Exonération du fait du tiers : qui juge quoi ?

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Bonjour à tous, un passage de mon cours de stratif sur la responsabilité de l'administration me pose problème. Chapitre : exonérations de la responsabilité.

"l’administration va être considéré comme bénéficiant d’une exonération partielle de sa responsabilité du fait du tiers. Quand un tiers est partie de la cause du dommage. En réalité, le JA va répartir la responsabilité, un peu pour l’administration et le tiers. Quel est l’intérêt pour la victime ? Et une différence pour le droit public et privé.

Le droit privé est sur ce point bien plus favorable que l’administration. On va considérer en droit privé que le tiers et l’auteur du dommage ont une responsabilité solidaire. La victime va donc pouvoir attaquer l’un ou l’autre et se faire indemniser de l’intégralité. La personne qui aura payé l’intégralité devra elle se retourne contre l’autre. La victime va pouvoir attaquer celui que l’on nomme la deep pocket. En attaquant principalement celui qui a le plus d’argent elle récupère l’intégralité de l’argent et ce premier va attaquer l’autre qui n’avait pas d’argent.

En droit public, il n’y’a pas de responsabilité solidaire, dans cette hypothèse la victime va devoir faire deux recours en indemnisation, et éventuellement même devant deux juges différents."

j'aimerais savoir s'il vous plaît comment cela se passe concrètement : est-ce que le juge administratif partage les responsabilité et la juridiction judiciaire acquiesce ensuite ? J'ai du mal à visualiser comment cela se passe concrètement, votre aide sera grandement appréciée et bienvenue,

Cordialement.

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"Paradoxalement c’est au nombre de ses interdits et non pas de ses permissions que l’on reconnaît une société pervertie. Ainsi une société qui interdit la prostitution avoue son penchant pour la prostitution. Une société qui interdit la drogue avoue son penchant pour la drogue. Une société qui interdit le meurtre avoue son penchant pour le sang.".

http://http://www.juristudiant.com/forum/charte-de-bonne-conduite-a-lire-avant-de-poster-t11.html

Etudiant à l'Université Toulouse I Capitole.

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Bonsoir,

Il faut comprendre ceci à la lumière de la séparation des pouvoirs, le juge administratif n'a, en principe, que pour compétence de reconnaître la responsabilité de l'administration, et de ses agents, les personnes publiques au sens large donc. Pour ce qui est de la responsabilités des personnes civiles, la compétence appartient par principe au juge judiciaire (c'est le sens de l'arrêt Blanco).

Pour ce qui est de votre cas, le juge administratif, une fois la responsabilité de la personne publique établie et retenue, constatera simplement une exonération partielle de la responsabilité de cette dernière, le fait du tiers étant intervenu dans la réalisation du dommage, ce qui conduira à réduire l'indemnisation octroyée à la victime (réduction censée être à hauteur des préjudices dont la personnes publiques est seule responsable ou coresponsable, mais la séparation est souvent virtuelle avec ceux causés par le fait du tiers).

Si cette dernière souhaite l'indemnisation de son entier dommage, elle devra agir en responsabilité contre ce tiers, personne civile, devant le juge judiciaire compétent, pour obtenir des dommages-intérêts couvrant le reste de ses préjudices. Et le juge appliquera le principe de la réparation intégrale, et ne pourra donc indemniser que ceux-ci, il prendra en compte l'indemnisation déjà octroyée par le juge administratif réputée couvrir une part des préjudices subis.

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Ok, donc finalement cela revient à dire que el juge judiciaire est lié par la décision précédente prise par le juge administratif si j'ai bien compris ?

Si tel est le cas, cela me pose un problème, en effet le juge judiciaire pourrait n'être pas en accord avec l'analyse du juge administratif mais serait quand même lié, là, j'aurais tendance à appliquer le principe de l'autorité de la chose jugée qui lie le juge judiciaire.

J'aimerais avoir votre avis s'il vous plaît.

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"Paradoxalement c’est au nombre de ses interdits et non pas de ses permissions que l’on reconnaît une société pervertie. Ainsi une société qui interdit la prostitution avoue son penchant pour la prostitution. Une société qui interdit la drogue avoue son penchant pour la drogue. Une société qui interdit le meurtre avoue son penchant pour le sang.".

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Etudiant à l'Université Toulouse I Capitole.

