Fiche d'arrêt "exposition de cadavres humains"

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Bonjour, j'ai un petit soucis, je ne comprend pas la phrase en gras. J'ai beau chercher impossible à trouver.

Merci


Attendu que la société Encore Events (la société) avait organisé, dans un local parisien et à partir du 12 février 2009, une exposition de cadavres humains “plastinés”, ouverts ou disséqués, installés, pour certains, dans des attitudes évoquant la pratique de différents sports, et montrant ainsi le fonctionnement des muscles selon l’effort physique fourni ; que les associations “Ensemble contre la peine de mort” et “Solidarité Chine”, alléguant un trouble manifestement illicite au regard des articles 16 et suivants du code civil, L. 1232-1 du code de la santé publique et 225-17 du code pénal, et soupçonnant par ailleurs au même titre un trafic de cadavres de ressortissants chinois prisonniers ou condamnés à mort, ont demandé en référé la cessation de l’exposition, ainsi que la constitution de la société en séquestre des corps et pièces anatomiques présentés, et la production par elle de divers documents lui permettant de justifier tant leur introduction sur le territoire français que leur cession par la fondation ou la société commerciale dont elle prétendait les tenir ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société, tel qu’exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;


Et sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que la société fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 30 avril 2009) d’avoir dit y avoir lieu à référé et de lui avoir fait interdiction de poursuivre l’exposition des corps et pièces anatomiques litigieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la formation des référés n’est compétente pour prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble que si celui ci est manifestement illicite, c’est à dire d’une totale évidence, consistant en un non respect caractérisé de la règle de droit ; que sa compétence doit, dès lors, être exclue en cas de doute sérieux sur le caractère illicite du trouble invoqué ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui, d’une part, a procédé à un véritable débat de fond sur le sens qu’il convenait de donner à l’article 16-1-1 du code civil et sur son éventuelle applicabilité au cas d’espèce et qui, d’autre part, a rappelé les termes des fortes divergences qui opposaient les parties sur l’origine licite ou non des corps litigieux, n’a pas tiré les conclusions qui s’évinçaient de ses propres constations en estimant qu’elle était en présence, non d’un doute sérieux sur le caractère illicite du prétendu trouble invoqué, mais d’une violation manifeste de ce même article 16-1-1, justifiant qu’il y ait lieu à référé, et a violé, de ce fait, l’article 809 du code de procédure civile ;

2°/ que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort et les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence ; qu’en l’espèce, pour déterminer si les corps exposés avaient été traités avec respect, dignité et décence, la cour d’appel a recherché s’ils avaient une origine licite et, plus particulièrement, si les personnes intéressées avaient donné leur consentement de leur vivant à l’utilisation de leurs cadavres ; qu’en se fondant sur ces motifs inopérants, tout en refusant, comme il lui était demandé, d’examiner les conditions dans lesquelles les corps étaient présentés au public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16-1-1 du code civil ;

3°/ que, par ailleurs, la cour d’appel, a expressément relevé que « le respect du corps n’interdisait pas le regard de la société sur la mort et sur les rites religieux ou non qui l’entourent dans les différentes cultures, ce qui permettait de donner à voir aux visiteurs d’un musée des momies extraites de leur sépulture, voire d’exposer des reliques, sans entraîner d’indignation ni de trouble à l’ordre public » ; que la juridiction d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16-1-1 du code civil en ne recherchant pas, comme sa propre motivation aurait dû l’y conduire, si, précisément, l’exposition litigieuse n’avait pas pour objet d’élargir le champ de la connaissance, notamment grâce aux techniques modernes, en la rendant accessible au grand public de plus en plus curieux et soucieux d’accroître son niveau de connaissances, aucune différence objective ne pouvant être faite entre l’exposition de la momie d’un homme qui, en considération de l’essence même du rite de la momification, n’a jamais donné son consentement à l’utilisation de son cadavre et celle, comme en l’espèce, d’un corps donné à voir au public a des fins artistiques, scientifiques et éducatives ;

4°/ qu’enfin celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; qu’en l’espèce, en ayant affirmé qu’il appartenait à la société Encore Events, défenderesse à l’instance en référé, de rapporter la preuve de l’origine licite et non frauduleuse des corps litigieux et de l’existence de consentements autorisés, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé, de ce fait, l’article 1315 du code civil ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article 16-1-1, alinéa 2, du code civil, les restes des personnes décédées doivent être traités avec respect, dignité et décence ; que l’exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaît cette exigence ;

