Fait d'une chose / Gardien

Publié par

Bonjour,

En pleine révision, je me suis posée une question. Ma chargée de TD ne répondant pas à mon mail je viens vers vous.

L'arrêt Franck a ajouté la notion d'usage de la chose. Désormais pour être gardien, il faut avoir l'usage, la direction et le contrôle de la chose.

J'ai beaucoup de mal à faire la différence entre ces trois notions.

La définition de l'usage est évidente mais je ne comprends pas ce que signifie les termes direction et contrôle.

Merci d'avance de votre aide.

Vanessa.

Publié par
Yn Membre VIP

Salut,

Ces trois termes font échos à la garde matérielle d'une chose, c'est-à-dire un pouvoir effectif, un pouvoir réel sur la chose.

De surcroît, la garde matérielle de la chose s'apprécie objectivement, il faut l'intention du gardien d'exercer un pouvoir sur la chose, ce qui a pour but d'exclure les déments et les enfants en bas-âge qui n'ont pas "l'intention" d'utiliser la chose.

En résumé :

- Usage : contrôle matériel de la chose
- Direction : la maîtrise juridique de la chose, point central de l'arrêt Franck dans lequel la voiture avait été volée, le propriétaire ne pouvait donc plus être gardien de la chose
- Contrôle de la chose : l'intention de l'utiliser

__________________________
« Je persiste et je signe ! »

Docteur en droit, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne.

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Notions qu'on retrouve incidemment dans :
Article R412-6 Code de la route

I.-Tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur. Celui-ci doit, à tout moment, adopter un comportement prudent et respectueux envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation. Il doit notamment faire preuve d'une prudence accrue à l'égard des usagers les plus vulnérables.

II.-Tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent. Ses possibilités de mouvement et son champ de vision ne doivent pas être réduits par le nombre ou la position des passagers, par les objets transportés ou par l'apposition d'objets non transparents sur les vitres.

III.-Le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux dispositions du II ci-dessus est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe.

IV.-En cas d'infraction aux dispositions du II ci-dessus, l'immobilisation du véhicule peut être prescrite dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.

Ou encore :
Section 2 : Maîtrise de la vitesse.
Article R413-17

I. - Les vitesses maximales autorisées par les dispositions du présent code, ainsi que celles plus réduites éventuellement prescrites par les autorités investies du pouvoir de police de la circulation, ne s'entendent que dans des conditions optimales de circulation : bonnes conditions atmosphériques, trafic fluide, véhicule en bon état.

II. - Elles ne dispensent en aucun cas le conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles.

III. - Sa vitesse doit être réduite :

1° Lors du croisement ou du dépassement de piétons ou de cyclistes isolés ou en groupe ;

2° Lors du dépassement de convois à l'arrêt ;

etc.

IV. - Le fait, pour tout conducteur, de ne pas rester maître de sa vitesse ou de ne pas la réduire dans les cas prévus au présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.


Au sens du code de la route, c'est bien le conducteur qui est considéré comme le gardien de la chose.

__________________________
Hors Concours

Publié par

Bonsoir.
Tout d'abord merci de vos réponses.

Pour les accidents de la route, je sais bien que le conducteur est quasi-toujours responsable.

Par contre, pour la première réponse, je ne comprends toujours pas.
Dans l'arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 1984 (arrêt "Gabillet"), l'enfant en bas-âge, privé de discernement, est considéré comme gardien de la chose. Pourquoi ? Pour moi, l'enfant n'a pas le contrôle ni la direction de l'objet donc n'en est pas gardien.

Publié par
marianne76 Modérateur

Ces trois termes font échos à la garde matérielle d'une chose, c'est-à-dire un pouvoir effectif, un pouvoir réel sur la chose.

De surcroît, la garde matérielle de la chose s'apprécie objectivement, il faut l'intention du gardien d'exercer un pouvoir sur la chose, ce qui a pour but d'exclure les déments et les enfants en bas-âge qui n'ont pas "l'intention" d'utiliser la chose.

Cette affirmation comporte quelques inexactitudes que je me dois de rectifier.

1er point
L'usage la direction et le contrôle, il ne s'agit pas d'une référence à la garde matérielle au sens strict. Certains auteurs ont ainsi considéré que cette définition était la manifestation d'une autre théorie: celle de la garde intellectuelle. En effet si l'usage et le contrôle relèvente effectivement de la garde matérielle, la direction a forcément un autre sens autre que matériel, sinon elle se confondrait avec le contrôle. Dès lors est gardien non pas seulement celui qui utilise la chose mais celui qui exerce un pouvoir indépendant et autonome sur cette chose.Cela explique que la cour de cassation a posé en principe qu'un préposé ne puisse être gardien, certes le préposé utilise et contrôle la chose, mais il l'utilise en fonction des ordres donnés . C'est lui qui intellectuellement dirige cette chose et non le préposé qui n'a pas d'indépendance.
2ème point depuis l'arrêt Gabillet de 1984, il n'est plus nécessaire d'avoir le discernement pour être gardien, c'est ainsi qu'en l'espèce l'enfant qui avait une vingtaine de mois a pu être considéré comme gardien de son bâton.
Cette jp me gêne car à mon avis elle ne cadre pas avec la définition de l'arrêt Franck mais pour le moment il faut bien faire avec.

