Bonjour.
Voici ma proposition d'une dissertation sur le sujet : "[u:v2iujrok]l'efficacité des procédures d'alerte[/u:v2iujrok]".
Merci de me dire ce que vous en pensez !!!
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Juger de l'efficacité d'une institution, dans quelque domaine que ce soit, pose systématiquement le problème du système de référence dans lequel elle évolue, et notamment celui de la maîtrise des interactions constantes entre l'objet de l'étude et son environnement. Même dans le monde économique où la valeur ajoutée tirée – à titre d'exemple – d'un investissement ou d'une restructuration, se traduit en données comptables et en particulier en terme de marge bénéficiaire, rien ne permet, scientifiquement, de déduire des observations comptables l'efficacité d'une action sur laquelle l'entreprise a fait reposer ses espérances.
Dans le cas qui nous préoccupe, juger de l'efficacité d'une institution comme la procédure d'alerte – créée par la loi de 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises et modifiée en profondeur par la loi de 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises puis par la réforme de 2005 de sauvegarde des entreprises – supposerait que l'on dispose d'un cadre de référence quantitatif et qualitatif concernant les procédures collectives basé sur l'analyse complète d'expériences significatives de procédures collectives avant et après 1984 et les réformes successives et permettant d'analyser l'impact qu'a eu la création et les modifications de cette institution au regard de ce qui en fait la finalité, à savoir l'amélioration de la situation de l'entreprise en lui évitant la survenue dramatique d'une procédure collective.
Bien évidemment, ce cadre de référence n'existe pas, même si nous disposons de quelques études faites par les chambres consulaires notamment et ciblées sur quelques régions.
En conséquence, le cadre d'une réflexion sur l'efficacité de cette institution doit se centrer sur une appréciation purement subjective au regard de ce que pourrait être une procédure idéale permettant d'attirer, suffisamment tôt, l'attention de certaines personnes soigneusement déterminées, sur le risque de survenue de difficultés importantes par l'action de certaines personnes ou organes choisis eux aussi.
S'agissant d'une procédure, c'est-à-dire d'une succession linéaire d'actions, il semble logique d'axer l'étude de son efficacité sur l'évitement du risque de survenue d'une procédure collective tout d'abord du point de vue de son déclenchement (I) puis de son déroulement (II).
[u:v2iujrok]I – L'efficacité de la procédure d'alerte appréciée du point de vue de son déclenchement[/u:v2iujrok]
Deux éléments sont caractéristiques de la procédure d'alerte prévue au Code de commerce (articles L.234-1 à 4, L.611-2 et 3 et L.612-3 ainsi que dans les parties réglementaires correspondantes) : ce sont la diversité des organes et personnes chargés de l'alerte (A) et ses critères de déclenchement (A), illustrant la volonté du législateur d'obtenir un déclenchement précoce et inévitable, gages d'efficacité.
A / La légitimité des organes chargés de procéder à l'alerte
La figure la plus emblématique des organes chargés en interne de déclencher la procédure d'alerte est le commissaire aux comptes, mais il n'est pas le seul à se voir délégué cette mission. Cette diversité concourre à améliorer l'efficacité de la détection (1). En même temps, on assiste depuis la réforme de 1994 à une judiciarisation inexorable de la procédure qui ne va pas sans poser des questionnements (2).
1) Une pluralité d'acteurs pour une détection plus certaine
Lors de la création de la procédure d'alerte en 1984, le législateur avait déjà prévu une pluralité d'acteurs chargés, cumulativement et indépendamment les uns des autres, de lancer la procédure d'alerte. La finalité de cette procédure est de permettre, par une détection la plus précoce possible de dysfonctionnements dans l'exploitation qui sont passés inaperçus aux dirigeants sociaux, d'alerter graduellement le chef d'entreprise, son exécutif et son assemblée souveraine afin, d'une part, de leur faire prendre conscience à temps de la situation et, d'autre part, de les inciter à modifier leurs comportements. Il s'agit d'une procédure réellement préventive et elle fait logiquement intervenir le plus grand nombre d'intervenants afin de capter le plus grand nombre possible d'informations utiles, tout en restant le plus longtemps cantonné dans les limites de l'entreprise afin de ne pas effrayer inutilement les partenaires économiques de l'entreprise.
