De la charité et du droit

Publié par

Bonjour,

M'intéressant à ce que le droit s'inspire de la charité, j'ai réfléchi à des règles du Droit objectif s'inspirant de la charité et en ai trouvé quelques unes, mais je rencontre des difficultés pour trouver des règles de Droit qui lui sont contraires.

J'essaye d'appuyer mes arguments sur des articles du Code civil, et je ne parviens pas à rattacher la première de mes idées (le principe selon lequel on expulse des immigrés clandestins) à un article du Code civil ou à quelque disposition que ce soit.
J'ai quelques doutes sur le bien-fondé de mon propos.

Qu'en pensez-vous ?

Je vous remercie.

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Pourquoi vous cantonner au seul code civil ?
Quel est le but, la motivation, de votre démonstration ?
Voulez-vous démontrer que certains articles du code civil sont inspirés de la notion de charité et pas d'autres (ce qui n'est pas forcément faux) ou voulez-vous démontrer que le code civil a été basé et inspiré par la seule notion de charité (ce qui est faux) ?
Certes, le code civil a été basé sur des notions morales (et non pas seulement de charité) mais comme on le répète sans cesse, ne pas confondre droit et morale.
Resterait d'ailleurs à définir clairement la notion de "charité", normalement associée à "chrétienne" (notion donc plutôt cléricale), par opposition à "fraternité" (notion plutôt laïque, telle que reprise dans la devise de la France).
250px-Liberte-egalite-fraternite-tympanum-church-saint-pancrace-aups-var.jpg
Source : Wikipedia.

P.S. : et j'ai du mal à voir la relation directe entre charité et expulsion des immigrés clandestins.
"Charité bien ordonnée..."

__________________________
Hors Concours

Publié par

Bonjour,

Je vous remercie pour votre réponse.

Je mène ces recherches dans le cadre d'un exercice. J'ai d'abord défini la charité en parlant de sa valeur théologale (qui est bien son sens premier), mais j'ai poussé plus loin l'explication en lui donnant une idée de dépassement de la justice en ce sens que la charité est quelque chose que l'on donne / fait pour quelqu'un qui n'en a pas nécessairement le droit mais souvent le besoin.
La charité n'est donc pas un droit.

J'essaye ensuite de trouver des règles de droit dont la charité se rapproche - ce qui n'est pas bien compliqué. Mais pour en trouver qui s'en éloignent c'est autre chose. Pour étendre le champ de mes recherches j'exploite la dimension morale de la charité, d'où l'expulsion des immigrés clandestins et autres IVG. C'est si visible que ça que je manque d'inspiration ?
Je ne cherche pas nécessairement dans le Code civil mais il me semble être un bon départ. Je réfléchis également à des règles ou actions connues pour ensuite retrouver leur traduction juridique précise.

Je vous remercie encore pour votre attention.

Publié par
gab2 Intervenant

Bonjour,

J'avoue avoir toujours du mal à comprendre en ce qui me concerne. La charité est une sorte "d'abandon" qui consiste à donner du sien, si je puis dire.

Le Code civil, d'inspiration libérale, est finalement très individualiste et ne comporte, à mon humble avis, pas tant de dispositions qui soient charitables. Où alors, faudrait me les montrer.

Ainsi par exemple, il n'y a qu'à voir les règles relatives au partage (communauté, succession), où l'égalité parfaite est de mise. Ce qui à mon sens, n'a rien de charitable.

Je dois mal voir les choses...

Publié par

Pour ce qui est des exemples de l'inspiration de la charité dans le droit positif français, j'ai cité le droit à l'éducation pour tout enfant quelle que soit sa situation disposé par l'article L111-2 du Code de l'éducation, l'aide médicale d’État, ainsi que le droit à une existence convenable pour tous disposé par l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946.

Toutes ces dispositions ont trait de près ou de loin à la charité, et c'est la question sur laquelle porte l'exercice. Je ne vois pas grand chose dans le droit positif français qui s'en écarte de près ou de loin, si ce n'est l'IVG ou le traitement réservé à certains immigrés, ou encore la légitime défense vue sous un certain angle.

J'ai aussi du mal à comprendre ce qu'il faut trouver mais je m'efforce de répondre à la question de la manière la plus convenable possible.

Je vous remercie pour votre aide.

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Je mène ces recherches dans le cadre d'un exercice.
...
C'est si visible que ça que je manque d'inspiration ?

