Commentaire d'arrêt: neutralité et service public

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Yzah Intervenant

Bonjour,

Je vous le donne en mille: commentaire d'arrêt sur la neutralité dans un service public (hospitalier en l'espèce) pour bien commencer le S4 en DA.

L'arrêt de la CAA Paris à commenter

Voici le devoir quasi-définitif. S'il vous plait j'ai vraiment besoin d'avoir encore des retours parce que je me suis mangé un merveilleux 6 en partiel. Je le savais mais le voir c'est toujours compliqué. Après je pense avoir eu pas mal de déclics quant à la méthodologie et l'apprentissage de la jurisprudence.



Plus d'un siècle après la célèbre loi de 1905 sur la séparation de l'église et de l'état, les questions de laïcité et d'exercice de la liberté religieuse continue d'interroger. Si la neutralité est la règle dans le service public, la logique est inversée pour les usagers : c'est la liberté d'exprimer ses convictions religieuses qui prime, sous réserve du respect de l'ordre public, du bon fonctionnement des services publics et du traitement égal de ses usagers. Quid de l'hypothèse où un étudiant poursuit ses études en milieu hospitalier, rattaché au service public ?

En l'espèce, Madame A, étudiante infirmière au sein d'un hôpital public parisien, est
sanctionnée pour avoir porté son voile dans le cadre de ses missions à l'hôpital et témoigner de manière ostentatoire sa religion lors d'une intervention dans un collège.

La directrice de l'Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) a donc décidé de sanctionner Madame A par un avertissement le 19 mai 2014. Madame A a donc saisi le tribunal administratif de Paris pour demander l'annulation de la sanction et réparation du préjudice subi à l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), demande à laquelle le tribunal administratif de Paris fait droit le 3 juillet 2015. L'AP-HP fait appel de cette décision.

Dans son mémoire en appel, l'AP-HP justifie la sanction par la nécessité de traiter étudiants du secondaire et étudiants infirmiers de façon similaire afin de garantir le bon fonctionnement du service. Elle explique également que le règlement de l'IFSI est pris en conformité avec l'arrêté du 21 avril 2007 sur le fonctionnement des instituts de formation paramédicaux, qui impose le principe de neutralité. L'AP-HP précise que ces dispositions sont conforme avec le principe de laïcité de l'enseignement supérieur et de la liberté de conscience.

Le mémoire produit en défense et en production de pièces par Madame A demande le rejet de la requête de l'AP-HP et demande 2000€ à l'AP-HP pour frais de justice.

La question de droit à laquelle doit donc répondre la Cour d'appel administrative de Paris
est donc : le port de signes ostentatoires religieux de la part d'une étudiante, intervenant dans un service public, constitue t-il un manquement au principe de neutralité du service public ?

Pour conclure au rejet de la requête de l'AP-HP, le Conseil d'Etat réaffirme le cadre légal des principes de service publics et le statut des étudiants (I) et motive le rejet en tenant compte des circonstances inhérentes à la situation (II).

I – Le cadre légal propre à l'application de la laïcité

Le Conseil d'Etat rappelle l'attachement de la France à la liberté religieuse à travers la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la Constitution de 1958, et rappelle ensuite la spécificité du principe de neutralité du service public (A) et celles du statut des étudiants, même lorsqu'ils intégrés au service public (B).

A) Le principe de neutralité du service public

Les lois de Rolland ont systématisé les grands principes qui devaient, selon lui, régir les services publics : mutabilité, continuité, égalité et neutralité, elle-même en lien avec la tradition laique en France. Le Conseil constitutionnel souligne dans sa décision n°86-217 du 18 septembre 1986 que la neutralité exigée d'un service public est le corollaire du principe d'égalité. Si les agents de service public favorisent une partie des usagers, ils portent atteinte au principe d'égalité. Ce devoir de neutralité n'est toutefois pas une limite à la liberté d'opinion des agents, dans la mesure où ce ne sont pas leurs opinions qui sont sanctionnés. Il représente aussi une garantie à leur profit puisqu'il interdit à l'Etat, en qualité de recruteur, de formuler la moindre préférence ou discrimination (CE 27 juin 2018, n° 419595, Syndicat national de l’enseignement supérieur : un directeur d'université peut aussi être ministre d'un culte).

B) La spécificité du statut des étudiants en service public

Les agents publics sont donc libres de croire, mais pas de manifester leurs croyances dans le cadre de leurs missions, mais se pose alors la question de la spécificité du statut de Madame A : elle est élève-infirmière. En l'espèce, c'est au considérant n°3 que le CE exprime son opinion vis-à-vis de ce statut. Il le validera formellement dans sa décision du 28 juillet 2017 n°390740. En l'espèce, il doit trancher sur la recevabilité d'un arrêté concernant le fonctionnement des instituts paramédicaux. Le CE raisonne ainsi : quand l'élève est en stage de pratique professionnelle à l'hôpital public, il doit être assimilé au personnel. Concernant leur scolarité, ils sont considérés comme relevant de l'enseignement supérieur et non, de l'éducation nationale. Les circonstances sont également prises en compte comme l'attitude du stagiaire.