Dans cet objectif, le législateur avait prévu une dualité d'intervenants, d'une part des organes internes mais également des intervenants extérieurs. Au titre des organes internes, le commissaire aux comptes est la figure la plus emblématique, d'autant que de création récente (art. L.234-1 et 2 du Code de commerce). En tant que chargé d'une mission de surveillance générale et de contrôle de la sincérité des comptes de certaines entreprises de taille importante, il paraît évident qu'il est un organe bien placé pour détecter les dysfonctionnements. Le législateur a également prévu l'intervention du comité d'entreprise ou des délégués du personnel (art. L.243-3); les associés et actionnaires disposent également d'un pouvoir d'alerte, plus anecdotique, mais bien plus ancien (art. L.223-36 issu de la loi de 1966 sur les sociétés). Au titre des intervenants exterieurs, il s'agit du Président du Tribunal de commerce (pour les commerçants) et les groupements de prévention agréés (art. L.611-1 al. 3).
Il semble a priori que cette pluralité d'acteurs porte en elle sa propre efficacité, même si ce raccourci est un peu rapide. D'abord parce que ces mêmes organes internes pouvaient très bien alerter le dirigeant social, même sans texte, le commissaire aux comptes en vertu de sa mission spécifique, les associés en vertu de leur droit de poser des questions et de demander des informations et explications et les représentants des salariés en vertu de leur implication dans la vie de l'entreprise. Le fait d'instaurer un texte a-t-il comme vertu fondamentale d'inciter ces mêmes organes à suivre une procédure formelle ? Cela ne semble pas le cas en pratique, les alertes données par les organes internes et par les groupements de prévention agréés sont très rares ; de son côté, le commissaire aux comptes préfèrera une procédure informelle, en lien direct avec le chef d'entreprise (sources : « Entreprises en difficultés », F. Pérochon et R. Bonhomme, LGDJ, 2009).
2) Une judiciarisation de la procédure risquant d'aboutir à une juridictionnalisation du monde économique
En revanche, toujours selon ces mêmes auteurs, les alertes lancées par le Président du Tribunal de commerce sont de plus en plus fréquentes. Dans un article paru aux petites affiches en 1994, le Professeur J.P. Haehl insistait sur le fait que « le droit d'alerte attribué au président du tribunal de commerce n'a en rien les caractéristiques d'une intervention judiciaire de sa part », tout en reconnaissant par ailleurs que ce droit lui permettait d'exercer « une sorte de vigilance tutélaire sur les entreprises » (« Le droit d'alerte du président du triabunal », Pr. J-P Haehl, Les petites affiches, 14 septembre 1994, n°110 p.45). En fait, il semble aberrant de ne pas voir dans l'action d'un magistrat tenu informé en temps réel par le greffe des entreprises ayant fait l'objet d'inscriptions de privilèges ou de protêts, du défaut de production des comptes annuels, et qui a le pouvoir de convoquer les dirigeants sociaux dans son bureau, autre chose qu'une judiciarisation de l'alerte. Cette immixtion du pouvoir juridictionnel dans l'exploitation de l'entreprise peut paraître choquante, encore que le droit des procédures collectives s'accomode facilement de ces incursions ; ce qui semble plus regrettable, c'est que par cette procédure, le magistrat et ses services agissent en tant que gérants de fait de nombre d'entreprises en imposant des méthodes de gestion à des dirigeants sociaux dont la situation n'est pas encore compromise.
