François 1er et… saisie de fichiers informatiques

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Camille Intervenant

Bonjour,
J'aime assez les avocats qui se grattent la cervelle, histoire de trouver des solutions un peu originales pour tenter de sortir leurs clients de la mouscaille. Celui-là a fait très fort, malheureusement sans succès, mais chapeau l'artiste !
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(Faut dire qu'ils y sont jusqu'au cou, les clients, dans la mouscaille si on lit l'arrêt en entier…)


Extraits :

Cour de cassation chambre criminelle
Audience publique du mercredi 30 novembre 2011
N° de pourvoi: 10-81748 Publié au bulletin Rejet


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :
- la société Janssen-Cilag,
- M. Pierre X...,
- M. Patrick Y... ,
- Le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence,

(…)

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu
qu'il résulte de la décision attaquée que, par ordonnance, en date du 29 avril 2009, le juge des libertés et de la détention a autorisé le rapporteur général de l'autorité de la concurrence à procéder à des opérations de visite et saisie de documents dans les locaux de la société Janssen-Cilag, afin de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la commercialisation de produits pharmaceutiques confrontés à l'arrivée des génériques ;

que les opérations ont eu lieu les 5 et 6 mai 2009 ;

(…)

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Piwnica et Molinié pour la société Janssen-Cilag, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce, 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, 56, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'ordonnance attaquée a déclaré régulières les opérations de visites et saisies réalisées le 5 mai 2009 dans les locaux de la société Janssen-Cilag… ;

" aux motifs

(…)

que l'inventaire établi par les enquêteurs comprend, dans une première partie, une liste… ;

que la seconde partie de l'inventaire porte sur les saisies informatiques ;

qu'elle contient répartis en 10 fichiers identifiant principalement l'utilisateur de l'ordinateur visité, un listing de documents saisis dans les messageries ;

que la requérante, nonobstant les dispositions de l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, ne saurait reprocher à l'administration d'avoir conservé pour identifier les fichiers saisis, les dénominations en anglais, pratiquées à titre habituel par les utilisateurs des ordinateurs visités et qui lui permettent d'identifier sans ambiguïté les dossiers dont il s'agit ;

que la dénomination des colonnes du tableau utilisé pour présenter l'inventaire, faite en anglais, dans un simple souci de cohérence n'a aucune incidence juridique en ce que son omission n'affecterait pas la validité de l'inventaire ;

(…)

que, au stade de l'enquête, aucune disposition légale n'impose à l'administration de dévoiler contradictoirement les moteurs de recherche ou mots-clés utilisés pour identifier les documents saisis ;

qu'il appartiendra le cas échéant à la société Janssen-Cilag de critiquer la pertinence des documents retenus dans le cadre d'éventuelles poursuites ;

(…)

"alors
que l'article 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 impose que tous les actes de procédure soient rédigés en français
;

que l'inventaire annexé au procès-verbal de saisie constitue un acte de procédure et doit donc être rédigé en français ;

qu'en refusant d'annuler la procédure bien que cette règle n'a pas été respectée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

(…)

Attendu
que le juge, qui n'avait pas à écarter les éléments d'inventaire contenant des termes en langue anglaise reproduisant ceux des fichiers appréhendés ou d'un usage universel en informatique et utilisés pour la présentation de tableaux, a souverainement estimé, au vu des documents produits, que les pièces saisies n'étaient pas étrangères au but de l'autorisation accordée, sans être tenu de se fonder sur les modalités techniques des saisies, les moteurs de recherche et les mots-clefs utilisés, que les enquêteurs n'ont pas l'obligation de révéler à la personne visitée ;

Qu'ainsi, le moyen ne peut être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation…

[Sans aucun intérêt pour François 1er…]

(…)

Attendu
qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'il appartient aux parties d'établir si les fichiers saisis entrent ou non dans les prévisions de l'autorisation, le juge a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

REJETTE les pourvois ;



Et petit rappel :

Ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice (dite ordonnance de Villers-Coteret)[devenue Villers-Cotterêts].

François, par la grâce de Dieu, roy de France, sçavoir,faisons, à tous présens et advenir, que pour aucunement pourvoir au bien de notre justice, abréviation des proçès, et soulagement de nos sujets avons, par édit perpétuel et irrévocable, statué et ordonné, statuons et ordonnons les choses qui s'ensuivent.

Article 110
Créé par Ordonnance 1539-08-25 enregistrée au Parlement de Paris le 6 septembre 1539

Et afin qu'il n'y ait cause de douter sur l'intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement, qu'il n'y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ne lieu à demander interprétation.

Article 111
Créé par Ordonnance 1539-08-25 enregistrée au Parlement de Paris le 6 septembre 1539

Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d'oresnavant que tous, arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences testaments, et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement.


Donné à Villers-Coteret au moys d'aoust, l'an de grace mil cinq cens trente neuf, et de notre règne le vingt cinquiesme.

FRANCOYS.

Par le Roy : BRETON.

NOTA : Lueues, publiez et enregistrez ouy le procureur général du roy et ce requerant.



Ordonnance/articles toujours en vigueur en l'an de grace deux mil douze !
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Hors Concours

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Excellent cet arrêt que vous nous proposez là 4.gif

Néanmoins, je n'arrive pas à déterminer ce qui est le plus drôle là dedans : penser à utiliser cette ordonnance (ce qui est déjà pas mal), ou s'en prévaloir devant une juridiction (comme c'est le cas ici) ?

Je cherche encore, tout ceci me laisse pantois !

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When you walk through a storm, hold your head up high

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En gros cette ordonnance interdisait de saisir des trucs dans une langue autre que français, c'est ça ?
J'ai pas tout compris ^^
Mais bien joué en tout cas ! :p

D'ailleurs, dans le meme registre, il y a eu une QPC qui impliquait une vieille loi de 1600 et quelque, remonté jusqu'au Conseil Constit ^^

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Master Droit public des affaires Lyon 3

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Camille Intervenant

Bjr,
En gros cette ordonnance interdisait de saisir des trucs dans une langue autre que français, c'est ça ?
J'ai pas tout compris

Elle interdit toujours...
Autre que...
en langage maternel françois et non autrement
Donc pas le latin (et pas non plus l'anglais, sauf qu'à cette époque-là, le problème ne devait pas beaucoup se poser)(Si ! Le procès de Jeanne d'Arc ???)(ben non, zut, c'était bien avant !)
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Et pour...

tous, arrests,
ensemble toutes autres procédures,
soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures,
soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences testaments, et
autres quelconques, actes et exploicts de justice,
ou qui en dépendent

On ne peut pas être plus clair.

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Hors Concours

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Yn Membre VIP

Ça sent le pari perdu entre avocats tout ça, ceci dit c'est très marrant, je vais la proposer à des collègues affairistes.

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« Je persiste et je signe ! »

Docteur en droit, Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne.