Ceci est un exposé rédigé pour mon cours d'histoires des institutions antillaise. Les schémas sont de création personnelle.
Mathilde
{{Introduction à l'histoire des institutions antillaises}}
{{Introduction à l'histoire des institutions des isles d'Amérique}}
A l'instar de la France, les îles d'Amérique disposent d'une histoire qui leur est propre : il serait erroné cependant de la faire naître avec leur colonisation par les trois principales grandes puissances maritimes des XVIèmes et XVIIèmes siècles. Des peuples y vécurent bien avant nous, et l'Histoire les a inscrits dans sa trame.
Toutefois, il nous faut convenir que la période de la colonisation elle-même, aux buts mercantiles et évangélisateurs, conserve un très grand intérêt pour le juriste actuel - plus particulièrement en matière d'histoire des institutions. Il s'agit en effet d'une application de l'administration, de la justice, du « modèle » français de l'époque, au sortir de la période médiévale. Alors que la féodalité vit ses derniers instants d'agonie sur le territoire de la France, alors que le Roi a réussi à conquérir son trône et à établir sa suprématie absolue sur la quasi-totalité de ses sujets jadis contestataires, des terres, éloignées de plus de sept milles kilomètres, commencent à intéresser les grands royaumes d'Europe. L'intérêt réside alors pour les souverains dans la possession de ces terres lointaines que l'on prend pour les Indes. Mais il est fascinant d'observer les tentatives de la France pour instaurer le régime qui était le sien à ses colonies, si différentes des provinces proches du pouvoir central.
Les colonies se sont pourtant développées aux rythmes de leurs spécificités, contrastant avec la vie de la métropole… et comment en aurait-il pu être autrement ? Les prémisses de la colonisation en sont l'illustration : pour vivre dans ces territoires, il faudra avant tout y survivre, suffisamment longtemps pour enfin y installer les institutions françaises. Et là encore, il ne s'agira pas de l'expression pure de ces institutions, mais de l'adaptation qui en résultera.
=> Afin de comprendre les débuts et les enjeux de la colonisation, il paraît plus clair de dresser de prime abord un tableau historique de la situation des isles d'Amérique à leur découverte, qui permettra de suivre plus aisément par la suite le développement de la vie coloniale et la mise en place de la première administration.
{{I- Les prémisses de la colonisation : une entreprise anarchique aux risques et périls des colons}}
Si la découverte à proprement parler des isles d'Amérique centrale a pu être contestée quant à leur inventeur, l'occupation européenne, elle, a débuté en octobre 1492, lorsque Christophe Colomb accoste aux Bahamas, à San Salvador, et laisse un petit groupe d'hommes sur Hispaniola ( Haïti ). L'engouement des souverains espagnols est tel que la route est tracée jusqu'à ce qu'on croit être les Indes occidentales ( le nom a par ailleurs été conservé jusqu'à nos jours dans les pays anglophones, qui nomment la Guadeloupe et ses dépendances French West Indies ), dans une mission à la fois commerciale et évangélisatrice. Le royaume du Portugal se lance alors lui aussi dans la conquête de ces terres lointaines… La France ne s'y intéresse pas encore - et nous en étudierons plus loin les raisons – jusqu'à ce que la situation politique du début du XVIème siècle la propulse de plein fouet dans une colonisation anarchique.
{{A- le partage des territoires entre les grandes puissances maritimes ( XV-XVIème siècle )}}
Ce sont les pays hispanophones qui, les premiers, ont « élu domicile » dans les Antilles. Pour mieux se représenter la situation géographique, il est nécessaire de regarder la disposition des îles antillaises : les grandes Antilles, comme on les nomme, furent celles que découvrit Christophe Colomb, au nord de l'arc antillais, telles que Cuba, la République Dominicaine, Haïti, Porto Rico, la Jamaïque… La précision a son importance. Lorsque la France décide à son tour de conquérir des territoires, elle ne peut en effet prendre les possessions de l'Espagne et du Portugal, qui se sont déjà partagé la terre par le traité de Tordesillas en 1494 : à la première échoit l'ensemble à l'ouest du 50° méridien ouest, à la seconde ce qui se situe à l'est de ce même méridien.