L'intervention du président du tribunal de commerce, et parfois du président du tribunal de grande instance pour les sociétés non commerciales, se fait de deux manières. D'une part, il est alerté à deux reprises par le commissaire aux comptes dans la procédure d'alerte dont il est chargé, à deux étapes distinctes de l'alerte, la première par envoi de la copie par laquelle le commissaire aux comptes invite le chef d'entreprise à convoquer son exécutif, la seconde après la réunion de l'assemblée souveraine si la procédure est arrivée à ce stade où le commissaire aux comptes lui fournit l'intégralité de son dossier motivé et les résultats de l'assemblée. D'autre part, le président du tribunal de commerce (et pas celui du tribunal de grande instance) possède un pouvoir d'alerte qui lui est propre (art. L.611-2). Ce pouvoir est limité à la convocation du chef d'entreprise dans son bureau, mais la convocation – et là réside son véritable pouvoir – peut être suivi, si le président du tribunal l'estime nécessaire, d'abord par l'injonction aux partenaires fiscaux et sociaux, organes de l'entreprise, services bancaires... de délivrer tout document utile et ensuite par la désignation d'un mandataire ad hoc, lançant ainsi une procédure plus avancée de traitement préventif des difficultés des entreprises. L'efficacité de cette action propre au président du tribunal de commerce peut se vérifier avec des chiffres publiés. Ainsi, entre 1996 et 2004, les présidents des tribunaux de commerce de Paris, Nanterre et Créteil ont convoqué plus de 37.000 dirigeants d'entreprise et ce nombre semble se rapprocher du nombre de procédures collectives engagées sur le même territoire, témoin si ce n'est d'une efficacité, au moins d'un dynamisme certain des magistrats consulaires en la matière (sources : « Procédures de défaillance et prévention : données factuelles », C. Alexandre-Caselli, JCP 2005 1518).
B / La précocité du déclenchement de la procédure d'alerte
En matière d'alerte, la précocité est un gage d'efficacité car elle permet d'espérer une forte réactivité du dirigeant d'entreprise (1) ; toutefois, elle risque également de se heurter au scepticisme de ce dernier (2).
1 – des critères de déclenchement gages de réactivité
Les critères de l'alerte ont été en partie harmonisés en 1994, notamment en ce qui concerne l'alerte par le commissaire aux comptes des sociétés anonymes (art. L.234-1) et des autres sociétés commerciales (art. L.234-2) et de certaines sociétés non commerciales bénéficiant de l'institution (art. L.612-3). Les textes disposent qu'à l'occasion de l'exercice de sa mission, lorsque le commissaire aux comptes relève « des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation », il doit en informer le président du conseil d'administration ou du directoire ou le dirigeant social.
Le critère de l'alerte n'est certes pas un critère comptable ; toutefois, dès lors qu'il est relevé par un organe dont la mission est justement de veiller à la régularité et à la sincérité des comptes, la prédominance de critères comptables est évidente, d'autant qu'ils ont pour objectif de déterminer un risque de continuité de l'exploitation économique de l'entreprise. Pour autant, les critères comptables ne sont certainement pas exclusifs de tout autre. Ainsi, le commissaire aux comptes peut relever « tout fait », ce qui peut parfaitement inclure des faits sociaux, macroéconomiques, juridiques ou d'opportunité comme des dégradations accidentelles du matériel, une grève qui dure, la perte d'un contrat commercial, une réglementation qui n'a pas été suffisamment anticipée...
L'efficacité de cette alerte peut précisément résider dans le fait qu'elle embrasse des critères appartenant à des champs très divers, donnant ainsi une vision globale, synthétique, de la situation de l'entreprise avec comme conséquence une incitation de l'exécutif de l'entreprise à réagir. A contrario, on peut craindre que l'éparpillement des données traitées aboutisse au résultat radicalement inverse, par exemple une illisibilité du rapport spécial remis par le commissaire aux comptes aux actionnaires, au comité d'entreprise et au président du tribunal de commerce. Toute la difficulté, pour le commissaire aux comptes, sera de déterminer un faisceau d'indices lui permettant d'avoir lui-même des certitudes concernant la « continuité de l'exploitation » tout en choisissant les critères les plus pertinents pour motiver son appréciation et obtenir la réaction du chef d'entreprise.
