Dol et erreur

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Bonjour à tous,
nous avons abordé récemment les vices du consentement en Intro au Droit le dol et l'erreur dans les vices du consentement. Je ne pense pas que les principes me posent problème (ça n'a pas l'air le plus compliqué) mais la prof a donné un exemple bizarre pour illustrer l'erreur sur la personne : un mec avec un super CV se pointe à un entretien d'embauche et est bien sûr embauché. Sauf que c'est un CV bidon et, se rendant compte de son erreur, vire le mec (contrat intuiti personae dont provoque nullité absolue, non ?).
Mais, plus qu'une erreur sur la personne, c'est pas avant tout un dol (tromperie du mec avec son CV truqué qui pousse bien le patron à l'embaucher) ? A moins que le dol n'ait provoqué l'erreur (ce qui est vrai, enfin le dol provoque toujours une erreur non ?) et que donc on puisse s'appuyer soit sur l'un soit sur l'autre ?
Si quelqu'un a un point de vue à partager,
merci d'avance,

Xavier

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Le dol est aussi appelé " erreur provoquée ", par opposition à " l'erreur spontanée ". C'est la même base, sauf que les éléments constitutifs varient :

- pour l'erreur : appréciation erronée de la réalité
L'erreur sur la personne n'est une cause d'annulation du contrat intuitu personae que si la considération de la personne a été la cause principale de la convention ( on a embauché un super technicien hyper calé ), ou s'il y a eu erreur sur les qualités essentielles de la personne.

- pour le dol: il faut des manoeuvres ( machinations, artifices, mises en scènes, mais aussi mensonge isolé ou réticence dolosive ) qui sont déterminantes du consentement - l'autre partie n'aurait pas contracté si elle avait su.


L'avantage du dol, c'est que son domaine est plus large :

- la preuve d'un dol est plus facile ( on peut montrer l'acte mensonger par exemple )

- le domaine du dol est plus large que celui de l'erreur à cause du critère de l'intention : certaines erreurs spontanées sont considérées comme inexcusables ( le contractant n'a pas rempli son obligation de se renseigner sur un terrain alors qu'il est architecte ). Mais si tu rajoutes une intention de tromper, ça change tout :wink:

- la nullité pour dol s'accompagne de dommages-intérêts

Dans ton exemple, s'il s'agit d'un entretien d'embauche, c'est un peu plus particulier car la jurisprudence retient peu le critère de l'erreur : les juges considèrent que l'employeur devait vérifier les informations du CV en téléphonant aux anciens employeurs par exemple.

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*Membre de la BIFF*

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Merci pour ces clarifications. Si j'ai bien compris, le "but du jeu" pour l'avocat de l'employeur (si procès) sera de prouver le dol (tromperie de l'employé avec son super CV) et l'autre partie essaiera de retenir l'erreur provoquée par une négligence de l'employeur qui n'a rien vérifié en fait ?
Xavier

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Camille Intervenant

Bonjour,
C'est à peu près ça, mais comme le dit Mathou, dans le cas d'une embauche, ce sera un peu plus compliqué pour l'avocat, parce qu'un CV n'est qu'un CV. Ce n'est pas une pièce officielle et on n'est pas censé embaucher à la seule lecture d'un CV. Ni sur le seul fait qu'on a tel ou tel diplôme (sauf professions réglementées). Ensuite, surtout pour des postes dits "à responsabilités", la période d'essai est, en principe, prévue pour permettre de s'assurer que le candidat convient bien au poste qu'on lui destine (3 mois pour les cadres). A partir du moment où, pendant cette période, il a donné satisfaction, le contenu du CV et la "peau d'âne", vraie ou fausse, sont censés devenir des éléments secondaires (sauf professions réglementées, toujours). A l'inverse, si quelqu'un ne donne pas satisfaction, peu importe que son CV soit sincère et qu'il ait bien le diplôme qu'il prétend avoir, à la fin de la période d'essai, on lui dira d'aller voir ailleurs. Autrement dit, dol ou pas dol, il faudra que l'employeur chiffre son préjudice et démontrer qu'il est directement lié au CV bidon et au diplôme usurpé.
J'ai connu personnellement le cas d'un "ingénieur", censé être diplômé d'état de l'école Tartempion, sauf que... quand l'employeur s'est rendu compte, suite à la demande d'une copie du diplôme en question, que cette école ne délivrait que des diplômes de techniciens reconnus par l'état, ne faisait que "préparer à un diplôme d'ingénieur" et qu'elle ne distribuait qu'une vague "peau d'âne" non reconnue par l'état, le monsieur en question était en poste depuis plus d'un an, sans observations désagréables de la part de ses supérieurs hiérarchiques (hormis - ce qui avait peut-être mis "la puce à l'oreille" du patron - les innombrables fautes d'orthographe, de grammaire ou de français, d'une manière plus générale, dont il émaillait ses écrits...).
"Judicieusement" conseillé par son service juridique et son service du personnel, l'employeur n'a pas insisté...
D'autant qu'il n'était écrit nulle part que l'entreprise n'embauchait que des ingénieurs diplômés d'état, à l'exclusion de tout autre.
Et je passerai discrètement sur le fait que, pour un employeur, prendre ce qui est écrit dans un CV comme "du bon pain" serait, comme le dit Mathou, faire preuve de sa part d'une certaine légèreté, pour ne pas dire naïveté, et en tout cas, sûrement pas d'un grand professionnalisme... :))

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Hors Concours

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Pas mieux... :(

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Alea jacta est

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Citation de Xavier :

le "but du jeu" pour l'avocat de l'employeur (si procès) sera de prouver le dol (tromperie de l'employé avec son super CV) et l'autre partie essaiera de retenir l'erreur provoquée par une négligence de l'employeur qui n'a rien vérifié en fait ?


En droit des obligations oui. L'avocat essaiera de trouver le point qui l'arrange en fonction de ses intérêts, tu as compris le système :wink:

L'exemple de l'entretien d'embauche ne l'illustre pas parfaitement car il s'agit de droit du travail... et si le droit du travail s'appuie sur le droit des obligations, il a surtout énormément de règles spécifiques et de pratiques - ainsi que Camille l'a justement exposé - que tu auras la joie d'apprendre en L3, si la législation et la jurisprudence n'ont pas bougé d'ici là :lol:

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*Membre de la BIFF*

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D'accord, merci à vous pour ces explications. J me réserve ça pour la L3 alors et je me garderai les grands principes pour le moment.. :)
Cependant, je me demande pourquoi notre prof nous a donné un exemple qui apparemment n'est pas si bon que ça :?: Ah, ces profs...... :)) :roll:
Xavier

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Camille Intervenant

Bonjour,
C'est surtout que la pratique sur le terrain diffère parfois quelque peu des règles théoriques. Dans une entreprise normale, on a bien d'autres choses à faire que de passer son temps avec le code du travail sous le coude et le règlement intérieur dans la poche. Ce n'est qu'en cas de "dérapage grave" qu'on les ressort des tiroirs. Et même dans ce cas, il reste rare que ça se termine au tribunal. Donc une grande partie de la pratique courante, qu'on pourrait baptiser "négociations plus ou moins amiables", échappe à la connaissance du monde juridique. Comme dans l'exemple que j'ai cité... je ne dis pas que le patron n'a pas fait la gueule au monsieur en question pendant quelques temps, mais ça a fini par se tasser... :))
Comme me le rappelait un de mes clients il y a peu "il y a des choses qui ne s'apprennent pas dans les livres.." :wink:

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