Cas pratique : responsabilite du fait des choses

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Coucou !

En droit de la responsabilité civile, j'ai quelques cas pratiques à résoudre sur la causalité. Mon problème est avant tout un problème de méthode : lorsque l'on résoud un cas pratique sur la responsabilité du fait des choses de l'art 1384 al. 1, est-il utile de faire le plan basique dommage/fait générateur/lien de causalité ?
Je m'explique : sachant que la responsabilité du fait des choses pose trois conditions de mise en oeuvre : une chose, un fait de la chose, un gardien. Etudié le fait de la chose, ça revient à étudier la causalité, non ?

Le mieux, je crois, est de vous soumettre mon cas pratique... :oops:

Citation :

Le souvenir de l'été dernier demeure douloureux pour les habitants de Sainte Joie, petit village traversé par la Vilaine. Suite à une crue du fleuve, le pont s'est effondré. Les vies furent sauves mais les voitures et autres véhicules furent engloutis, sans compter que les habitants de la rive gauche ont été isolés du reste du village pendant plusieurs heures.
Yvonne, la "mémoire du village" s'interroge. Le constructeur du pont, quelques mois auparavant, avait procédé à des travaux de rénovation. Mais depuis, des fissures étaient apparues et les habitants avaient apppris qu'il connaissait de très grandes difficultés financières, l'obligeant à faire des économies sur les matériaux. Quid juris ?


Mes différents problèmes sont :

- A vue d'oeil, je dirais responsabilité du fait des choses comme fait générateur car le pont s'est effondré donc il y a bien une chose et dès qu'il y a une chose, c'est l'art 1384 al 1 qui s'applique. Cela dit, il y a aussi faute du constructeur et comme on est sur la séance sur la causalité, je me demande si on cherche pas avant tout à nous faire discuter les théories de la causalité adéquate et de l'équivalence des conditions...

- Ensuite, si je me fonde sur la responsabilité du fait des choses :
il y a bien une chose à savoir le pont qui est un bien immeuble donc, un fait de la chose, la chose devant être l'instrument du dommage... mais ici, le pont est une chose inerte et donc là, j'appliquerais la jurisprudence de 2005 qui pose comme critère l'anormalité de la chose inerte s'applique. L'anormalité résulte, selon moi, en l'espèce, de la qualité de la chose (les fissures).

- Ensuite la garde (usage, contrôle, direction). Le propriétaire est présumé gardien mais à mon avis, le constructeur ne peut pas etre considéré comme proprio, non ? Selon moi, la présomption ne s'applique pas puisque le propriétaire serait plutôt le village. Donc j'aurais tendance à vouloir étudier le transfert de garde au constructeur : la personne ayant la garde pouvait prévenir elle-même le préjudice. De ce point de vue, le constructeur devient gardien et sa responsabilité peut alors etre engagée.

Et dans ce cas, inutile de rechercher s'il y a lien de causalité entre le dommage et le fait générateur puisqu'il y a responsabilité du fait des choses. Non ? :?

J'espère que vous pourrez m'éclairer un petit peu, ça me serait très utile.
Merci d'avance :)

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Salut,

oui je pense que tu es sur la bonne voie: responsabilité du fait des choses inertes, il faut caractériser que la chose est l'instrument du dommage et l'anormalité de la chose.

pour ce qui est du gardien, a priori je pense que c'est bien le village (sauf à caractériser une distinction garde de la structure/garde du comportement), mais ça n'empêche pas le gardien d'invoquer le fait d'un tiers (le constructeur).

Sinon t'aurais pas oublié une autre cause exonératoire (à discuter en l'espèce)?

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Pour ma part notre prof de civil nous conseille de commencer absolument tous les cas pratiques concernant la responsabilité civile par préjudice fait générateur lien causal et ensuite d'appliquer la règle comme 1384 al.1
Sinon bonne application mais comme l'a dit doui il faut absolument parler des causes exonératoires.

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Merci pour vos réponses ! :))

Citation de Katharina :

Pour ma part notre prof de civil nous conseille de commencer absolument tous les cas pratiques concernant la responsabilité civile par préjudice fait générateur lien causal et ensuite d'appliquer la règle comme 1384 al.1
Sinon bonne application mais comme l'a dit doui il faut absolument parler des causes exonératoires.