Les deux puissances cherchent alors, dans les îles du nord, ce qu'elles n'ont pas trouvé dans celles du sud : de l'or, des pierres précieuses, de l'argent, dont l'afflux en France par le biais des relations économiques avec l'Espagne provoque à la fois une hausse spectaculaire des prix vers le début du XVIème siècle et une augmentation de la production ( voir à ce sujet Jacques Ellul, in Histoire des institutions, XVI-XVIIIème siècle, p. 19, p. 131 et 133, Quadrige, PUF, sur le rôle commercial « incident » des colonies ). Les Caraïbes, populations autochtones, se heurtent à ces arrivants et sont inexorablement asservis, décimés .
Porto Rico, Hispaniola deviennent leurs îles privilégiées, le temps pour les conquistadores d'en extraire les richesses puis de les exploiter en les livrant aux distilleries, et de se tourner vers le Mexique et le Pérou pour l'Espagne, le Brésil pour le Portugal. Peu à peu, les royaumes se désintéressent des autres composantes de l'arc antillais : Ponce de Léon, en 1516, tente bien de s'y installer mais un conflit avec les indiens, particulièrement leurs femmes, met fin à toute velléité de conquérir les lieux.
Il est à présent temps de s'intéresser à l'inactivité de la France dans ce domaine.
La France, à cette période, est encore plongée dans l'horreur et les troubles des guerres de religion, des guerres contre la Maison d'Autriche. Impossible pour le royaume d'intervenir dans la conquête des îles : il n'a encore ni les fonds nécessaires, ni les hommes. Jusqu'à ce que soit proclamé l'Edit de Nantes, et la paix de Vervins, sous le règne d'Henri IVème le réparateur, il ne faut pas songer à aller au-delà des mers comme les royaumes voisins.
Pourtant, on trouve des Français dans les eaux caribéennes, et dès 1521, ainsi que le souligne M. Lucien-René Abenon dans sa Petite Histoire de la Guadeloupe : les mers antillaises recèlent de corsaires qui délestent avec un malin plaisir les vaisseaux espagnols chargés de richesses. Parmi eux, Jean Ango, Jean Fleury, Jacques de Sore et François le Clerc… L'Angleterre n'est pas en reste et envoie ses propres corsaires contre les caravelles du roi : on peut en effet citer le célèbre Francis Drake, ou encore Hawkins, Raleigh… Tous munis d'une autorisation royale, sous la forme d'une lettre de marque, légalisant le pillage des bà¢timents ennemis – différence fondamentale avec les pirates et autres forbans affublés du plaisant estampillage « sans foi ni loi », qui récupéraient à leur propre compte les marchandises dérobées.
On peut donc affirmer que les corsaires participent à l'expansion coloniale française, au Canada ( Samuel Champlain ) ou en Guyane ( la Ravardière ). La véritable « colonisation » ( entendre par là habitation et exploitation de la terre, dans son sens romain colonus ) commence alors de manière fortuite, et servira d'exemple, dix ans plus tard, à la France.
{{B- L'arrivée des premiers colons et le réveil français}}
Les flibustiers qui fréquentaient les isles avaient pour habitude de s'y approvisionner en eau potable… C'est de la rencontre de deux d'entre eux, aux alentours de 1623, que naquit, presque par hasard, la colonisation des terres quasi dépeuplées de leurs habitants. Le corsaire d'Esnambuc et le capitaine Warner, puisque c'est d'eux dont il s'agit, obtinrent de leurs rois respectifs permission et titres de s'installer à Saint Christophe.
Warner, nommé gouverneur de l'île et de celles avoisinant par le truchement du duc de Carlisle, jalousa quelque peu d'Esnambuc avec lequel Richelieu créa la Compagnie de Saint Christophe, première d'une longue série malmenée par les aléas coloniaux. Cependant, les colons eurent de telles difficultés lors de leur installation que les considérations « politiques », devrait-on dire, peuvent être tues pour l'instant : les quelques Caraïbes demeurant sur les lieux, armés de techniques plus rudimentaires, donc plus faibles, virent très mal leur désir de s'installer sur l'île et tentèrent de les repousser. L'Espagne les chassa pour un temps, la famine les menaça à de très nombreuses reprises… malgré tout, les colons tinrent bon. Mieux : ils prospérèrent tant et si bien que l'exemple décida les puissances, et notamment la France, à s'investir dans l'entreprise.