Non non, au contraire, au contraire...
Mais ce qui est surtout visible, c'est l'imagination plus que fertile de celui qui a pondu le sujet, si c'est bien "Le droit s'inspire de la charité", parce que, là, il va lui falloir réviser ses classiques, vu que le droit français ne s'inspire pas du tout - directement en tout cas - d'une quelconque notion de charité, quel que soit le sens qu'on en donne.
Le droit français se base seulement sur le fait qu'on doit aider les plus vulnérables et qu'on doit les aider plus que ceux qui sont moins vulnérables. Mais c'est plus vu comme un moyen de rétablir une certaine forme d'égalité républicaine (on parle d'ailleurs d'inégalités sociales) au nom de la fraternité, ce qui est la condition de la liberté... Nuance...
4.gif

__________________________
Hors Concours

Publié par
gab2 Intervenant

Bonjour,


Le droit français se base seulement sur le fait qu'on doit aider les plus vulnérables et qu'on doit les aider plus que ceux qui sont moins vulnérables. Mais c'est plus vu comme un moyen de rétablir une certaine forme d'égalité républicaine (on parle d'ailleurs d'inégalités sociales) au nom de la fraternité, ce qui est la condition de la liberté... Nuance...

Surtout qu'il suffit de consulter un ouvrage de philosophie du droit (celui que vous voulez, mais j'ai un penchant pour michel Villey) pour comprendre que la justice s'oppose à la charité. La justice est un "juste partage" là où la charité (vertu chrétienne par excellence est un abandon). La charité, c'est une justice, mais en mieux!


Pour ce qui est des exemples de l'inspiration de la charité dans le droit positif français, j'ai cité le droit à l'éducation pour tout enfant quelle que soit sa situation disposé par l'article L111-2 du Code de l'éducation, l'aide médicale d’État,


Je suis d'accord, mais vous ne citez aucune disposition du Code civil. Dans la théorie de l'Etat providence, on ne manquera pas en effet la multiplication des droits créances... Mais est-ce vraiment de la charité? N'est-ce pas plutôt une forme d'humanisme, un respect de l'autre?


ainsi que le droit à une existence convenable pour tous disposé par l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946.


Si vous savez ce que je pense des droits créance qui se veulent être des grands principes "inaliénables et sacrés". Il suffit de sortir dans la rue pour se rendre compte des réalités.


J'ai aussi du mal à comprendre ce qu'il faut trouver mais je m'efforce de répondre à la question de la manière la plus convenable possible.


Comme camille, j'aurai tendance à dire que vous pouvez faire tous les efforts du monde (et vous le faites bien!), cela ne changera en rien "la bêtise" de votre prof.

Publié par

Bonjour,

Je réponds tour à tour aux intervenants.

Camille, l'intitulé exact de la question est "rechercher trois règles de droit positif qui s'inspirent de la charité (ou la mettent en pratique)". L'autre question étant d'en trouver trois qui s'en "écartent" ou la "contrarient".

Gab2, je suis d'accord avec votre analyse jusqu'à un certain point. Il me semble vrai que la charité est une sorte de justice en mieux, mais je ne dirai pas qu'elle s'y oppose. Elle diffère dans son champ d'action : la justice doit (devrait ?) être équitablement répartie, ce qui n'est bien sûr pas le cas de la charité dont l'existence dépend du bon vouloir des personnes. Elles ne s'opposent pas, mais l'une complète l'autre.

L'exercice ne demande pas de citer des dispositions du Code civil mais englobe tout le droit positif, c'est la raison pour laquelle je me permets de chercher dans d'autres codes.
Je vois l'article L111-2, dans certaines de ses dispositions, comme relevant du droit mou, et d'une manière générale ce me semble être dans cette forme de droit qu'il est le plus aisé de trouver une quelconque référence - même lointaine - à la charité.

Le droit de créance semble en effet être aussi de l'ordre du principe mais il est néanmoins rattaché à des règles juridiques précises qui, à mon sens, lui confèrent un certain sérieux dont sont dépourvues d'autres dispositions. On citera par exemple l'article 1 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 qui en son premier alinéa prévoit que "l'architecture est une expression de la culture".

Je ne suis pas certain de vouloir conclure quant à la bêtise de mon prof si rapidement :D Il me semble plutôt être quelqu'un d'intellectuellement honnête, et le reste du TD est plus académique.

En tout cas, je vous remercie pour vos réponses et pour votre accueil.