Ma prof de droit civil nous dit également la même chose, cad de commencer par le préjudice puis le fait générateur puis le lien causal, sauf qu'il me semble qu'elle nous avait dit que rechercher le fait de la chose, ça revenait à étudier le lien de causalité entre la chose et le dommage. Donc... :?

Effectivement, j'avais pas pensé aux causes d'exonération... Je suppose que là, ça serait force majeure. M'enfin, j'ai tendance qu'il n'y a pas force majeure vu qu'il y avait des fissures et donc que le dommage était prévisible...

J'espère ne pas abuser de votre aide mais j'ai un autre cas pratique qui me pose un problème :oops:

Les faits sont les suivants : une jeune fille est prise en flagrant délit de vol dans un magasin. Son petit ami l'ayant quitté la semaine précédente, elle est dans une mauvaise période et après avoir été humiliée et réprimandée publiquement par le directeur du magasin, elle fait une tentative de suicide. Ses parents peuvent-ils demander réparation au directeur ?

A priori, je pars sur la responsabilité du fait personnel en considérant qu'il y a faute du directeur.

- Le préjudice des parents : un préjudice d'affection, le fait de voir la "déchéance" d'un être cher.

- La faute du directeur : l'humiliation publique est fautive car en application du standard du bon père de famille, je pense qu'il aurait du la réprimander, mais pas en public. Il y a donc faute.

- Le lien de causalité : c'est là que tout mon problème réside :( Notre prof de civil nous a dit qu'il fallait étudier les deux théories de la causalité et de les appliquer à l'espèce... mais quand on arrive à deux solutions contraires, que faire ? :roll: Parce qu'en application de la théorie de l'équivalence des conditions, on peut considérer qu'il y a pluralité d'événements ayant pu causer ce dommage (l'humiliation du directeur mais également le fait que son petit ami l'ait quitté) et donc, les événements peuvent considérer comme causes du dommage de manière équivalente, ce qui fait que le directeur serait responsable... Ou alors, je fais fausse route ? Parce qu'en lisant mon cours, et en appliquant la théorie, j'arrive aussi à trouver que la faute du directeur n'est pas la cause du dommage dans la mesure où sans cette faute, le dommage aurait quand même pu avoir lieu (vu qu'elle aurait pu tenter de se suicider à cause de son petit ami)... Je suis pas sure de comprendre vraiment comment mettre en application cette théorie :oops: Sinon, avec la causalité adéquate, j'arrive à la conclusion qu'il n'y a pas de lien de causalité : on ne peut pas considérer que ce type de faute (l'humiliation) entraine habituellement ce type de préjudice (la tentative de suicide et le préjudice d'affection qui en résulte).

J'ai fais quelques recherches et dans le bouquin d'obligations Malaurie/Aynes, j'ai trouvé une jurisprudence similaire où le directeur du magasin n'a pas été considéré comme responsable car il n'y avait pas de lien causal...

Bref, tout ça m'embrouille :?

Merci en tous cas :)

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a mon avis, y a surtout une "prédisposition de la victime", à voir dans quelle mesure ça doit jouer en l'espèce, et y a de la jurisprudence spéciale sur le lien de causalité en cas de suicide (cf. notes dans le code civil dalloz par exemple), pas besoin de te prendre la tête sur quelle théorie appliquer (enfin bon, si ça peut faire plaisir à ton prof tu peux toujours évoquer les 2 théories avant de donner la bonne solution ...)

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Citation de Lina :


Effectivement, j'avais pas pensé aux causes d'exonération... Je suppose que là, ça serait force majeure. M'enfin, j'ai tendance qu'il n'y a pas force majeure vu qu'il y avait des fissures et donc que le dommage était prévisible...


Quand on dit qu'il ne faut pas oublier les causes d'exonération ça veut dire que même si elles ne sont pas applicables il ne faut pas oublier de les citer et d'expliquer pourquoi elles ne jouent pas :wink: et attention on exclue pas la force majeure seulement par le caractère imprévisible puisque les jurisprudences récentes se basent uniquement sur les deux autres conditions pour la caractériser.

