Bonjour à tous,
Pourriez-vous m'indiquer les principales influences de la CEDH, telle qu'interprétée par les juges de Strasbourg, sur le droit pénal (général, voire spécial) français?
Attention, je ne fais pas ici référence à la procédure pénale...
Je n'ai que peu d'exemple à me mettre sous la dent en l'état de mes connaissances :
- le principe de légalité :
"pas d'infraction et pas de peine sans texte" permettant de lutter contre l'arbitraire...
Peut-on en déduire un principe d'interprétation au sens stricte de la loi pénale?
- Je crois également que les juges européens ne se contente pas d'une loi formellement énoncée mais s'attachent beaucoup à ce que la loi soit accessible et prévisible (arret Huvig ... sur les écoutes téléphoniques dans de 1990 je crois).
- la peine :
ne soit pas correspondre à un traitement inhumain ou dégradant... Cela ne concerne plus le droit français je crois. Quelqu'un connaitrait-il un ou deux exemples historiques? (récents si possibles).
Je crois que tout ce qui relève de l'interprétation de la peine, de l'impératif toujours proclamé de réintégration ... n'est qu'une évolution française non? liée à l'influence de l'école sociale nouvelle?
- sur le prononcé des sanctions, on doit reconnaitre un interférence de droit à la vie privée et familiale sur les expulsions, extraditions et autres interdictions de territoire...
Ainsi, lorsqu'un trafficant de stupéfiants se fait pincer, s'il est immigrant de la 2eme génération et qu'il a une femme, des enfants en France, un travail, peu de liens avec l'Afrique du Nord par exemple, des décisions européennes ont sanctionné des expulsions (principalement dans l'intérêt de l'enfant mineur). L'évolution en la matière est marquée par un renforcement de la prise en compte des impératifs d'ordre public et de sécurité en la matière me semble-t-il.
- entre le droit pénal et la procédure pénale : la preuve de l'infraction :
dans un arrêt de 1997 sanctionnant la Turquie pour Torture, j'ai pu lire que les juges européens avaient opéré un revirement de jurisprudence en matière de blessure constatées après une garde à vue.
Depuis la Jurisprudence Tomasi, si un individu sortaient blessé d'une GAV et que l'Etat n'apportait pas la preuve qu'il n'avait rien à voir avec cela, il était présumé être à l'origine de ces blessures et était condamné (je crois que c'est l'article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégrandants).
Depuis 1997 les juges en sont revenus à une preuve "au delà de tout soupçon" à la charge de l'inculpé/mis en examen...
- La contrainte par corps a-t-elle quelque chose à voir avec mon affaire? Qu'est-ce que la contrainte par corps (précisément)?
quels sont les droits soumis dans la CEDH et dans ses protocoles, soumis au principe de "proportionnalité"?
J'ai lu un article refusant de condamner Chypre relativement à une tentative de libération d'un otage retenu par son fiancé et qui se finit dans un bain de sang (le couple est criblé de balles).
Les juges européens considèrent alors que l'usage de la force à été proportionné aux intérêts en jeu à défendre : des faits, on pouvait déduire que l'homme était sur le point de tuer sa compagne... et que la préparation de l'intervention avait été plus ou moins, bien faite...
Dans le sens inverse, l'arrêt Mc Cann, je crois sur des faits similaires mais donnant cette fois lieu à condamnation...
- à j'allais oublier : la qualification de peine pénale au sens de la CEDH se détache de celle existant dans un état membre considéré... Ex : forte amende infligée à une société en grece par les douanes greques.
L'Etat arguait qu'il n'y avait pas là de "peine pénale".
Les juges européens ont pensé le contraire (notamment en considération :
- du systeme juridique grec des peines
- de la finalité de la peine
- de son importance...
Merci beaucoup de prendre la peine de m'aider sur cette large question mais qui est extrêmement importante pour moi.
Régis
Bonsoir !
Moi, je souhaiterai approfondir quelque peu, le problème que pose le principe de non-rétroactivé de la loi pénale au regard de la CESDH.
On sait que ce principe est inscrit notamment à l'article 7-1 de la CESDH : " Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise ne constituait pas une infraction d'après le droit national, ou international....".
On le retrouve également en des termes assez proche à l'article 112-1 du code pénal : " Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis".
Or, pour Chambre criminelle, ce principe ne s'applique qu'aux texte pénaux : d'origine législatif ou règlementaire.
En effet, pour la haute juridiction, la jurisprudence ne rentre pas dans le champ d'application de ce principe.