Le maniement de ce critère est compliqué par le fait qu'il n'a pas l'exclusivité du législateur ; ainsi, lorsque l'alerte est donnée par un autre organe, le critère utilisé sera différent. Par exemple, l'alerte déclenchée par le comité d'entreprise ou les délégués du personnel nécessite que ces derniers aient connaissance de « faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise » (art. L.2323-78 du Code du travail). Ce défaut d'harmonisation des critères de déclenchement de l'alerte, même si elle est justifiée au regard des compétences et des pouvoirs du commissaire aux comptes dont ne disposent pas les représentants des salariés, est critiquable car elle pourrait aboutir à ce que seul le comité d'entreprise alerte le dirigeant social car il trouve la situation simplement « préoccupante » alors que le commissaire aux comptes ne juge pas l'exploitation en situation d'être « compromise ». Pour autant, on peut valablement estimer que tant les uns que les autres utiliseront certains critères communs, comme par exemple la dégradation du fonds de roulement...
2 – le risque d'une détection trop précoce
Toutefois, le fait que le commissaire aux compte soit lié à l'entreprise qui l'a contracté, par une obligation de résultats, peut faire craindre qu'il déclenche l'alerte alors même que la continuité de l'exploitation n'est pas vraiment obérée ; le commissaire engageant sa responsabilité sur une mission qui, certes, est définie par les textes depuis 1984 mais participe de sa mission normale de surveillance, il est possible qu'il cherche à se protéger en lançant l'alerte sur de faibles signes de faiblesse de l'entreprise. Or il est de l'essence même d'une entreprise de prendre des risques afin d'obtenir la meilleure rentabilité possible. A titre d'illustration, le critère de dégradation du fonds de roulement, critère comptable donnant une idée de la couverture de l'actif immobilisé par le passif disponible, qui semble régulièrement être mis en avant, ne peut pas suffire à caractériser une situation en voie d'être compromise ; en effet, si un fonds de roulement élevé caractérise une gestion en bon père de famille, un fonds de roulement faible caractérise la prise de risque par le réinvestissement des liquidités et donc la recherche d'une rentabilité plus élevée.
Toujours dans cet ordre d'idée, un chef d'entreprise risque d'être sourd aux arguments avancés par un commissaire aux comptes s'il gère son entreprise en flux tendus car les principes de gestion de l'un et de contrôle et surveillance l'autre sont radicalement opposés.
Si l'efficacité d'une procédure d'alerte réside avant tout dans son mécanisme de déclenchement, il est nécessaire que le déroulement le soit également, au risque de faire perdre toute crédibilité à l'institution.
[u:v2iujrok]II – L'efficacité de la procédure d'alerte appréciée dans son déroulement[/u:v2iujrok]
Une fois que le chef d'entreprise a pris conscience de la situation, l'efficacité de la procédure d'alerte s'évaluera à sa capacité à faire changer les comportements (A). Il ne faut pas oublier qu'une procédure d'alerte peut échouer ce qui pose le problème de la coordination entre les procédures (B).
A / La réactivité des organes alertés
En raison de son caractère de précocité, la procédure d'alerte pêche par la difficulté à convaincre tous les organes de l'entreprise de la nécessité de prendre des mesures volontaires (1). Ce faisant, la procédure, de confidentielle dans sa première étape, peut devenir quasiment publique (2).
1) Une procédure progressive
A titre d'illustration, il est intéressant de se baser sur la procédure d'alerte par le commissaire aux comptes dans le cas des sociétés anonymes, décrits à l'art. L.234-1 du Code de commerce.
Cette procédure, étalée sur une période maximale d'un peu moins de 3 mois, comprend 4 phases progressives, dont chacune a un objectif précis et un formalisme un peu lourd.
Dans une première phase, le commissaire aux comptes informe de ses craintes le président seul, par lettre recommandée avec accusée de réception. Ce dernier dispose d'un délai de 15 jours pour répondre dans les mêmes formes. On peut imaginer que le formalisme et les délais raisonnables permettent de garantir au moins l'efficacité de la communication entre les deux organes.