Il a été dit plus haut que l'inaction française avait pour origine les guerres… mais il faut également prendre en compte l'évolution des autres royaumes, ceux qui lors de la première impulsion colonisatrice n'avaient pu agir car trop faibles économiquement, militairement, diplomatiquement. La Hollande, l'Angleterre, se renforcent, comme la France. L'Angleterre a envoyé plus tôt ( en 1620 ) des colons puritains en Amérique sur le Mayflower, elle conquiert la Barbade, Monserrat, Antigua. La Hollande n'est pas en reste puisqu'elle dispose de Saint Eustache et d'Aruba. Et l'Espagne, aux prises avec les dissensions intestines, n'en demeure pas moins un adversaire dangereux et non négligeable. La France doit agir afin de ne pas se laisser distancer par les autres puissances, et elle en a à présent les moyens.
On est loin de l'amateurisme d'Esnambuc, de l'incertitude de Richelieu qui se laissa gagner à sa cause une dizaine d'années auparavant : les isles que l'on projette de coloniser sont connues, visitées, situées, leur potentiel de richesse jaugé… oui, on est loin des hésitantes tentatives lancées « quelque part entre les 10ème et 30èmes de latitude nord », là o๠n'était pas l'Espagne. La nouvelle Compagnie des isles d'Amérique ( anciennement compagnie de Saint Christophe ) est en effet réunie en 1635. Sous la décision de Richelieu, dont le pouvoir est à présent indiscuté, est élaboré le système de la compagnie… il s'agit d'un moyen d'intervention étatique, qu'Ellul définit de manière brève mais précise : « l'Etat invite des particuliers à réunir leurs capitaux dans une association. Cette association reçoit de l'Etat un statut et des avantages considérables ». Ces avantages lui confèrent la direction des terres occupées, la protection de la flotte royale, l'administration locale, l'exercice de la justice, l'exemption des taxes d'importations… Le principe est que la Compagnie agit en tant que suzeraine sur les colons, grande réminiscence des temps féodaux qui démontre que l'installation des institutions se fait de manière très progressive.
Il est question d'envoyer un navire en Guadeloupe, Martinique, ou Dominique, dans un territoire habitable, voir plusieurs : des commissions sont délivrées par la compagnie à Ms. Liénart de l'Olive et du Plessis dans le cas d'une double colonisation. Le contrat consiste à faire entrer sur la colonie 4 000 colons en vingt ans, femmes et enfants non compris, quatre prêtres, et construire un fort, en échange de quoi elle leur consacre un dixième des droits perçus ( selon Maurice Satineau, in Histoire de la Guadeloupe 1635-1789, cité par M. Abenon ).
L'expédition accoste en juin 1635, après un mois de navigation, et prend possession de l'île au nom du Roi de France – pour qui la colonisation résulte d'un curieux compromis avec Richelieu : si le dernier y voit avant tout un intérêt géostratégique ( l'occupation des îles empêche l'Espagne de s'y établir ) et commercial ( la France doit elle aussi bénéficier de comptoirs pour accroître sa puissance financière ), le souverain entend, lui, agir dans une mission évangélisatrice : carmes, capucins, jésuites, dominicains, doivent contrôler la colonisation, et occuperont un rôle plus grand encore le siècle suivant. Le premier pas est effectué. Les colons doivent à présent affronter la réalité de l'occupation, et c'est une expérience douloureuse qui se fait dans un climat de désorganisation administrative.
