Hello,
le 06 sept.2006 la Cour de cassation permettait, en application de la jurisprudence, CEDH Mathéron 2005, à un prévenu de soulever la nullité d'une garde à vue d'un autre prévenu, au prétexte que celle-ci réalisée irrégulièrement lui aurait causé un préjudice (la personne l'avait dénoncé pendant sa garde à vue alors que les policiers ne lui avaient pas spécifié son droit de garder le silence). Cependant, depuis le 07 mars 2012 la Cour de cassation applique strictement l'article 171 et refuse que la nullité d'une procédure d'un prévenu puisse être soulevée par un tiers.
Pourriez-vous m'éclairer...
Merci par avance,
@+
Bonjour,
Moi, à mon (très) humble avis, c'est un peu plus subtil que ça et bon nombre de juristes/analystes se sont peut-être plantés.
Et, dans l'arrêt de 2006, il n'est pas clairement dit "que les policiers ne lui avaient pas spécifié son droit de garder le silence".
Mais bref, si on lit bien cet arrêt et celui du 7 mars 2012 ou celui du 14 février 2012, dans un cas on parle de "formalités qui entourent le contrôle d'identité", dans les autres de "droits" (droit au silence, droit de bénéficier d'un avocat).
Or, des "formalités" peuvent ne pas concerner les seuls "droits" (considérés comme attachés exclusivement à la personne concernée).
Donc, je dirais qu'un tiers ne peut pas invoquer des droits attachés à une autre personne, mais il peut invoquer d'autres irrégularités au cours du contrôle d'un tiers.
Dans l'arrêt de 2006 :
Mais attendu
qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le contrôle d'identité à l'origine de la mise en examen de Kevin X... avait été légalement effectué, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Ce que la Cour reproche à la cour, ce serait plutôt :
...dès lors que les formalités qui entourent ce contrôle ne peuvent être contestées que par la personne qui en a fait l'objet
Si, si, répond la Cour à la cour (selon moi) les "formalités qui entourent ce contrôle" peuvent être contestés par une autre personne qui n'a pas fait l'objet de ce contrôle. Ce qu'elle ne peut pas contester, ce sont les droits personnels de la personne objet de ce contrôle qui n'ont pas été respectés. Nuance subtile, mais nuance quand même... et correcte, toujours selon moi...
D'ailleurs, en fait, ce n'est pas bien nouveau. Votre voisin pourrait bénéficier d'un droit personnel qu'il n'exerce pas. Vous estimez que, par contre-coup, vous subissez un préjudice du fait qu'il n'exerce pas ce droit. Pourriez-vous l'attaquer en justice pour ce motif ou se substituer à lui pour réclamer ce droit, par "substitution" ?
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hello, je vais reprendre les arrêts et mesurer cette distinction qui n'est peut-être pas fausse... Au sujet des droits personnels de mon voisin, je ne peux effectivement pas les revendiquer... sauf à être son créancier et agir à sa place en action paulienne.
Ce qui n'a rien à voir avec le cas d'espèce.
@+
Bonjour,
Au sujet des droits personnels de mon voisin, je ne peux effectivement pas les revendiquer... sauf à être son créancier et agir à sa place en action paulienne.
Ce qui n'a rien à voir avec le cas d'espèce.
Euh... à mon humble avis, dans le cas que vous présentez, ce serait plutôt une action oblique.
L'action paulienne, c'est lorsque votre débiteur, initialement solvable, s'est volontairement démuni d'un bien monnayable au bénéfice d'un tiers, ce qu'on appelle "organiser son insolvabilité".
L'action paulienne ne traite pas de l'inaction d'un débiteur, lui-même créancier "inerte" de son propre débiteur.
Et effectivement, dans le cas que j'évoque, il s'agirait d'un droit "exclusivement attaché à la personne", par allusion à l'article 1166 du code civil, qui traite justement de l'action oblique.
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Hello, tu as raison, il s'agit effectivement de l'action oblique, mais elle n'est pas celle du débiteur, c'est une action mise ne oeuvre par le créancier à la place du débiteur, il ne s'agit pas de son action personnelle. Par contre dans le cas de l'action paulienne, le créancier agit ne lieu et place du débiteur... @+
Bonjour,
il s'agit effectivement de l'action oblique, mais elle n'est pas celle du débiteur, c'est une action mise ne oeuvre par le créancier à la place du débiteur, il ne s'agit pas de son action personnelle.
Je ne sais pas trop ce que vous voulez dire. D'abord, dans l'action oblique, il y a deux débiteurs en cascade. Et, en matière de recouvrement de dettes, ce n'est jamais le débiteur qui agit.
Par contre dans le cas de l'action paulienne, le créancier agit ne lieu et place du débiteur...
Là, a priori, c'est non. Dans l'action paulienne, il n'y a qu'un seul débiteur. Qui a "agi", mais pas dans le bon sens...
Petit rappel :
Action oblique (1166 C. Civ.)
A = créancier de B ==> B = débiteur de A = créancier de C ==> C = débiteur de B
A se substitue à B pour forcer C à payer sa créance à B. Une fois B payé par C, A force B à le payer.
Le tout, jusqu'à extinction de la dette due par B à A, bien sûr.
Bien entendu, la créance de A sur B doit être " certaine, liquide et immédiatement exigible", de même que la créance de B sur C.
Action paulienne (1167 C. Civ.)
A = créancier de B ==> B = débiteur de A mais pas créancier de C.
B fait don de ses biens à C ou les vend à vil prix à C.
C devient propriétaire de ces biens.
A fait saisir les biens transmis par B à C directement entre les mains de C, et sans avoir besoin de faire annuler la donation ou la vente bidon.
Le tout, jusqu'à extinction de la dette due par B à A, bien sûr.
Bien entendu, la créance de A sur B doit être " certaine, liquide et immédiatement exigible"
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