II – L'absence de provocation ou de prosélytisme

Le cadre légal a été rappelé, d'autres considérations ont été prises en compte par le Conseil d'Etat : l'impact sur le fonctionnement du service (A) et les autres demandes émanent de l'AP-HP (B).

A) Des considérations factuelles prises en compte

Le raisonnement du Conseil d'Etat s'appuie, au considérant 8, sur des considérations factuelles. Il est décrypté le statut de Mme A à chaque fois qu'elle est mise en cause pour le port de son voile. Le CE applique son raisonnement développé au considérant 3. Le port du voile en dehors d'un stage la mettant en contact des usagers du service public ne peut faire l'objet d'une sanction. Dans une autre décision du 20 février 2020, le CE a eu à se prononcer sur la barbe d'un stagiaire. La demande de réduire la barbe du stagiaire de la part de l'administration n'était pas fondé sur une considération hygiénique ou professionnelle mais seulement sur la possible assimilation à une religion. Dans les deux situations, en l'absence de comportement prosélytique, la barbe et le voile n'ont pas été considérés comme signes religieux.

B) Une substitution de motifs de sanction attentatoire aux droits du défenseur

Le Conseil d'Etat conclue sa décision sur l'examen d'une autre requête de l'AP-HP. Elle demande une substitution de motifs pour la sanction initialement prise. Le CE rappelle que cette substitution visant à régulariser cette sanction déclarée illégale doit se faire sous le contrôle du juge de fond, ce qui n'a pas été fait en l'espèce. L'accorder en cassation serait attentatoire aux droits du défendeur, puisque le défendeur n'a pas pu présenter ses observations sur ce point précis. Ce considérant est dans l'exacte continuité de sa jurisprudence antérieure (décision de principe dite « Hallal » du 6 février 2004 n°240560, qui pose le considérant de principe relatif à la substitution de motifs sur toute décision administrative). Dernière modification : 13/03/2020 - par Yzah

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"L'émotion dépasse les règles juridiques", C. CASTANER

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LouisDD Administrateur

Salut

J’ai retrouvé ce qui pourrait être une femme brute permettant de façonner ton raisonnement :

Un arrêt récemment commenté sur Dalloz actualités :
CE 12 févr. 2020, req. n° 418299
(J’ai pas le lien oupsss, mais disons que c’est pour tester ta capacité de juriste à trouver les informations aha)

Évidemment dans cet arrêt il est question d’une barbe, pas d’un voile... mais justement une comparaison des situations pourrait être pertinent... Dernière modification : 04/03/2020 - par LouisDD

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Le précieux... enfin la charte du forum quoi !

Ma méthode de travail

"Plus que des lois de procédure, ce sont des lois de neutralité fiscale qui sont le meilleur remède aux tentations d'abus de droit." Maurice Cozian (1936-2008)


"Fear," he used to say, "fear is the most valuable commodity in the universe." Max Brooks, WWZ

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Yzah Intervenant

Merci beaucoup de me l'avoir rappelé, c'était l'édition du 20 février (oui Dalloz actu fait partie de mes lectures depuis l'année dernière, une idée de ma prof de droit civil ^^)! Le pire, c'est que j'ai lu l'article mais je n'ai pas fait le parallèle...

Dalloz actu 20/02/2020

La décision sur la barbe

Je vais refaçonner mon plan afin de glisser cette décision dedans, je le remettrais à jour dans la journée pour vous tenir au courant. Dernière modification : 05/03/2020 - par Yzah

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LouisDD Administrateur

Très bonne idée franchement, disons que ça à l’avantage d’être un peu plus abordable que certains articles de doctrine complètement imbuvables ! Et pratique car évite de chercher dans près d’une dizaine de revues différentes pour plus de précisions...

Après je ne baserai pas mon raisonnement uniquement dessus, mais c’est à mon sens un parallèle intéressant en ce qu’il montre que la notion de neutralité est vraiment particulière et diffère selon les éléments matériels.

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Yzah Intervenant

Update: 10/20

Je suis très déçue, je pensais avoir progressé, mieux compris les attentes mais au final c'est la même note. Je sais plus quoi faire du tout, la matière est intéressante mais il y a trop de par coeur et c'est vraiment dommage.

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LouisDD Administrateur

Bonjour !

Mais pourtant par rapport au partiel avec un 6/20 c’est une amélioration non ?

Je rejoins Isidore sinon, le mieux c’est de demander des explications au chargé de TD

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Publié par
Yzah Intervenant

En raison du confinement, la copie a été envoyée par pdf et corrigée à distance. Je n'ai pas de chargés de TD. Les copies de devoir sont corrigées à l'arrache parce qu'ils sont facultatifs. C'est sûr qu'il y a une amélioration après la copie rendue au partiel, mais je pensais avoir fait mieux que 10.

D'autres élèves ont partagés leurs copies. Je pense que la mienne a manqué de contenu, une partie des titres étaient encore trop descriptives. Je n'ai pas réussi à bien séparer faits et procédure. Je n'ai pas assez insisté sur les apports successifs des décisions de jurisprudence. Je pense avoir soulevé des points intéressants mais je n'ai pas su encore assez les développer.

Le plus frustrant est qu'en présentiel, je rendais un devoir chaque semaine pour me tester sans cesse. Là, j'ai à peine un à deux devoirs par semestre, c'est peu.

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