__________________________
Merci de lire et de respecter la charte du forum http://www.juristudiant.com/forum/charte-de-bonne-conduite-a-lire-avant-de-poster-t11.html

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Pour ce qui concerne les déments, je me permets de rappeler :
Article 414-3

Celui qui a causé un dommage à autrui alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental n'en est pas moins obligé à réparation.

Qui remonte, sous un n° différent (489-2), à au moins 1968.

Et je suis toujours un peu surpris quand on parle de "exonération de responsabilité" ou, à l'inverse, de "responsabilité en remplacement de" lorsqu'on parle d'enfants ou de préposés et en se référant à l'article 1384 qui, pourtant, ne dit pas du tout ça :
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants [sont solidairement responsables] du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;

"solidairement responsables" veut bien dire qu'on n'écarte pas la responsabilité (mais au sens civil du terme et non pas au sens pénal de "culpabilité") de l'enfant ou du préposé, mais veut dire seulement que, dans la pratique, on voit bien qui va casquer pour réparer les dommages.
D'ailleurs, on oublie également que c'est plutôt l'assureur en responsabilité civile des parents qui va surtout casquer.

Formulation soigneusement reprise par les cours et la Cour, du genre
"contre l'arrêt de la cour d'appel de... qui a condamné in solidum (l'enfant) et (les parents) à la réparation etc."
Donc, dans l'absolu, enfant ou préposé (ou dément) ne sont pas exclus de la notion stricte de responsabilité civile.

__________________________
Hors Concours

Publié par
marianne76 Modérateur

Bonjour,

"solidairement responsables" veut bien dire qu'on n'écarte pas la responsabilité (mais au sens civil du terme et non pas au sens pénal de "culpabilité") de l'enfant ou du préposé, mais veut dire seulement que, dans la pratique, on voit bien qui va casquer pour réparer les dommages.
D'ailleurs, on oublie également que c'est plutôt l'assureur en responsabilité civile des parents qui va surtout casquer.

be mol en ce qui concerne l'assurance qui "casque" comme vous dites, ce n'est pas toujours le cas ex l'arrêt Bertrand de 1997 qui a instauré la responsabilité de plein droit des parents, le père était sous le coup d'une suspension.
Petite précision, effectivement rien n'empêche une victime d'agir et contre les parents et contre l'enfant personnellement, c'est d'ailleurs ce qui s'était passé dans l'affaire Gabillet de 1984 au final c'est l'enfant qui a été responsable, mais quel est l'intérêt de condamner civilement un enfant de 20 mois ?
Attention en revanche le préposé en peut plus être poursuivi civilement il dispose d'une immunité, lorsqu'il commet des dommages dans le cadre de sa mission. Arrêt Costedoat la victime ne pourra plus agir que contre le commettant
Et je suis toujours un peu surpris quand on parle de "exonération de responsabilité" ou, à l'inverse, de "responsabilité en remplacement de" lorsqu'on parle d'enfants ou de préposés et en se référant à l'article 1384 qui, pourtant, ne dit pas du tout ça :

En ce qui concerne la responsabilité parentale, vous oubliez l’alinéa 7 qui dispose que "la responsabilité a lieu , à moins que les père et mère ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait dommageable" on est bien dans une exonération: les conditions d'application de 1384 al 4 sont bien réunies mais les parents peuvent s'exonérer. Ceci étant jusqu'en 1997 ils pouvaient s'exonérer en démontrant qu'ils n'avaient pas commis de faute d'éducation ou de surveillance" depuis l'arrêt Bertrand de 1997, ils ne peuvent plus s'exonerer qu'en démontrant la force majeure donc pour l'heure à ma connaissance je n'ai plus vu passer d'exonération depuis cette date.
En ce qui concerne les commettants la cour de cassation considère que ces derniers peuvent s'exonerer , c'est bien le terme utilisé, quand leur préposé a commis un abus de fonction. Pour ma part je pense que la terminoligie n'est pas la bonne il ne s'agit pas d'une exonération mais simplement quand il y a abus de fonction les conditions d'application de l'article 1384 al5 ne sont plus réunies puisque le texte indique que le commettant est responsable pour les dommages causés par leur préposé "dans les fonctions auxquelles ils les ont employées" . En cas d'abus de fonctions les conditions ne sont donc pas réunies. Mais pour l'heure la cour de cass fait toujours référence à l'exonération ....

__________________________
Merci de lire et de respecter la charte du forum http://www.juristudiant.com/forum/charte-de-bonne-conduite-a-lire-avant-de-poster-t11.html