Ainsi, dans son arrêt en date du 30 janvier 2002 elle déclare : " Attendu qu'en l'absence de modification de la loi pénale, et dès lors que le principe de non-rétroactivité ne s'applique pas à une simple interprétation jurisprudentielle". On ne peut pas être plus claire.
A l'inverse, pour la CEDH, le droit national n'est pas seulement la loi au sens formel, mais aussi la jurisprudence qui l'interpréte : CEDH 25 mai 1993 Kokkinakis c/ Grèce.
Bref ça sent la poudre, à mon avis c'est un exemple, qu'il faudra dans un temps proche ajouter ta la liste.
Sur la contrainte pars corps : je reviens
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De retour !
Avec la contrainte par corps, l'emprisonnement est utilisé comme moyen de pression lorsqu'une condamnation pénale est prononcée pour une infraction.
Pour la criminelle elle s'analyse comme une mesure d'exécution forcée et non une peine. Autrement dit le principe de non-retroactivé ne s'applique pas.
Or, la CEDH ne l'entend pas de cette oreille consèquence elle condamne.
En effet pour cette dernière, la notion de peine figurant à l'article 7-1 :posséde une portée autonome.
Une fois n'est pas coutume, le législateur est venu brisé la resistance de la criminelle. En effet il transforme la contrainte par corps en contrainte judiciaire donc une peine ainsi logiquement le principe de non-rétroactive trouvera à s'appliquer.
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Bonjour Ahmed,
(Je n'avais pas vu que tu avais répondu)
- je crois que tu soulèves un faux débat : la jurisprudence dans un système civiliste n'est pas tenue par le précédent. Il en va différemment, dans un pays de droit anglo-saxon. Je présume que c'est pourquoi la CEDH ne s'est fermée aucune porte... D'autre part, il doit y avoir entre la jurisprudence de circonstance et certaines jurisprudences constantes...
(ceci, pour répondre à la non rétroactivité).
Quant au principe de légalité : une infraction ne peut pas être fondée sur de la jurisprudence. C'est un principe solide (sinon, le juge serait en mesure de créer des infractions comme il l'entend et surtout, en fonction de la gueule qu'il a en face).
Mais c'est vrai qu'il y a entre ces deux explications une petite fenêtre exploitable devant un juge (du moins, on peut s'y essayer). N'est-il pas question ici de théorie des droits acquis.
- [u:2sdcfokc]REVENONS A NOS MOUTONS[/u:2sdcfokc]
Connaissez-vous d'autres "interférences" de la CEDH sur le droit pénal?
J'apporte de l'eau à ton moulin.
Voici deux décisions.
Elle a déclaré contraire au droit à la liberté d'expression, les condamnation pénales prononcées :
-pour apologie de crimes et délits de collaboration après la publication dans un journal d'un encart publicitaire glorifiant l'action de pétain entre 1940 et 1945 : CEDH 23 septembre 1998, Lehideux c/ France.
-pour recel de photocopies de déclarations d'impôt après la publication dans un journal d'extraits de la photocopie de l'avis d'imposition de l'avis d'imposition du directeur d'une grande entreprise automobile : CEDH 21 janvier 1999 Fressoz c/ France.
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Trés bien... Cela m'interesse beaucoup.
Comment qualifier cela d'un point de vu juridique ?
- je crois que dans le premier cas, c'est l'infraction de glorification de crime de guerre qui est un peu tordue... Aurait-il mieux valu parler d'"incitation à la haine... (ça existe déjà je crois). Car il ne faudrait pas condamner toute personne qui parlerait de l'action des nazis sous une approche ou sous une autre...
En fait, ton exemple est trés judicieux car il montre que le juge européen intervient y compris lorsque un texte national (disons convenablement appliqué par le juge pénal) à été appliqué au détriment d'une liberté fondamentale... C'est une garantie de liberté à mes yeux.
- dans le second arrêt, je ne connais pas trop les faits : mais il semble que c'est d'une atteinte à la vie privée qu'il s'agisse non? y aurait-il en l'espèce de recel d'éléments obtenus en violation de la vie privée?
Concernat le principe de légalité, c'est un principe très ancien en droit français, on le retrouve chez Montesquieu, Beccaria,.. S'il est reconnu par la CEDH (art7), en france il a valeur constitutionnelle depuis une décision du 19/01/81 ( http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Vi ... ligneDeb=1), reprise dans une décision du 11/10/84. De là je pense que la CEDH a peu influencé le droit français dans ce domaine car il est clair que c'est la déclaration françaies de 1789 qui est le fondement de tout. A mon sens c'est ici la France qui influence l'Europe, voir le monde (un peu de chauvinisme ça fait pas de mal ).
