de propriété et les droits politiques.

restriction des droits de propriété :

jusqu’au 13ème siècle, il était admis que l’apanage était donné en pleine propriété aux puînés. Ils pouvaient donc utiliser l’apanage et le transmettre. Cette terre disparaissait du domaine royal.
Ce droit de propriété fut remis en cause en 3 étapes.
- dès le 13ème siècle, on a cherché à limiter ce droit d’apanage en le rendant transmissible au seul descendant. S’il n’y avait aucun descendant, il serait retourné au roi.
- Au 14ème siècle, quand a triomphé le principe de la masculinité, une nouvelle restriction excluait les filles des apanages puisque exclues du domaine de France. S’il n’y avait que des filles, la terre retournait au roi.
- A partir du moment où le domaine royal est inaliénable, l’apanage en tan que partie du domaine royal est lui aussi inaliénable ( pas de vente, pas de donation, pas de droits réels )


· restriction des droits politiques :

l’apanagiste se comportait comme un seigneur sur sa terre. Les capétiens ont cherché à réduire la taille des apanages. Avec l’arrivée des Valois, les rois de France furent amenés à céder de plus grands apanages à leurs puînés. Jean le Bon donne alors à son fils toute la bourgogne. Plus tard le duc de Bourgogne tente de créer son propre royaume. Cette restriction prise par les rois de France a suivi un angle double.
- les apanages furent des apanages de petite taille et situés au cœur même du domaine royal :
c’était plus facile de contrôler les princes apanagistes. De plus la population n’avait pas envie de rompre avec la royauté.
- en s’attaquant de façon directe au droit politiques la royauté a pu lutter contre les apanages :
on a admis que quand un apanage était constitué, le roi de France récupérait le ressort, c’est à dire le droit de statuer en dernier ressort. Il conservait d’autres prérogatives : le droit de battre monnaie, les impôts, faire circuler les troupes ….. il ne restait plus aux apanagistes que des droits utiles. Le prince apanagiste est passé au prince territorial. C’est un simple rentier. Cette restriction fut confirmée par l’édit de Moulins en 1566 : l’apanage étant considéré comme un simple droit d’usufruit, indivisible incessible et réversible de plein droit à la couronne quand il n’y avait pas d’héritiers males.
La pratique des apanages a tout de même résisté jusqu’à la période révolutionnaire.
Dans tous les cas, l’idée dominante est celle d’une dissociation du roi avec l’état. Idée théorisée par le Juriste Terre Vermeille.

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Merci de votre aide par avance et bon week end