{{II- Les débuts difficiles de l'administration coloniale : entre mauvaise représentation royale et dissensions internes}}
Les difficultés, pourrait-on dire de façon triviale, commencent dès l'accostage. Et pour cause : d'Esnambuc s'installe en Martinique dans le mois, refusant de travailler en bonne intelligence avec Liénart de l'Olive. D'autres conflits s'élèvent peu à peu, révélant une absence de préparation non sans relation avec les difficultés qu'a la royauté pour s'imposer à travers ses représentants. Le bilan apparaît alors plus que mitigé…
{{A- Des conflits internes aux prises avec les réalités de la colonie}}
Les colons se retrouvent scindés entre la Guadeloupe et la Martinique ( laquelle est essentiellement peuplée par un contingent militaire ). Toutefois la différence géographique ne les empêche pas de subir des avaries semblables et terribles : la faim, la guerre, l'épuisement, dus en grande partie à la mauvaise organisation de la Compagnie. La famine, tout d'abord, s'abat sur les nouveaux arrivants, et ceux-ci, peu accoutumés à la chair des ressources locales ( tortues, voire rats, chiens… ), sont victimes de maladies. Fort heureusement, ils sont aidés par les Caraïbes qui leur apportent fruits, légumes et viandes, officialisant des échanges « commerciaux » salvateurs ou faisant simplement actes de compassion. Mais très vite, les relations avec les autochtones se gà¢tent par le comportement sans appel de Liénart de l'Olive, homme autrement plus autoritaire et vindicatif que du Plessis : Liénart tente en effet de provoquer une guerre avec les Caraïbes, usant de violence, de ruse, et y parvient. Privée de l'apport de nourriture qui jusque là l'aidait à survivre, la colonie sombre dans une famine effrayante dont même les cuirs et les morts font les frais, les colons n'osant sortir du fort par crainte d'être tués. La Compagnie, loin de respecter ses engagements, n'approvisionne guère l'île ; en revanche elle y fait débarquer une centaine de nouveaux colons, malgré les protestations des dominicains. Tout au plus obtiennent-ils une concession.
La situation perdure jusqu'à la nomination de Longvilliers de Poincy en tant que gouverneur des isles d'Amérique : Liénart, anéanti, malade, ne peut conserver ses fonctions de gouverneur de la Guadeloupe. Nourriture et munitions sont envoyées à la colonie que Poincy considère comme la capitale des isles du Vent. Cela démontre encore une fois que les colons n'étaient absolument pas préparés aux réalités qu'ils trouveraient à leur arrivée : réalités alimentaires, agricoles ( les cultures sont avant tout vivrières avant de penser à l'exportation du pétun et à la canne )… réalités humaines : lors même que les colons appartenaient à des classes sociales différentes, ils étaient égaux dans la survie. Toujours très isolés de la Compagnie, épaulés par l'expérience réussie de Saint Christophe o๠réside par ailleurs le gouverneur des isles, les colons reprennent cependant espoir lorsqu'un gouverneur de la Guadeloupe leur est donné en la personne d'Aubert : preuve en est la paix conclue avec les Caraïbes émigrant vers la Dominique, vers 1641. Citons tout de même les conflits virulents provoqués par des colons opposés à Aubert, ce qui démontre l'amélioration de la qualité de vie par la possibilité de contester…
L'occupation peut enfin débuter sans que la survie soit la première obligation : peu à peu, de nouveaux colons débarquent dans l'île, originaires de la première colonie, mais aussi de France, ainsi qu'un groupe d'orphelines sous la direction d'une femme influente. A partir 1642 apparaissent les premiers linéaments réels de l'administration française en même temps que les premières habitations et leurs esclaves.
{{B- les premiers linéaments de l'administration française : une représentation trop faible de l'autorité royale}}
La Compagnie a l'intention paradoxale de vouloir administrer l'île sans l'alimenter : elle entend y envoyer des membres afin de contrôler le respect du contrat passé sept ans auparavant, puisque, rappelons-le, elle perçoit de l'exploitation qui en est faite un dixième des fruits. L'idée de Richelieu, il ne faut pas l'oublier, est de rendre profit à l'Etat. C'est l'époque des grands seigneurs propriétaires, des gouverneurs avides, des premières institutions… ou plutôt, de leur esquisse.
Pour une meilleure compréhension de la problématique de l'époque, un schéma des institutions semble approprié.
Les colonies font partie de la justice déléguée du Roi, celle qu'il ne peut exercer en personne. A juste titre, comme les provinces sont éloignées du Roi, justice est rendue par les intendants, les Parlements ; il ne pouvait en être autrement dans les terres au-delà des mers o๠l'on a tout autant besoin d'une structure administrative – bien que certains aient apprécié son absence. Comme l'énonce si joliment M. Abenon : « Une telle manière de faire paraissait alors fréquente dans les milieux de la haute administration ( … ) Les hommes changent, les manières de procéder restent les mêmes. Exercer le commandement de la colonie exigeait autant de finesse que d'autorité, pour déjouer les pièges qu'on ne manquait pas de vous tendre » Or donc, les hauts administrateurs ne manquèrent pas de tenter leur chance.