L'interprétation stricte de la loi pénal (corolaire du principe sus énoncé) est lui tiré du code pénal à l'article 111-4. Je ne vois pas non plus d'influence communautaire ici.
Où le droit européen est plus pesant c'est concernant la clareté des textes, la jurisprudence de la CEDH indique que les textes doivent présenter "des qualités suffisantes de clareté et de précision" arrêt Malone du 02/08/84, là encore la jurisprudence constitutionnelle française n'est guère éloignée.
Concernant la valeur de la Convention EDH (ratifiée en 73 pour la France) elle est d'application directe en France. Et c'est pour cela je pense que tu parles de son influence en France. Mais en pratique la cour de cassation y a longtemps été rétissente car cela risque de conduir à un contrôle de constitutionnalité.
Ses dispositions concernent à titre principal le droit à la vie, à l'intégrité physique, à la dignité et à la sécurité (art2), la légalité criminelle, la non rétroactivité (art7), la liberté individuelle (art 5), le droit à un procès équitable (art 6), le droit au respect de la vie privée (art . La France a émis 2 réserves: les art 5 et 6 ne sont pas valables pour les tribunaux des armées, de plus l'article 16 de la constitution reste valable.
Pour moi l'influence de la jurisprudence européenne est faible en France. Mais c'est parce que dans la mesure où la convention est incluse au droit interne de notre pays on est tenu de s'y conformer, ce qui bloque à la base le processus.
De plus la jurdiction européenne va juger en comparant deux nomes de droit, alors qu'une juridiction française va s'attacher aux faits. ( à nuancer bien sur).
Merci beauoup.
Ainsi donc, or du principe de la légalité, il n'y a que la clarté qui ait changé quelque chose en droit pénal français.
Attention Yann. Les principes peuvent être les mêmes mais leurs interprétations différents en France et à Strasbourg.
Exemple : le droit de propriété protégé dans la constitution (révolution bourgeois...) et dans le protocole additionnel n°1 de la CESDH.
A priori pas dans changement... Mais, en fait une interprétation légèrement différente : Ainsi, il a été estimé que la clientèle (admettons d'un avocat ou d'un médecin) ne peut être vendu en france (cédée plus exactement).
La Jce européenne considère qu'il s'agit bien d'une "chose ayant une valeur" susceptible d'être protégée sous le principe du respect de la propriété...
Sinon, je suis certain que tu fais référence, en conclusion au droit pénal car, en procédure pénale française, toutes les réformes actuelles (milieu des 90's nous viennent de strasbourg...).
Je crois qu'il y a un autre élément important à souligner : celui du principe de proportionnalité ...
A chaque fois qu'une infraction pénale est définie, le juge européen va vérifier si elle ne revient pas à vider de sa substance un droit fondamental :
Ex : si le texte incrimine le premier qui l'ouvrira, il y aura violation du droit à la liberté d'expression...
Plus nuancé, je pense que le principe de proportionnalité est aussi essentiel en ce qui concerne des peines trop élevées... est-ce que je me trompe? ou des peines disproportionnées avec le but recherché...
Pourriez-vous me préciser ce point?
Oui, car il faut se souvenir pour reprendre Beccaria qu'il faut punir "ni plus qu'il n'est nécessaire, ni plus qu'il n'est juste". Sinon on risque de vider la peine de sens. Un exemple historique: dévaliser des voyageurs était puni de la peine de mort au moyen âge, total autant tuer le voyageur comme ça pas de témoin et moins de chance de se faire p(r)endre, dans ce cas la peine a un effet inverse à celui souhaité.
Mais j'ignore s'il existe un contrôle de proportionnalité en droit pénal. Quelqu'un sait il comment le législateur fait pour déterminer la peine qu'il associe à une infraction?
Personnellement, je ne le sais pas. Par contre, les juges de strasbourg me semble le faire parfois.
Pour ceux du Luxembourg j'en suis certain. Le jeu en offre un exemple. La loi de1836 criminalise tout ce qui relève de la loterie.
La CJCE à trouvé de cela était disproportionné (arrêt gambelli 11 novembre 2003 je crois).
Quelqu'un peut-il compléter ce forum?
Merci beaucoup.
Régis