Quel bilan après 4 années de droit ?

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Bonjour à tous,

Actuellement inscrit en master 1 droit pénal et carrières judiciaires, après une licence de droit obtenue de manière confortable et sans rature, vient le temps de la remise en question.

J'ai pour ambition de devenir avocat, et dans l'idéal, en obtenant le CRFPA dès septembre prochain. Mais au-delà de cet examen, du point de vue de mon accomplissement personnel en tant que juriste, de grosses incertitudes me travaillent. Ce sujet a donc pour objet de savoir comment d'autres ou anciens étudiants perçoivent les choses, si je suis quelqu'un de normal ou si tout est perdu (Bon ok j'exagère). Mais ce sont de vrais questions que je ne pense pas être le seul à me poser.

Mon problème de droit est donc le suivant : Bientôt titulaire d'un bac +4, qu'ai-je réellement d'un juriste chevronné ?
Car oui, si je me pose ces questions, c'est parce que lorsque je suis à la fac, devant un cours ou un sujet d'examen, tout va plutôt bien et je me sens plutôt intelligent (du moins pas trop bête). Mais lorsqu'il m'arrive de me confronter à la vie réelle, à des proches en difficultés ou à des situations juridiques qu'on me soumet en me pensant érudit, Il est rare que je ne me dise pas intérieurement : "Mais qu'est-ce que je suis nul en fait !". Je suis incapable dans la plupart du temps, de répondre à un problèmes juridiques un tantinet complexe, et de connaitre davantage qu'un citoyen lambda un minimum informé, les rouages du monde judiciaire et des différents codes juridiques. Du moins c'est mon ressenti, et après 4 années d'études de droit plutôt réussies, ça fout un coup au moral.

Bref, je pense que vous voyez ce que je veux dire et je ne veux pas être trop long. J'ai appris des choses, beaucoup de choses pendant mes 4 années de droit, je suis bientôt titulaire d'un master 1, et je me sens toujours aussi incapable de trouver des solutions à des problèmes pratiques qui sortent un peu de la théorie des facultés. Est-ce normal ? Suis-je le seul dans ce cas-là ? Cela va venir après, une fois avocat ou autre ? Des recommandations ou des expériences à faire partager ?

Merci d'avance de vos réponses, et j'espère que vous saurez rassurer un étudiant qui se sent bien trop souvent loin du juriste qu'il aimerait (devrait ?) être. 17.gif

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J'ai encore moins d'expérience donc je ne pourrais peut être pas vraiment te conseiller correctement, mais c'est marrant parce que moi c'est l'inverse. En L2, le droit m'apparait justement bien plus pratique et quand je suis confrontée à un problème de droit dans la vie courante, je pense tout de suite à le résoudre, à donner des conseils (plus ou moins corrects). Alors que devant mes partiels je reste plutôt moyenne à mon grand regret...

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Pour ma part, je pense que tu te bases trop sur les connaissances théoriques accumulées à la fac.

La fac de droit, avant de nous apprendre des connaissances, elle nous apprend à comprendre le fonctionnement fondamental du droit selon moi.
Et encore heureux que l'on ne ressort pas de la licence avec une connaissance érudite de toutes les matières du droit. Auquel cas je m'écrirais, "cachez moi cette torture que je ne saurais voir !".

Au fond, la fac nous apprend une méthode. Et quand tu n'as pas la réponse à une question de droit qu'on te pose, bah tu applique la méthode : je crois en le pouvoir d'une bibliothèque bien garnis et d'une tête bien faite (et non bien pleine). Le juriste n'est pas une personne qui est censée être omnisciente, elle est censée être efficiente dans sa recherche.

Le juriste qui règle ses dossiers de mémoire est à mon sens un juriste qui fut confronté mille fois à la question dans le passé. Et encore il faut qu'il se mette à jour !


Donc je te conseils de revoir tes objectifs si ceux-ci sont de connaître le droit au point de ne jamais être collé. Là tu va de déception en déception selon moi. On ne remplit jamais le tonneaux des Danaïdes.

Bon courage pour la suite.

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"Paradoxalement c’est au nombre de ses interdits et non pas de ses permissions que l’on reconnaît une société pervertie. Ainsi une société qui interdit la prostitution avoue son penchant pour la prostitution. Une société qui interdit la drogue avoue son penchant pour la drogue. Une société qui interdit le meurtre avoue son penchant pour le sang.".

http://http://www.juristudiant.com/forum/charte-de-bonne-conduite-a-lire-avant-de-poster-t11.html

Etudiant à l'Université Toulouse I Capitole.

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Yann Modérateur

Je suis entièrement d'accord avec Booker.

Si je reprends un peu ton message, tu dis avoir fait des études sans trop de problèmes, mais tu ne te sens pas vraiment être un juriste digne de ce nom. Tu es en 4ème année, face à des choix de master2 qui impliquent que tu sois sélectionné. Tout ça entraine des remises en question, des inquiétudes qui sont tout à fait normales et je dirais même saines. Mes camarades et moi avions les mêmes, et en 10 ans j'ai vu pas mal d'étudiants défiler ici avec des inquiétudes similaires. Donc sois rassuré, ton cas n'a rien d'alarmant.

