L'argumentation des parties arrêt Mme Saleh

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Bonjour à tous !
J'ai une petite question à vous poser. Dans l'arrêt Mme Saleh ci-dessous, je voulais bien être sur qu'on avait uniquement l'argumentation de la cour administrative d'appel et non celle des requérantes. Merci à tous ceux qui pourront me répondre.


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par des arrêts du 3 février 2004, la cour d'appel de Paris a condamné l'Etat du KOWEÏT, ancien employeur, à son ambassade à Paris, de Mmes Om Hashem D, Mary Magrat F, Chérifa B et Ranjani A, à verser à ces dernières des sommes s'élevant respectivement à 101 535,51 euros, 100 033,59 euros, 23 973,51 euros et à 101 511,78 euros, en principal, à titre de rappels de salaires et de diverses indemnités liées à leur licenciement ; que les procédures de saisie attribution par voie d'huissier de justice, diligentées par les intéressées pour obtenir l'exécution de ces décisions, n'ont pu aboutir en raison de l'immunité d'exécution opposée aux tentatives effectuées sur le compte ouvert par l'ambassade auprès de la Banque Nationale du KOWEÏT et rappelée à l'huissier de justice par lettre du 26 octobre 2006 du ministre des affaires étrangères et européennes ; que Mme D et autres ont alors saisi le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'une demande tendant à la réparation, sur le terrain de la responsabilité sans faute de l'Etat, du préjudice subi par elles du fait de l'impossibilité où elles se sont trouvées d'obtenir l'exécution de ces décisions de justice en raison de l'immunité d'exécution dont bénéficiait leur ancien employeur ; que par des arrêts en date du 8 décembre 2008, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le rejet de leurs demandes prononcé par un jugement du 27 avril 2007 du tribunal administratif de Paris ; que Mme D et autres se pourvoient en cassation contre ces arrêts ;

Sur le cadre juridique du litige :

Considérant qu'il résulte d'une règle coutumière du droit public international que les Etats bénéficient par principe de l'immunité d'exécution pour les actes qu'ils accomplissent à l'étranger ; que cette immunité fait obstacle à la saisie de leurs biens, à l'exception de ceux qui ne se rattachent pas à l'exercice d'une mission de souveraineté ;

Considérant qu'en vertu du quatorzième alinéa du Préambule de la constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, " la République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international " ; que l'article 1er de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution prévoit que l'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d'une immunité d'exécution ; qu'il en résulte que la règle coutumière du droit public international d'immunité d'exécution des Etats, qui n'est écartée ni par cette loi ni par aucune autre disposition législative, s'applique dans l'ordre juridique interne ; que la responsabilité de l'Etat est, par suite, susceptible d'être recherchée, sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques, dans le cas où son application entraîne un préjudice grave et spécial ;

Sur les arrêts de la cour :

Considérant, en premier lieu, que pour juger que Mme D et autres ne pouvaient se prévaloir d'un préjudice spécial de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers elles sur le fondement de la responsabilité sans faute du fait de l'application de la règle coutumière du droit public international précédemment indiquée, la cour administrative d'appel de Paris a relevé que les requérantes ne pouvaient ignorer, lors de la conclusion de leur contrat de travail, la qualité d'Etat étranger de leur employeur, l'Etat du KOWEÏT, et par suite, les immunités de juridiction et d'exécution dont celui-ci pouvait bénéficier ; qu'il résulte de l'arrêt de la cour d'appel de Paris que la loi française est applicable aux contrats de travail des intéressées, qui sont exécutés sur le territoire français ; qu'un salarié ne peut être réputé avoir par avance accepté le risque résultant de la méconnaissance par son employeur des dispositions d'ordre public applicables à la conclusion, à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail ; que parmi ces dispositions, figurent celles permettant le recouvrement, même contraint, des créances salariales du salarié sur son employeur en contrepartie du travail effectué et des indemnités pouvant résulter de la rupture de ce contrat par l'employeur ; que par suite, en opposant à Mme D et autres l'exception du risque accepté au motif qu'elles ne pouvaient ignorer la qualité d'Etat souverain de leur employeur et l'immunité d'exécution dont ce dernier pouvait le cas échéant bénéficier en vertu de la règle coutumière rappelée ci-dessus, la cour administrative d'appel a entaché ses décisions d'une erreur de droit ;

Considérant, en second lieu, que pour écarter l'existence d'un préjudice spécial de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers les requérantes, la cour administrative d'appel a également relevé que la généralité de la règle coutumière du droit public international mentionnée ci-dessus et le nombre de personnes auxquelles elle peut s'appliquer font obstacle à ce que les préjudices allégués puissent être regardés comme revêtant un caractère spécial ; qu'il appartenait toutefois aux juges du fond de retenir, pour apprécier le caractère spécial des préjudices invoqués, outre la portée de la règle coutumière en cause, le nombre connu ou estimé de victimes de dommages analogues à ceux subis par les personnes qui en demandaient réparation ; que par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que les préjudices subis par Mme D et autres ne pouvaient être regardés comme revêtant un caractère spécial ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérantes sont fondées à demander l'annulation des arrêts attaqués ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler les affaires au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur le règlement au fond :

