Cas pratique difficile

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Bonjour,

je suis actuellement en Licence 2 Droit et je révise pour les colles en droit civil et pénal qui auront lieu la semaine prochaine et je butte sur un cas pratique donné il y a un an dans ma fac :

Madame Reine-Claude Debavay achete un véhicule automobile d'occasion au vu d'une annonce éditée dans un journal spécialisé qui publie en derniere page une "charte de qualité" dans laquelle il affirme contrôler le sérieux des annonces. Or en fait le véhicule est inutilisable et elle n'a pu retrouver trace de son vendeur. Peut-elle agir contre le journal et sur quel fondement ?

bon déjà j'imagine que cela est du ressort contractuel. après je vois pas sur quel fondement elle peut agir. inexécution contractuelle? mouai, elle a bien acheté le journal, qui constitue un contrat mais dont l'objet n'est pas la vente de véhicules. qu'en pensez-vous ?

Merci

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Bonjour,

tu pars trop loin essaye de te recentrer sur le sujet principal qui est l'achat d'un véhicule en mauvaise état.
Poses toi la question de savoir si les dégats étaient visibles ? si oui aurait elle acheté le véhicule ? si non le vendeur n'est il pas tenu a une obligation légale de garantie des vices cachés ?

Ensuite si elle a acheté chez ce garagiste en raison de la charte de qualité n'y a t'il pas vice du consentement ?

bon voila quelques pistes à toi de les creuser maintenant.

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Ezekiel 25:17"La marche du vertueux est semée d'obstacles qui sont les entreprises égoïstes que fait sans fin surgir l'oeuvre du Malin. Bénit soit-il l'homme de bonne volonté qui au nom de la charité se fait le berger des faibles qu'il guide dans la vallée d'ombre de la mort et des larmes"

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à vrai dire j'y ai pensé mais je pense que c'est un piège : la question concerne le journal, partant de là, je me suis dit qu'il ne fallait pas chercher dans les vices du consentement (notamment erreurs sur les qualités comme tu l'a évoqué implicitement) dans le contrat lié à la vente du véhicule. En fait, vu la formulation du sujet, je me suis dit que les pistes se situent entre Reine-Claude B... et le journal.

concernant les vices de consentement entre R.-C. et le journal, je n'y avais pas pensé. pour qu'il y ait vices du consentement, encore faut-il qu'il y ait un contrat. Or a priori le seul contrat lié entre R.-C. et le journal est l'achat du journal. De plus R.-C. n'achète pas le véhicule au journal. Donc on ne pourrait reprocher au journal de vicier le consentement de l'acheteuse du véhicule.

Voila pourquoi je me suis lancé dans l'inexécution contractuelle : en effet, R.-C. achète un journal, elle lie un contrat avec l'auteur du journal. Dans ce journal, l'intitulé de la rubrique, "charte", fait penser que l'acheteur du journal lie un contrat avec le journal, dont l'objet n'est pas le vente de véhicules, mais la présentation sérieuse d'annonces vérifiées par le journal. Autrement dit, selon moi, l'acheteuse du véhicule peut engager la responsabilité contractuelle du journal, non pas parce que le véhicule ne marche pas, mais parce que le journal n'a pas satisfait son obligation, qui était ici la vérification du sérieux des annonces.
Qu'en penses-tu ?
Qu'en pensez-vous?

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Je n'ai aucun mérite. j'ai reconnu l'arrêt... :wink:

Cour de cassation, 2° ch. civ., 10 juin 2004
N° de pourvoi: 02-19600
Publié au bulletin 2004 II N° 294 p. 249

L'arrêt est aussi commenté de manière courte et claire à la RTD Civ. 2004 p. 728, avec des observations de Mestre et Fagès 8)

Et voilà l'arrêt :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, qu'ayant acquis de Mme X..., sur le vu d'une annonce éditée dans le journal La Centrale des particuliers, un véhicule automobile d'occasion qui s'est avéré ultérieurement inutilisable, M. Y..., n'ayant pu retrouver le vendeur et estimant que l'annonce n'était pas conforme aux engagements de contrôle parus dans ce journal, a assigné en réparation la société Hebdo Mag France, éditrice, aux droits de laquelle se trouve la société Trader Com France (la société) ;