A bac plus 4 tu te demandes ce que tu peux avoir d'un juriste chevronné, la réponse est simple: rien. Et c'est normal!!! Ce n'est pas de ta faute et quelque part c'est inévitable. Je pense que la fac (quelle qu'elle soit) ne nous forme pas à la pratique du droit. Il existe un fossé entre ce qu'on apprend à la fac et la pratique. J'estime avoir plus appris pendant mon année de M2 que pendant les 4 années de droit qui l'ont précédé. Et j'estime avoir plus appris pendant ma première année de pratique du droit que pendant mes 5 années d'étude.

En sortant de la fac à bac+5 tu ne seras toujours pas un juriste "chevronné". Commence par abandonner cette idée. Le droit est différent de beaucoup d'autres matières. C'est un domaine vivant, qui évolue perpétuellement au grès des changements de textes et de jurisprudence. Par exemple en math, 1+1 fait 2 depuis toujours et le fera toujours. En droit 1+1 peut faire 2 aujourd'hui, mais 5 demain.

La plupart des gens pensent qu'en droit face à un problème on appuie sur un bouton et on obtient immédiatement une solution parfaite, indiscutable et absolue. NON!!! En droit tout est relatif. Quant un problème juridique se présente, on est face à une armoire bancale, on cherche la réponse dans le tiroir qui nous semble le plus approprié, et surtout on prie pour ne pas se prendre le meuble composé de problèmes juridiques annexes sur la tête. Car en pratique le droit c'est comme les trains, un problème peut en cacher un autre.
Dans la pratique on est souvent dans l'incertitude. On interprète les textes et la jurisprudence en fonction de son expérience et de son vécu. Il est rare de trouver une jurisprudence qui soit exactement à 100% un cas identique au notre. Il n'y a pas toujours de vérité absolue.

De même, il est humainement impossible de tout savoir sur tous les domaines.Il n'y a que dans les séries américaines que Mr superavocat est incollable sans filets sur tous les sujets. Un exemple simple: tu as mal aux dents, tu vas chez le dentiste, pas chez le cardiologue. Et tout le monde trouve ça normal et évident. Alors pourquoi exiger d'un juriste de tout savoir sur tous les domaines du droit? Comme si le droit était une seule et unique même matière. Dans ce cas exigeons des scientifiques d'être incollables en chimie, en mathématique, en physique, etc... En pratique il est peu probable qu'un urbaniste puisse te répondre sur des problèmes de licenciements. Ca ne fait pas de lui un mauvais juriste pour autant.

Bref, la fac ne va pas t'apprendre un métier. Si tu penses sortir de là en étant un parfait juriste prêt à remplacer n'importe quel juriste professionnel dans le métier depuis des années tu vas au devant de graves désillusions.
Mais rassure toi, ce que tu apprends avant tout c'est à réfléchir et des méthodes de travail. Et avec ce bagage tu seras armé pour faire face à ce qui t'attends après. 3.gif

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Yn Membre VIP

Imagine la situation inverse : depuis quatre ans, tu ne fais qu'enchaîner les cas pratiques les uns après les autres sans vision d'ensemble sur la matière étudiée...

Au final, tu ne saurais répondre qu'à très peu de situations concrètes - les situations étudiées en cours - et totalement incapable de trouver la solution à d'autres problèmes car tu ne raisonnerais qu'en comparant.

Il est important que de comprendre que la théorie acquise - traduction plus exacte : l'aptitude à raisonner - n'est pas quantifiable, pourtant elle est indispensable.

L'université va t'apprend à réfléchir, c'est-à-dire développer des capacités intellectuelles pour te permettre d'attaquer le monde professionnel avec des bases solides.

Induction, déduction, pensée analytique, pensée complexe, ... Depuis quatre ans, tu apprends à manier, sans forcément le savoir, tous les raisonnements utiles aux juristes. Les étudiants ont beaucoup de mal à saisir cet aspect de la formation, or il est des plus fondamental.

Pour schématiser, tu verras bientôt que cinq ans de théorie pour quarante ans de vie professionnelle, c'est un minimum.

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« Je persiste et je signe ! »

Docteur en droit, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne.

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Merci beaucoup pour ces nombreuses et très pertinentes réponses !

A vrai dire, tout ce qui a été dit, je le savais déjà quelque part. Mais j'avais réellement besoin de me l'entendre dire par des gens qui l'ont vécu, et qui savent réellement de quoi ils parlent. Car il n'y a rien de pire que de douter de soi !

Voilà donc ma conscience apaisée, et je vais pouvoir continuer mes études l'esprit léger :)
Il y a un temps pour tout en résumé : pour la théorie et la méthode (le socle), puis pour la pratique (l'épanouissement ahah).

Merci réellement de votre soutien, je comprends désormais qu'il faut prendre les études de droit pour ce qu'elles sont, contrairement à ce qu'on pourrait en penser.