Considérant, d'une part, qu'il ne résulte ni de la règle coutumière du droit public international de l'immunité d'exécution des Etats étrangers ni d'aucune disposition législative que soit exclue l'indemnisation par l'Etat des préjudices invoqués nés de l'application de cette règle ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard au montant des sommes en cause et à la situation des requérantes, le préjudice invoqué par chacune d'entre elles revêt un caractère de gravité de nature à ouvrir droit à indemnisation ; que compte tenu du faible nombre des victimes d'agissements analogues imputables à des ambassades d'Etats étrangers, sur le territoire français, les préjudices dont elles se prévalent peuvent être regardés comme présentant un caractère spécial et, dès lors, comme ne constituant pas une charge incombant normalement aux requérantes ; que par ailleurs, la circonstance que leur employeur soit un Etat étranger, qui comme tel bénéficie d'immunités, ne peut faire obstacle à la reconnaissance du caractère spécial de leur préjudice, les requérantes ne pouvant, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, être réputées avoir par avance accepté le risque résultant de la méconnaissance par leur employeur des dispositions d'ordre public applicables à la conclusion, à l'exécution et à la rupture de leur contrat de travail ni, par suite, avoir renoncé aux dispositions permettant le recouvrement, même contraint, de leurs créances salariales sur cet employeur en contrepartie du travail effectué et des indemnités pouvant résulter de la rupture de ce contrat par l'employeur ;

Considérant, enfin, qu'il résulte également de l'instruction que si Mme D et autres, qui n'ont pu obtenir de leur ancien employeur, l'Etat du KOWEÏT, l'exécution des décisions de justice le condamnant au versement des sommes dont il est redevable au titre des salaires et de diverses indemnités dues à raison de leur licenciement, n'ont pas saisi le juge de l'exécution, cette abstention ne saurait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme les ayant privées d'une chance sérieuse de recouvrer leur créance, alors que l'immunité d'exécution a été opposée par l'Etat du KOWEÏT aux procédures de saisie attribution qu'elles avaient engagées sur un compte en banque de l'ambassade qui, utilisé pour le paiement des salaires de ses employés, participait à l'accomplissement de l'ensemble des fonctions de la mission diplomatique koweïtienne et n'était ainsi pas dissociable de l'exercice par cet Etat de ses missions de souveraineté ; que par suite, les préjudices dont se prévalent Mme D et autres doivent être également regardés comme présentant un caractère certain ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D et autres sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a jugé que les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat à leur égard sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques n'étaient pas remplies et à demander, en conséquence, l'annulation du jugement attaqué du 27 avril 2007 en tant qu'il a statué sur leurs demandes ;

Sur les indemnités :

En ce qui concerne le principal :

Considérant qu'il sera fait une exacte appréciation du montant des indemnités dues aux requérantes en condamnant l'Etat à leur verser les sommes qui avaient été accordées à chacune d'entre elles par le conseil de prud'hommes de Paris et par la cour d'appel de Paris et correspondant au montant des salaires et des indemnités dus par l'Etat du KOWEÏT ; qu'il y a lieu, en revanche, d'exclure de ces montants les sommes correspondant au montant de l'astreinte prononcée aux fins de remise par cet Etat de documents sociaux ; que les montants ainsi déterminés s'élèvent aux sommes de 101 535,51 euros, 100 033,59 euros, 23 973,51 euros et 101 511,78 euros au profit respectivement de Mmes D, F, B et E ; que ces montants doivent être augmentés des intérêts au taux légal qui ont couru de plein droit, calculés dans les conditions fixées par les jugements du conseil de prud'hommes et les arrêts de la cour d'appel de Paris susmentionnés jusqu'à la date de la demande des requérantes d'indemnisation par l'Etat ; que chacun de ces montants doit en outre être augmenté de la somme de 1 500 euros accordée par ladite cour au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, sur laquelle les intérêts légaux sont dus à compter du 3 février 2004, date des arrêts de la cour et ce, jusqu'à la date de leur demande d'indemnisation par l'Etat ;

En ce qui concerne les intérêts :

Considérant que Mme D et autres ont droit aux intérêts au taux légal afférents à l'indemnité en principal calculée comme il est dit ci-dessus, à compter de la date de la réception de leur demande d'indemnité par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, soit le 10 février 2006 ;

En ce qui concerne les intérêts des intérêts :

Considérant qu'en vertu de l'article 1154 du code civil, lorsqu'ils sont dus au moins pour une année entière, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que Mme D et autres ont demandé la capitalisation des intérêts dans leur réclamation préalable présentée à l'administration le 10 février 2006, puis formulé des conclusions à fin de capitalisation devant le tribunal administratif ; que leur demande de capitalisation prend dès lors effet à compter du 10 février 2007, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ; qu'il y a lieu de faire droit à ces demandes tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacune des requérantes de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts n° 07PA02188, n° 07PA02191, n° 07PA02192 n° 07PA02190 de la cour administrative d'appel de Paris du 8 décembre 2008 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 avril 2007 n° 0607435, 0607439, 0607440, 0607441, 0607444, en tant qu'il statue sur les demandes de Mmes D, F, B et E, sont annulés.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser les sommes de 101 535,51 euros, 100 033,59 euros, 23 973,51 euros et 101 511,78 euros au profit, respectivement de Mmes D, F, B et E augmentées des intérêts au taux légal calculés dans les conditions fixées par les jugements du conseil de prud'hommes et les arrêts de la cour d'appel de Paris et, à chacune des requérantes, la somme de 1 500 euros sur laquelle les intérêts légaux sont dus, à compter du 3 février 2004. Les intérêts échus à la date du 10 février 2007, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à Mmes D, F, B et E la somme de 3 000 euros chacune, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Om Hashem D, à Mme Mary Magrat F, à Mme Chérifa B, à Mme Ranjani A, au ministre des affaires étrangères et européennes et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.