Les gouverneurs successifs disposent pour l'instant d'un pouvoir sans contre poids les rendant par trop indépendants de la Compagnie. L'exemple le plus fourni concerne M. Houel du Petit Pré, personnage terrible et intrigant, qui fait son apparition dès l'année 1642 en tant qu'inspecteur de ses terres envoyé par la Compagnie, et semble bien goà»ter l'envie de tenir un poste important dans l'île : par duplicité, il parvient à chasser Aubert après l'avoir détrôné du poste de gouverneur, se fait nommer à sa place, fait remplacer dans la foulée Poincy par Patrocles de Thoisy… Le gouvernement français est lui aussi instable ( rappelons que ces faits se déroulent pendant la minorité de Louis XIVème ) et ne peut intervenir pour régler les événements des colonies. Houel assied par conséquent son autorité sur la Guadeloupe avant toute autre chose.
La Compagnie s'en trouve fort marrie, particulièrement depuis que la population refuse de verser les sommes qu'elle lui doit : quel intérêt d'investir si l'affaire n'est pas rentable ? Il est donc décidé en 1647 de vendre les îles françaises au plus offrant, Houel s'empressant bien sà»r d'être celui-ci. Mais grugé par son beau-frère qui le représentait, il n'obtient que la partie sud de l'île en propriété. Le choix de vendre les isles est contestable en ce qu'il ouvre la voie aux exactions… Les intrigues entre les puissants des îles battent leur plein, et les confrontations mesurent les rapports de force. Surtout, ils sont les indicateurs de l'inertie de la Compagnie lorsqu'elle déléguait le gouverneur. Le Roi avait en effet laissé à la Compagnie les pleins pouvoirs tout en la surveillant. Et la Compagnie n'avait d'autre pouvoir que de décider, à près de 7 000 kilomètres, ce qui convenait ou non à la vie de la colonie, sans contrôle efficace : le commis général, chargé de prérogatives économiques et fiscales, était son interlocuteur et son exécuteur privilégié. Certes, il veillait à l'administration des terres agricoles, et acheminait les sommes dues à ses employeurs. Nous avons toutefois vu que le gouverneur, bien que nommé par le Roi, était le véritable pilier institutionnel de l'île, et n'hésitait pas à s'opposer à ceux qu'il ne ralliait pas à sa cause, en tant que propriétaire des lieux.
La structure administrative est encore trop faible pour prétendre s'intéresser davantage à la vie coloniale, l'échec des Compagnies en faisant foi. Le rattachement de la Guadeloupe au domaine royal, en 1674, annonce alors un changement fondamental en mettant fin au système de la propriété seigneuriale : le pouvoir central, renforcé, élabore une toile autrement plus solide sur ses possessions caribéennes en corrélation avec l'augmentation de la population ( plusieurs milliers d'habitants nécessitant à présent une réglementation plus poussée ). L'étude du système administratif de la première part du siècle suivant montre les affinements du contrôle exercé par l'autorité centrale :
On constate que la Compagnie est dépossédée du rôle prépondérant qu'elle tenait au commencement au profit des nouvelles institutions ( la Compagnie des Indes occidentales, qui figure sur le schéma à fin d'illustration, a disparu lors de l'entrée de la colonie dans le domaine royal ) ; le gouverneur a désormais deux autorités hiérarchiques supérieures auxquelles il est soumis, les intendants, émanant de la noblesse de robe et chargés des affaires générales de l'île ( recensement, police générale des maîtres, santé publique, police des routes, nocturne, des vivres, des enfants trouvés, caisse des Antilles… ), et le gouverneur général. Les tensions entre les différentes sphères du pouvoir sont en conséquence assez vives et la conciliation délicate. L'administration extérieure, amirauté, justice, domaine, armée, était composée de fonctionnaires français, ce qui accentue la présence royale dans l'île. Enfin, le Conseil supérieur, contrairement aux Parlements métropolitains, se contente d'assister le gouverneur et d'enregistrer les édits qu'il doit publier tout en conservant une fonction judiciaire.
De la comparaison entre les deux administrations ressort nettement l'évolution de l'encadrement du gouverneur : la colonisation perd son caractère désorganisé et précaire avec l'implantation ferme du pouvoir royal dans l'île. Les institutions