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Citation de doui :

a mon avis, y a surtout une "prédisposition de la victime", à voir dans quelle mesure ça doit jouer en l'espèce, et y a de la jurisprudence spéciale sur le lien de causalité en cas de suicide (cf. notes dans le code civil dalloz par exemple), pas besoin de te prendre la tête sur quelle théorie appliquer (enfin bon, si ça peut faire plaisir à ton prof tu peux toujours évoquer les 2 théories avant de donner la bonne solution ...)


A propos de ces théories justement mon prof de civil dit qu'il faut toujours appliquer celle de l'équivalence des conditions alors que dans les bouquins ils disent que les deux théories sont d'actualité et qu'elles alternent, j'aimerais savoir si ton prof de civil t'as dit pareil ? :oops:

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son cours est pas très clair :P (sur ce point)

en gros il dit en intro que la jurisprudence n'a pas adopté l'une ou l'autre des doctrines, mais y fait parfois des références.

Après plus loin dans le cours, sur le caractère directe du lien de causalité, il fait comme plan:
1. les applications de la théorie de l'équivalence des conditions
2. les entorses à la théorie de l'équivalence des conditions

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Oki je vois en gros on pourrait dire en principe l'équivalence des conditions et par exception la causalité adéquate :P

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Merci pour vos réponses ! :)

Pour les deux théories, ma prof a étudié les deux en disant qu'historiquement, c'est la théorie de l'équivalence des conditions qui s'était d'abord imposé et qu'elle était sans doute plus utilisée car permet plus facilement de trouver un responsable civilement que l'autre, ce qui va de pair avec la tendance actuelle à l'indemnisation facilitée des victimes.
D'un autre coté, elle a quand même dit que la causalité adéquate était utilisé elle aussi et que la Cour de Cassation alternait entre les deux. Donc en gros, en relisant mon cours, j'en déduis que les deux sont utilisés... :roll:

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Camille Intervenant

Bonjour,
Attention de ne pas "s'éparpiller" sur des données "surabondantes", parce que...

Citation de Lina :

Citation :


les habitants avaient apppris qu'il connaissait de très grandes difficultés financières, l'obligeant à faire des économies sur les matériaux. Quid juris ?


... ne prouve pas nécessairement qu'il y a eu malfaçons...
:))

(toute entreprise en difficultés financières qui s'oblige à faire des "économies sur les matériaux" n'est pas forcément condamnable, on pourrait même dire que ces économies sont souhaitables, suivant la situation d'où l'on est parti : par exemple, nombreux gaspillages de matériaux ayant justement conduit aux difficultés financières en question... Tout dépend, bien sûr, de ce que l'on entend pas "faire des économies sur les matériaux"...)

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Hors Concours

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oué enfin des fissures qui apparaissent au bout de quelques mois après des travaux de rénovation, c'est pas non plus très normal ...

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Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Mais, je n'ai pas non plus dit qu'il ne pouvait pas y avoir "suspicion de...".
Donc,
- expertise par expert près les tribunaux
- contre-expertise
- contre-contre-expertise
- bataille d'experts
- etc. etc. etc.
et peut-être qu'à la fin on pourra appliquer la théorie de la causalité...
Mais, pour le moment, la seule donnée "des fissures étaient apparues et les habitants avaient apppris qu'il connaissait de très grandes difficultés financières, l'obligeant à faire des économies sur les matériaux" me parait grandement insuffisante pour l'appliquer.
Ne pas, quand même, oublier la crue, prévisible / pas prévisible (dans son ampleur), avec arrêté de catastrophe naturelle ou pas (qui, conséquence indirecte, "dédouane" pas mal de quelques malfaçons subreptices...)
:))
... et que n'importe quel professionnel vous dira qu'il y a fissures et fissures (et que ce ne sont pas forcément les plus spectaculaires aux yeux du vulgum pecus qui sont les plus dangereuses...)(allez donc jeter un coup d'oeil à un barrage, des fissures, c'est pas ça qui manque)(Malpasset 1959 : barrage quasiment neuf, aucune fissure apparente. Résultat : plus de 400 morts à Fréjus. Ce sont les fissures invisibles dans la roche sous le barrage qu'il aurait fallu surveiller...)

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Hors Concours

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Slt
Un pont n'est-il pas assimilable à un batiment en ruine au sens de 1386 ?

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"Une ambiance de rêve dans la vallée de la fensch"