Attendu que pour débouter M. Y... de ses demandes, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que toute personne normalement vigilante sait que l'occasion est un marché à risque, ce que n'ignore pas La Centrale des particuliers, qui propose une assurance auto-garantie ; que la charte imprimée dans ce journal, qui n'est qu'un rappel en abrégé des obligations générales auxquelles souscrit après apposition de sa signature et de la mention "lu et approuvé" tout annonceur, et qui définit en six points les axes fondamentaux de cet organisme dans le cadre du marché de la voiture d'occasion, ne peut que susciter dans l'esprit des acheteurs potentiels un plus grand sentiment de sécurité lors d'éventuelles transactions ; que néanmoins, cette impression de confiance ne saurait caractériser une véritable tromperie de La Centrale ni même une simple faute de négligence susceptible d'engager sa responsabilité, lorsque, comme en l'espèce, le bien vendu ne présente pas les caractéristiques mentionnées dans l'annonce, contrairement à l'éthique affichée dans sa charte ; qu'en effet, si La Centrale s'engage à examiner et rédiger les annonces qu'elle diffuse, son intervention reste cependant limitée à la seule formulation de celles-ci, veillant à ce qu'elles soient rédigées en termes clairs, précis et neutres, de façon à fournir à l'acquéreur les renseignements strictement nécessaires à son information, alors que seuls les vendeurs s'engagent par écrit et sur l'honneur sur la qualité et la conformité des biens proposés, à propos desquelles elle ne déclare ni ne laisse entendre qu'elle exerce le moindre contrôle ou vérification ; qu'en l'espèce, M. Y..., qui lors de la remise de la carte grise a pu aisément constatée que le véhicule cédé n'était pas de première main contrairement aux mentions de l'annonce, et auquel Mme X... a remis un certificat de vente "dans l'état", ne pouvait dès lors se croire dispensé de s'assurer du bon état général de fonctionnement du véhicule qu'il acquérait ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'au regard des documents contractuels, la société, en laissant paraître une annonce comportant des mentions erronées sur le nombre des immatriculations antérieures et désignant un véhicule qui avait été gravement accidenté, avait commis une faute ayant concouru au dommage subi par M. Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE...

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chapeau! aucun mérite... lol je trouve que y'a beaucoup de mérite de reconnaitre la ressemblance d'un cas pratique avec un commentaire d'arrêt, ca a le mérité d'avoir une solide culture juridique!
Merci beaucoup.
LA cour d'appel s'appuie sur l'article 1382, donc la responsabilité du fait personnel, pour rejeter les demandes mais la cour de cassation en cassant l'arrêt s'appuie-t-elle sur le même article? car personnellement je trouve que la cour de cassation n'est pas très explicite sur ce coup : le journal a "concouru au dommage subi" or ce dommage subi par M.X est d'origine contractuelle, alors j'imaginais voir du 1147...
j'espère que j'aurais le temps d'aller voir le commentaire, t'en as quelques souvenirs?
Merci !

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Camille Intervenant

Bonjour,
Oui, bravo !

Ce qui serait intéressant, ce serait de connaître le résultat de la cour d'appel d'Orléans (à supposer qu'il n'y ait pas eu nouveau pourvoi), et savoir le montant de l'indemnisation auquel le journal a été condamné.
Parce que la cour de cassation ne dit pas que le journal est entièrement responsable mais qu'il a (seulement) "concouru au dommage subi".
Et si la cour alloue un euro symbolique ou le remboursement du prix du canard ?
Donc, sans débouter la dame, donc arrêt conforme à celui de la cour de casse...

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Hors Concours

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oui ca serait intéressant. comment peut-on le retrouver? cet aprem, j'essaierai d'aller à la B.U pour retrouver le commentaire de l'arrêt.
mais je reste sur ma fin. comme tu le dis, c'est une responsabilité délictuelle partielle, et je ne comprends pas trop le raisonnement ici.

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j'ai trouvé une opinion qui va dans mon sens à propos du raisonnement de la cour de cassation :
"On s'étonnera toutefois des fondements juridiques utilisés par la cour de cassation pour ouvrir la voie du recours en responsabilité au profit de l'acheteur malchanceux.
En effet, c'est sur le fondement de l'article 1382 du code civil que l'indemnisation de l'acheteur est reconnue. Or, cet article est la figure de proue de la responsabilité délictuelle, donc hors contrat.
Si l'on s'en tient à la réalité des relations contractuelles dans cette affaire, nous sommes en présence de deux contrats, l'un qui concerne la vente du véhicule automobile entre le vendeur et l'acheteur, l'autre qui concerne l'achat du magazine sur la base duquel l'acheteur a décidé de faire l'acquisition du véhicule. C'est donc bien sur le contenu erroné du magazine que le second contrat a pu avoir lieu. La source de responsabilité trouve ainsi son origine dans le contrat et non dans le comportement fautif, non contractuel de la maison d'édition. Le non cumul du délictuel et du contractuel empêche toute action qui viserait subsidiairement une responsabilité à défaut de l'autre. Il nous semble étonnant de lire que la haute juridiction française reconnaît un manque de contrôle des annonces publiées dans le magazine et accueille le recours exercé par l'acheteur sur le fondement de la responsabilité hors contrat." (Luc Masson)