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Bonjour,

Et bien, en principe cela ne pose pas difficulté, le juge administratif s'est prononcé exclusivement sur la responsabilité de la personne publique et le juge judiciaire se prononce exclusivement sur la responsabilité de la personne civile. Il n'y a donc rien de contraignant dans le jugement rendu, rien qui puisse lier le juge judiciaire, du moins pour l'établissement de la responsabilité de la personne civile assignée devant lui.

La seule difficulté qui pourrait poindre, sera de déterminer les préjudices qui restent à indemniser, donc ceux qui ont été couverts par les dommages-intérêts alloués par le juge administratif et constituant la dette de réparation pesant sur la personne publique, et ceux qui restent à réparer et qui seuls peuvent constituer l'indemnisation accordée par le juge judiciaire.

Toutefois, à mon sens, cela est un peu illusoire, le juge judiciaire reste totalement libre pour arrêter le montant de l'indemnisation. Surtout que, comme le dit votre Professeur,les conditions pour engager la responsabilité en droit administratif et en droit civil diffèrent sensiblement.

En droit administratif, le principe reste toujours celui de la responsabilité pour faute, même si d'autres régimes objectifs de responsabilité se développent, principe auquel s'ajoute les caractères nécessaires que doit revêtir le préjudice pour être indemnisable, surtout celui de la spécialité qui demeure problématique (et qui m'a toujours laissé perplexe sur la frontière entre charge normal que chaque administré doit supporter et celle pesant spécifiquement sur lui, mais non forcément exclusivement,donnant lieu à une possible indemnisation).

En droit civil, persiste la faute mais les autres régimes objectifs, ont, encore une fois à mon sens, une plus grande effectivité qui donne au juge toute liberté pour déterminer l'indemnisation adéquate, sous réserve que les parties apportent les éléments de fait et de droit pertinents pour le lui permettre.

En définitive, je pense donc que le juge judiciaire ne sera pas tenu d'indemniser seulement la part pour laquelle le juge administratif a décidé d'exonérer le responsable personne publique. Il opérera certainement une pondération de l'indemnisation qu'il envisage, selon ce les prétentions de la victime également en terme de montant d'indemnisation, mais restera souverain pour cela.

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Tout d'abord, j'apprécie que vous preniez le temps de me répondre avec autant de précision et vous en remercie.

Donc si je comprend bien, le juge civil reçoit à l'ombre du palais de justice une personne physique assignée par la victime du dommage.

La victime a déjà bénéficié d'une partie de son indemnisation devant le juge administratif.

Par exemple, ce dernier lui a déjà accordé 70% de son indemnisation et les 30% sont exonérés du fait du tiers.

Le tiers devant le juge ne pourra donc être condamné à verser + de 30% de l'indemnisation restante ? Ou est-ce que, si le juge judiciaire affirme qu'il est responsable pour 40% il devra donner 30% à la victime et ne pouvant indemniser plus que le préjudice subis, verser les 10% restant à l'administration ou autre ?

Comme vous l'avez remarqué c'est à cela que je pensais lorsque j'affirmais que l'autorité de la chose jugée lie le juge judiciaire, puisque ce dernier ne pourra pas indemniser plus que le préjudice subis même s'il est libre dans la qualification des faits etc.

Aussi, que se passe-t-il si le juge affirme que le tiers est responsable pour seulement 20% du préjudice ? Le tiers se retrouve avec une indemnisation à seulement 90% ?

J'aimerais savoir, qu'entendez-vous par "il opérera certainement une pondération de l'indemnisation qu'il envisage", je comprend par là qu'il soustraira l'indemnisation à verser par la personne physique par l'indemnisation déjà versée par l'administration.

Autant pour l'action récursoire je saisis tout à fait le fonctionnement du mécanisme, autant pour la responsabilité conjointe devant deux juges différents je me pose un certain nombre de question.

Cordialement

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Etudiant à l'Université Toulouse I Capitole.

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Bonjour,

C'est un plaisir, je crois sincèrement qu'on apprend autant en essayant de répondre à la question que celui qui l'a pose au départ.

Je pense qu'il ne faut pas voir la situation d'un point de vue aussi cartésien, et faire la différence entre dommage et préjudice. Si le dommage est unique, avec ses conséquences, les préjudices reconnus par le juge comme s'en dégageant peuvent être multiples.

Ainsi, dans l'exemple que vous donnez, le juge administratif a simplement statué sur le dommage, dont il estime que la personne publique est pour 70% responsable dans sa réalisation, laissant de ce fait la personne civile responsable pour les 30% qui restent.