Qu’ayant constaté, par motifs adoptés non critiqués, que l’exposition litigieuse poursuivait de telles fins, les juges du second degré n’ont fait qu’user des pouvoirs qu’ils tiennent de l’article 16-2 du code civil en interdisant la poursuite de celle ci ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, tel qu’il figure au mémoire en défense et est reproduit en annexe :

Attendu qu’en ses trois branches le moyen ne tend qu’à contester l’appréciation souveraine portée par la cour d’appel sur l’opportunité d’ordonner les mesures sollicitées ; qu’il ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident

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Arrêt n° 764 du 16 septembre 2010 (09-67.456) - Cour de cassation - Première chambre civile
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Publié par
Camille Intervenant

Bonsoir,
je ne comprend pas la phrase en gras.
Qu'est-ce qui vous chagrine ? Est-ce la formule elle-même que vous ne comprenez pas ? Ou pourquoi ce premier moyen du pourvoi principal est irrecevable ?

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Publié par
Camille Intervenant

Bonsoir,
est ce que la Cour dit que le moyen n'est pas fondé ou carrément que le moyen ne pourrait même pas constituer un cas d'ouverture de cassation ? ce qui serait quand même assez étonnant !?

Pas si rare. Le moyen ne peut effectivement pas constituer un cas d'ouverture à cassation.
On le devine, selon moi, en lisant attentivement le moyen annexé.

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Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,


mon problème est le suivant :

qu'en l'espèce, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale

C'est bien la Cour de cassation qui "parle" ...

Hep, hep, hep ! Hou là, gregor ! Pas vous !!! 3.gif
Ici, ce n'est pas la Cour qui parle, ni même la cour, mais c'est bien Me Spinosi , avocat aux Conseils, pour la société Encore Events, demanderesse au pourvoi principal ! Relisez bien juste au-dessus ou presque : "Alors que…"
Sur ce point bien précis (premier moyen du pourvoi principal), la Cour (de cassation) ne dit que le texte mis en gras par Ellya85 et objet de sa question.
Pour ce qu'à dit la cour (d'appel), c'est à partir de "Aux motifs que…" dans le premier moyen en annexe.

La Cour dit "ce moyen n'est pas fondé, les associations avaient intérêt à agir bien que la CA n'ai pas prit le temps de le vérifier, mais de toute façon, même si il avait été fondé, il n'aurait pas été recevable"

Si si, la cour a bien vérifié, voir justement "Aux motifs que…", mais pas dans le sens pensé par l'avocat…


mais je continue mes recherches sur la recevabilité d'un tel moyen, ça m'étonne beaucoup, mais je m'éloigne grandement de la question de départ

Ah mon humble avis, c'est extrêmement simple…
Me Spinosi dit :
Alors
que s'il résulte
de l'article 31 du Code de Procédure civile et
de l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901
que,
hors habilitation législative,
une association ne peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs
qu'autant que ceux-ci entrent dans son objet social,
encore faut-il, pour que son action soit recevable,
que l'exercice des actions en justice ait été prévu aux statuts

La Cour ne peut quand même pas lui rétorquer, directement, qu'il ferait bien d'apprendre à lire correctement les deux textes qu'il invoque, voire de lui suggérer de retourner à l'école…

D'où la sempiternelle formule polie quand, entre autres, un avocat, fut-il aux Conseils, utilise un argument résultant d'une lecture à l'évidence incorrecte de deux textes, même par fausse association de ces deux textes et même et surtout par des procédés capillotractés...
Ici, il y a même probablement une double fausse interprétation !
Donc, forcément, le moyen est irrecevable…
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Publié par
Camille Intervenant

Re,
ils parlent dans un français trop parfait ça doit être pour ça

Ce n'est pas faux.
Mais, il faut bien reconnaitre que la forme "condensée" particulière aux arrêts de la Cour ne simplifie pas leur lecture, Bien pour ça que j'utilise souvent le verbe "décortiquer", pas trop habituel en droit, voire le néologisme de "délabyrinthisation"…
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De ce point de vue, on peut préférer de beaucoup les arrêts de la CEDH, bien plus complets et structurés.
Sauf qu'on tombe alors dans l'excès inverse : on ne peut pas se lancer dans leur lecture en partant sans biscuits : prévoir un fauteuil confortable, des munitions de bouche pour la route, éventuellement planifier une période de repos toutes les deux heures, comme sur l'autoroute, ou comme une mi-temps au foot ou un entracte au théâtre…
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