en fait, il y a une faute de la part du journal, qui pour la cour est d'origine délictuelle, alors que vraisemblablement, elle du ressort de la non exécution des engagements pris par le journal. Voila pourquoi je ne comprends pas le raisonnement de la cour de cassation.
qu'en pensez-vous ?

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Camille Intervenant

Bonjour,
Ben si, c'est pourtant facile à comprendre :

Citation :


Article 1382
Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Y a-t-il eu un dommage causé à autrui ? Oui.
Le journal a-t-il causé ce dommage ? Oui, du moins il y a participé partiellement.
Le journal doit-il réparer ce dommage ? Oui, au moins partiellement.

Et partiellement seulement, ne serait-ce que parce qu'il n'est pas le seul dans le coup, il y a le vendeur aussi, et que...
Citation :


Article 1383
Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

peut aussi s'appliquer à Mme X...
puisqu'ici, ce n'est pas seulement "à autrui", comme dans l'article précédent, et peut donc s'appliquer à soi-même
("Nemo auditur propriam turpitudinem allegans")
C'est bien ce qu'on fait les deux juridictions précentes, puisqu'il y avait déjà eu un appel confirmatif.
Du moins, à mon humble avis...

Donc, pas impossible que la cour d'appel d'Orléans ne fasse rembourser que le prix d'achat du canard et peut-être les dépens ?
:roll:

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Hors Concours

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merci de la leçon sur la responsabilité délictuelle. Mais ce n'est pas là ou je veux en venir. Appliques tu la responsabilité civile lorsque le dommage est issu du contrat, et que la victime du dommage est parti au contrat ? Non. Or ici le dommage est issu du contrat, contrat lié lors de l'achat du journal, dans lequel s'engage l'éditeur à fournir des bonnes voitures (pour faire simple). Alors pourquoi la responsabilité délictuelle?

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Tant pis pour la leçon, ce n'était pas mon but.
Mais ne serait-ce pas que les "documents contractuels" dont parle la cour sont ceux du contrat entre le vendeur et le journal ? Le vendeur a commis une faute dans l'exécution du contrat. Mais, ça c'est le problème du journal dans ses relations contractuelles avec le vendeur. L'exécution défectueuse de ce contrat-là a provoqué, par contrecoup et parce que le journal a publié l'annonce, le préjudice subi par Mme X.
Je pense que la cour ne parle pas des "documents contractuels" liant le journal à Mme X.
Donc, je dirais : 1147 entre le vendeur et le journal, 1382 entre le journal et Me X.
(au fait, d'une façon plus générale, quand on achète un journal dans un kiosque, peut-on attaquer son éditeur pour avoir publié une information erronée sur la base d'une faute contractuelle entre lui et son lecteur ?)


D'ailleurs, je suppose que si le journal était condamné, il pourrait se retourner contre le vendeur (s'il le retrouve). En vertu du 1147, ce coup-ci.

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Hors Concours

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ha ok je crois que j'ai compris : en fait dans l'histoire il y a trois contrat, celui entre le vendeur et M.X, celui entre le vendeur et le journal, et celui entre le journal et M.X. initialement, le dommage, est entre M.X et le vendeur, et issu du contrat les liant. Or elle cherche a engager la responsabilité du journal. bien qu'elle ait lié un contrat avec ce journal, il n'est que tiers dans le contrat entre le vendeur et M.X, donc responsabilité délictuelle.
moi je n'avais pas du tout ce raisonnement : je me disais que, contractuellement, le journal était engagé envers M.X à lui fournir des annonces sérieuses, or il n'a pas tenu son obligation donc responsabilité contractuelle.

Pour conclure, dans la résolution du cas pratique, il fallait évoquer les deux réponses, car toutes les deux possibles, mais en précisant qu'elle ne pouvait utiliser qu'une des deux méthodes en vertu du principe de non cumul des deux responsabilités. Elle a d'ailleurs plus de chances de résultat avec la responsabilité délictuelle.