Théorie de l'écran transparent

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Bonjour à tous !

Comme le titre du sujet l'indique, je m'interroge sur la thoérie de l'écran transparent.

En effet, j'ai totalement compris la théorie de l'écran tout court. Mais la décision de 1991 du CE "Arrêt QUINTIN" me laisse perplexe: effectivement dans mon cour j'ai indiqué qu'on pouvait parler d'écran transparent lorsque :
"quand la disposition législative ne fait qu'habiliter le pouvoir administratif à édicter des règles, mais en elle même cette disposition ne contient aucune disposition de fond"

Je comprends cela comme le fait que on peut passer outre la loi, faire comme ci elle n'existait pas du moment que cette dernière n'est pas "importante" ou structurante et qu'au final elle soit pauvre de sens dans le fond.

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Fax Membre VIP

Bonsoir,

En réalité c'est un petit peu plus complexe que cela et non, je ne pense pas qu'on puisse comprendre cette décision du CE "comme le fait qu'on peut passer outre la loi". Ce n'est pas cela.

La solution du CE est différente en fonction des deux moyens invoqués dans la requête. Pour replacer les choses : était contestée dans cette espèce une disposition de nature règlementaire du code de l'urbanisme (ancien art R411-1) qui permettait aux autorités compétentes de refuser la délivrance d'une autorisation d'urbanisme lorsque la construction demandée était de nature à favoriser l’habitat dispersé. 2 moyens d'inconstitutionnalité étaient invoqués :

-un moyen tiré de la violation de l’article 34C à savoir incompétence du pouvoir règlementaire pour régir le droit de propriété

- un moyen tiré de la violation du droit de propriété protégé par l’article 17DDHC (le refus opposé aux requérants dénature le droit de propriété)

La disposition législative du C.urba (L111-1 C.urba) vient s'interposer car c'est elle qui donne compétence au pouvoir règlementaire pour édicter les règles générales en matière d'utilisation des sols.
Donc l’art R411-1 C.urba intervient en application de L111-1 C.urba qui habilite le pouvoir règlementaire.

La solution donnée par le CE est que, si la loi fait écran, ce n’est que pour le moyen tiré de l’incompétence du pouvoir règlementaire. Autrement dit, une loi ne fait écran au contrôle de constitutionnalité de l’acte règlementaire que si l’acte contesté trouve une habilitation explicite et directe dans une norme législative. Autrement dit encore, si le moyen invoqué face à un acte règlementaire n’est pas seulement imputable à l’acte règlementaire mais aussi à la loi sur le fondement de laquelle il est intervenu, alors la loi fait écran.

En l’espèce :

• Le moyen tiré de l’incompétence porte aussi sur la loi puisque l’article L111-1 attribue bien cette compétence. Donc l’irrégularité dénoncée ne repose pas sur l’acte règlementaire mais bien sur la loi donc là elle fait bien écran, et le juge ecarte le moyen.

• En revanche, pour la violation de l’article 17 DDHC, ce moyen n'est pas imputable à la l'article L111-1, pour le dire simplement, le législateur n'habilite pas les autorités compétentes à violer le droit de propriété. Autrement dit encore, le pouvoir règlementaire ne s’appuie par sur l'article L111-1 pour refuser ou accorder le permis de construire. La loi ne fait pas écran dans ce cas, donc il est possible de contrôler la conformité de l'article R411-1 à l’art 17 de la DDHC.

En résumé, pour savoir si une loi fait écran entre la constitution et l'acte administratif attaqué, cela dépend du lien qu’il existe entre la loi : si le grief est imputable à la loi et non à l’acte règlementaire la loi fait bien écran, dans le cas inverse la loi ne fait pas écran et le juge contrôlera l'acte. C'est en cela qu'on parle d'écran transparent, l'écran de départ ne fait pas effet s'agissant du moyen invoqué (or le juge ne peut contrôler un acte qu'au regard de ce qui est soutenu par le requérant).

Le raisonnement est assez complexe. Je vous conseille d'aller lire les conclusions du commissaire du gouvernement Rony Abraham sur cette décision, elles sont éclairantes.

Bon courage à vous