Compréhension d'un arrêt et problème de droit

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Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1112 du Code civil ;

Attendu que Mme X... était collaboratrice puis rédactrice salariée de la société Larousse-Bordas depuis 1972 ; que selon une convention à titre onéreux en date du 21 juin 1984, elle a reconnu la propriété de son employeur sur tous les droits d'exploitation d'un dictionnaire intitulé " Mini débutants " à la mise au point duquel elle avait fourni dans le cadre de son contrat de travail une activité supplémentaire ; que, devenue " directeur éditorial langue française " au terme de sa carrière poursuivie dans l'entreprise, elle en a été licenciée en 1996 ; que, en 1997, elle a assigné la société Larousse-Bordas en nullité de la cession sus-évoquée pour violence ayant alors vicié son consentement, interdiction de poursuite de l'exploitation de l'ouvrage et recherche par expert des rémunérations dont elle avait été privée ;

Attendu que, pour accueillir ces demandes, l'arrêt retient qu'en 1984, son statut salarial plaçait Mme X... en situation de dépendance économique par rapport à la société Editions Larousse, la contraignant d'accepter la convention sans pouvoir en réfuter ceux des termes qu'elle estimait contraires tant à ses intérêts personnels qu'aux dispositions protectrices des droits d'auteur ; que leur refus par elle aurait nécessairement fragilisé sa situation, eu égard au risque réel et sérieux de licenciement inhérent à l'époque au contexte social de l'entreprise, une coupure de presse d'août 1984 révélant d'ailleurs la perspective d'une compression de personnel en son sein, même si son employeur ne lui avait jamais adressé de menaces précises à cet égard ; que de plus l'obligation de loyauté envers celui-ci ne lui permettait pas, sans risque pour son emploi, de proposer son manuscrit à un éditeur concurrent ; que cette crainte de perdre son travail, influençant son consentement, ne l'avait pas laissée discuter les conditions de cession de ses droits d'auteur comme elle aurait pu le faire si elle n'avait pas été en rapport de subordination avec son cocontractant, ce lien n'ayant cessé qu'avec son licenciement ultérieur ;

Attendu, cependant, que seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans constater, que lors de la cession, Mme X... était elle-même menacée par le plan de licenciement et que l'employeur avait exploité auprès d'elle cette circonstance pour la convaincre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde branche du premier moyen, ni sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.



Je ne suis pas sûre de comprendre l'arrêt ou plus exactement je ne comprends pas pourquoi la Cassation casse l'arrêt de la CA.

Je comprends que la Cassation dit que la CA n'a prouvé que Mme X était réellement menacée...
Le problème de droit serait-il sur la preuve ?
Ou,
Peut-on caractériser la menace de licenciement comme un violence qui vicie un contrat au sens de l'article 1112 de code civil ?

Dites-moi si je suis à côté de la plaque... :?

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Camille Intervenant

Bonjour,
A peu près autant que la cour d'appel...
Moi, c'est celui-là que je ne comprends pas.

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Hors Concours

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Il s'agit de 1 civ 3 avril 2002 cité dans le Code civil Dalloz sous l'article 1112 du Code civil et très annoté.
Il s'agit effectivement d'un problème de preuve de l'abus de domination économique.
http://www.lettresdudroit.com/?&c=1&m=0 ... rticle=118

Voir aussi : http://edoctorale74.univ-lille2.fr/file ... ensa01.pdf

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 3 avril 2002
N° de pourvoi: 00-12932
Publié au bulletin Cassation.

Président : M. Lemontey ., président
Rapporteur : M. Gridel., conseiller rapporteur
Avocat général : M. Roehrich., avocat général
Avocats : la SCP Delaporte et Briard, la SCP Piwnica et Molinié., avocat(s)


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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1112 du Code civil ;


Attendu que Mme X... était collaboratrice puis rédactrice salariée de la société Larousse-Bordas depuis 1972 ; que selon une convention à titre onéreux en date du 21 juin 1984, elle a reconnu la propriété de son employeur sur tous les droits d'exploitation d'un dictionnaire intitulé " Mini débutants " à la mise au point duquel elle avait fourni dans le cadre de son contrat de travail une activité supplémentaire ; que, devenue " directeur éditorial langue française " au terme de sa carrière poursuivie dans l'entreprise, elle en a été licenciée en 1996 ; que, en 1997, elle a assigné la société Larousse-Bordas en nullité de la cession sus-évoquée pour violence ayant alors vicié son consentement, interdiction de poursuite de l'exploitation de l'ouvrage et recherche par expert des rémunérations dont elle avait été privée ;


Attendu que, pour accueillir ces demandes, l'arrêt retient qu'en 1984, son statut salarial plaçait Mme X... en situation de dépendance économique par rapport à la société Editions Larousse, la contraignant d'accepter la convention sans pouvoir en réfuter ceux des termes qu'elle estimait contraires tant à ses intérêts personnels qu'aux dispositions protectrices des droits d'auteur ; que leur refus par elle aurait nécessairement fragilisé sa situation, eu égard au risque réel et sérieux de licenciement inhérent à l'époque au contexte social de l'entreprise, une coupure de presse d'août 1984 révélant d'ailleurs la perspective d'une compression de personnel en son sein, même si son employeur ne lui avait jamais adressé de menaces précises à cet égard ; que de plus l'obligation de loyauté envers celui-ci ne lui permettait pas, sans risque pour son emploi, de proposer son manuscrit à un éditeur concurrent ; que cette crainte de perdre son travail, influençant son consentement, ne l'avait pas laissée discuter les conditions de cession de ses droits d'auteur comme elle aurait pu le faire si elle n'avait pas été en rapport de subordination avec son cocontractant, ce lien n'ayant cessé qu'avec son licenciement ultérieur ;


Attendu, cependant, que seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans constater, que lors de la cession, Mme X... était elle-même menacée par le plan de licenciement et que l'employeur avait exploité auprès d'elle cette circonstance pour la convaincre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;


Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la seconde branche du premier moyen, ni sur le second moyen :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.





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Publication : Bulletin 2002 I N° 108 p. 84

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 12 janvier 2000

Titrages et résumés : PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits patrimoniaux - Cession - Consentement - Violence - Exploitation abusive d'une situation de dépendance économique - Constatations nécessaires . Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui annule pour violence ayant vicié le consentement, la cession par une personne à son employeur de ses droits d'auteur sur un dictionnaire conçu et réalisé par elle, sans constater que, lors de la cession, cette personne était menacée par le plan de licenciement et que son employeur avait exploité auprès d'elle cette circonstance pour la convaincre et, par suite, sans relever une exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne.

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Consentement - Violence - Propriété littéraire et artistique - Droits patrimoniaux - Cession - Exploitation abusive d'une situation de dépendance économique - Constatations nécessaires

Textes appliqués :
Code civil 1112


NB ce type de renonciation est considérée comme une violation des droits de l'auteur en vertu du Code de la propriété intellectuelle . Mais ce n'était pas l'objet et la cause de la demande ici.