Publié par
gab2 Intervenant

Bonjour,


L'exercice ne demande pas de citer des dispositions du Code civil mais englobe tout le droit positif, c'est la raison pour laquelle je me permets de chercher dans d'autres codes.
Je vois l'article L111-2, dans certaines de ses dispositions, comme relevant du droit mou, et d'une manière générale ce me semble être dans cette forme de droit qu'il est le plus aisé de trouver une quelconque référence - même lointaine - à la charité.

Le droit de créance semble en effet être aussi de l'ordre du principe mais il est néanmoins rattaché à des règles juridiques précises qui, à mon sens, lui confèrent un certain sérieux dont sont dépourvues d'autres dispositions. On citera par exemple l'article 1 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 qui en son premier alinéa prévoit que "l'architecture est une expression de la culture".

Je ne suis pas certain de vouloir conclure quant à la bêtise de mon prof si rapidement :D Il me semble plutôt être quelqu'un d'intellectuellement honnête, et le reste du TD est plus académique.


Je suis d'accord avec vous. Vous avez pensé à la loi sur le droit au logement opposable? Voilà pour moi un bon exemple de charité..

Publié par

J'ai bien pensé à cela oui, mais je n'ai pas trouvé de disposition suffisamment claire pour donner un caractère véritablement opposable à ce droit.
Néanmoins, je puis citer l'article L300-1 du Code de la construction et de l'habitation qui prévoit que le droit à un logement décent et indépendant s'exerce par un recours amiable ou un recours contentieux dans certaines conditions. Est-ce suffisant pour en faire un droit opposable ?
En clair, peut-on se prévaloir du droit au logement à l'encontre du pouvoir étatique qui est supposé le garantir ?

Sinon sur le principe je suis bien d'accord, le droit au logement opposable serait bien inspiré de la charité.

Publié par
gab2 Intervenant

Bonjour,


Je ne suis pas spécialiste de cette loi! Aussi, je laisserais d'autres personnes répondre à ma place.

Dans la même veine, avez vous pensé à la loi SRU qui impose aux municipalités un pourcentage minimum de logements sociaux?

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Pour ce qui est des exemples de l'inspiration de la charité dans le droit positif français, j'ai cité le droit à l'éducation pour tout enfant quelle que soit sa situation disposé par l'article L111-2 du Code de l'éducation
Se méfier également d'une analyse un peu trop rapide à la lumière des divagations politico-médiatiques actuelles...
Si j'en crois le courrier adressé aux instituteurs par Jules Ferry, ses lois sur l'éducation n'avait pas la charité comme seule motivation...
La loi du 28 mars se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d'une part, elle met en dehors du programme obligatoire l'enseignement de tout dogme particulier ; d'autre part, elle y place au premier rang l'enseignement moral et civique. L'instruction religieuse appartient aux familles et à l'Eglise, l'instruction morale à l'école. Le législateur n'a donc pas entendu faire une œuvre purement négative. Sans doute il a eu pour premier objet de séparer l'école de l'Eglise, d'assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont communes et indispensables à tous, de l'aveu de tous. Mais il y a autre chose dans la loi du 28 mars : elle affirme la volonté de fonder chez nous une éducation nationale, et de la fonder sur des notions du devoir et du droit que le législateur n'hésite pas à inscrire au nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer. Pour cette partie capitale de l'éducation, c'est sur vous, Monsieur, que les pouvoirs publics ont compté. En vous dispensant de l'enseignement religieux, on n'a pas songé à vous décharger de l'enseignement moral : c'eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru tout naturel que l'instituteur, en même temps qu'il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage ou du calcul.


Voir http://fr.wikisource.org/wiki/Jules_Ferry_-_Lettre_aux_instituteurs,_1883

Je rappelle notamment qu'en 1883, tout le monde avait bien conscience qu'on manquait de cadres, d'ingénieurs, de techniciens, de scientifiques etc. du fait de la "révolution industrielle" (un peu comme aujourd'hui, d'ailleurs, bien que la situation soit très différente) d'où la nécessité d'organiser une instruction généralisée et obligatoire, accessible à tous.



Tiens, au fait, je serais curieux de voir les réactions si notre ministre de l'éducation nationale actuel pondait une lettre de ce genre à tous nos [barre]instituteurs[/barre] ...oups, pardon... professeurs des écoles.
17.gif

__________________________
Hors Concours