A mon sens, là où le juge est souverain,c'est sur l'imputabilité des préjudices. Schématiquement ce n'est pas parce que la personne publique est responsable à 70% du dommage, qu'elle est responsable à 70% des préjudices en découlant, même raisonnement pour ce qui est de la personne civile.

En pratique, je pense donc que le juge pourrait raisonner de la sorte, il prendra en considération la réparation déjà allouée à la victime, estimera le montant des dommages-intérêts qu'il aurait lui-même alloués, dans la mesure encore une fois de ce que réclame la victime, et en fonction réputera couvert le reste des préjudices par cette soustraction.

Donc, si le résultat se trouve plus élevé ou égal à la demande de la victime, il y fera droit, si la demande est excessive par rapport à ses estimations, il accordera la somme maximum que lui donne cette soustraction. C'est comme ceci que je conçois qu'il opérerait, sans être familier avec les habitudes des magistrats.

En tout état de cause, persistera la possibilité pour la victime de faire appel, ce qu'il vaut mieux éviter selon la Cour d'appel en question, certaines ont tendance à diviser par deux l'indemnisation octroyée en première instance.

Pour en revenir enfin sur la pure théorie, je pense encore une fois que le juge, qu'il soit civil ou administratif, garde toute manœuvre dans son appréciation de la juste réparation à accorder, via les deux notions de dommage (la conséquence dommageable suivant le fait générateur) et les préjudices (reconnus par le juge comme indemnisables et donc qu'il peut moduler).

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Okay j'y vois plus clair, merci !

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marianne76 Modérateur

Le droit privé est sur ce point bien plus favorable que l’administration. On va considérer en droit privé que le tiers et l’auteur du dommage ont une responsabilité solidaire. La victime va donc pouvoir attaquer l’un ou l’autre et se faire indemniser de l’intégralité. La personne qui aura payé l’intégralité devra elle se retourne contre l’autre. La victime va pouvoir attaquer celui que l’on nomme la deep pocket. En attaquant principalement celui qui a le plus d’argent elle récupère l’intégralité de l’argent et ce premier va attaquer l’autre qui n’avait pas d’argent.

Bonjour
Le terme de responsabilité solidaire me gêne il est conseillé d'utiliser les bonnes terminologies. En responsabilité civile délictuelle, il y a des condamnations "in solidum". Vous ne trouverez jamais dans une décision qui traite de la responsabilité délictuelle le mot solidaire. Ce terme en revanche se rattache davantage à la responsabilité contractuelle où s'il y a plusieurs contractants ils pourront être condamnés solidairement. Vous indiquez également que la victime va "attaquer" l'un ou l'autre des responsables: pour qu'il y ait condamnation in solidum encore faut-il que la victime ait assigné les différents co-auteurs, donc par l'un ou l'autre. Une fois cette condamnation in solidum obtenue, elle demandera alors (le terme attaqué me semble inapproprié) à l'un des responsables l'indemnisation pour le tout,s'en suivra ensuite d'éventuels recours récursoires. Quant à la solvabilité des responsables, ceci n'est pas faux évidemment, mais en pratique dans la grande majorité des cas, les défendeurs ont une assurance, dans cette hypothèse ce n'est donc plus la question de la solvabilité qui amènera la victime à aller vers l'un plutôt que l'autre ....

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Merci de lire et de respecter la charte du forum http://www.juristudiant.com/forum/charte-de-bonne-conduite-a-lire-avant-de-poster-t11.html

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Bonjour Marianne, ma prof de droit civil nous a dit que le terme "in solidum" correspond aux cas où c'est la jurisprudence qui a consacré cette co-responsabilité particulière et "solidaire" lorsque c'est l'oeuvre de la loi.

J'aimerais avoir votre avis s'il vous plaît.

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marianne76 Modérateur

Bonjour,
Tout à fait
L'obligation in solidum est effectivement une création de la jurisprudence au 19 ème siècle, du fait d'un vide juridique. En effet dans dans le code civil les obligations solidaires ne pouvaient avoir que deux sources: le contrat et la loi.
Dans le cadre de la responsabilité extra contractuelle la loi n'offrait pas aux magistrats la possibilité d'une responsabilité solidaire entre les co-auteurs, d'où la création de cette obligation in solidum (tirée du droit romain). obligation qui a les mêmes conséquences que l'obligation solidaire

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Je vois, merci pour votre réponse

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