A défaut de réponse ou si elle ne lui convient pas, le commissaire aux comptes dispose alors dans une deuxième phase, d'un pouvoir d'opportunité, lui permettant d'inviter le président, toujours par lettre recommandée avec accusé de réception et sous délai de 8 jours, à convoquer son exécutif. Il adresse une copie de cette lettre au président du tribunal de commerce. Dans cette phase, l'alerte est transmise à l'exécutif de l'entreprise : elle monte progressivement en volume et, selon le bon mot des auteurs, « quelqu'un crie au feu de plus en plus fort » (Pérochon et Bonhomme, précités). Dans le même temps, la procédure perd son caractère de confidentialité par l'entrée en lice d'un magistrat, avec les risques de fuites que cela comporte. Il faut pourtant remarquer, argument ne plaidant pas en faveur de l'efficacité de l'institution, que l'exécutif n'est pas forcément informé, puisqu'il est du seul pouvoir souverain du chef d'entreprise de le convoquer ; s'il refuse de le faire, l'exécutif ne sera pas informé, le commissaire aux comptes ne disposant pas du pouvoir de convoquer lui-même l'instance exécutive. Le Président dispose de 8 jours pour envoyer la convocation qui doit avoir lieu dans les 15 jours, avec invitation du commissaire aux comptes et envoi de la délibération au président du tribunal de commerce et aux représentants des salariés.
Dans une troisième phase, déclenchée par le commissaire en l'absence de convocation de l'exécutif ou de réponse insatisfaisante, le commissaire invite le dirigeant à convoquer, cette fois-ci, son organe souverain ; il remets à cette occasion un rapport spécial au magistrat et aux représentants du personnel, signifiant par là une information complète de tous les acteurs de la situation de l'entreprise. Cette fois-ci, le commissaire aux comptes bénéficie du pouvoir de convocation de l'assemblée générale à défaut de convocation dans les règles par le président, et il peut la convoquer où bon lui semble, à condition de rester dans le même département. Cet accroissement des pouvoirs du commissaire aux compte qui ne possède pas le pouvoir de convoquer l'exécutif mais possède plus tard celui de convoquer l'assemblée souveraine peut être un gage d'efficacité, toujours avec cette idée de compromis entre des pouvoirs exceptionnels et l'augmentation de la gravité de la situation, même si certains auteurs ont pu déplorer l'absence de pouvoir de convocation d'urgence de l'assemblée générale par le commissaire aux comptes («L'amélioration de la prévention et la procédure d'alerte : le rôle du commissaire aux comptes », Pr. J-P Barbièri, Les petites affiches, 14 septembre 1994, n°110 p.40)
Dans une dernière phase, si la réponse de l'assemblée générale est insatisfaisante, le commissaire se déssaisit de la procédure d'alerte au profit du président du tribunal de commerce.
Ainsi, par cette procédure un peu lourde et formaliste, le commissaire s'assure que tous les organes de l'entreprise soient informés de l'évolution de la situation. On ne peut qu'approuver ce souci de transparence à condition que les organes sollicités disposent d'un réel pouvoir de décision et d'indépendance, ce qui n'est pas forcément le cas pour toutes les sociétés anonymes.
2) Une procédure de moins en moins confidentielle
Toute la difficulté pour alerter une entreprise de ses dysfonctionnements, c'est de trouver le bon récepteur, celui qui acceptera l'alerte et réagira rapidement. Mais de nombreux facteurs peuvent concourrir à ce que le message ne soit pas entendu : un chef d'entreprise débordé, l'absence de liens privilégié entre ce dernier et son commissaire aux comptes, incompréhension mutuelle, sentiment que « tout finira par s'arranger »... sans compter les doutes d'un chef d'entreprise dans le cas où il est alerté par les délégués du personnel ! En prenant en considération l'échec de la méthode en interne, l'opportunité de faire intervenir des personnes extérieures trouve bien évidemment tout son sens ; pourtant, ce faisant, la procédure devient de moins en moins confidentielle. Cette perte de confidentialité est particulièrement évidente dans le cadre de la procédure d'alerte appartenant au président du tribunal de commerce qui, après avoir convoqué le chef d'entreprise sous 1 mois par lettre recommandée avec accusé de réception à un entretien confidentiel auquel ne peut pas participer le greffier (qui a toutefois tapé et envoyé le courrier en recommandé !), peut demander toute information qu'il juge utile à un grand nombre de partenaires de l'entreprise, notamment les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance ou les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement (art. L.611-2 I al. 2), ces organismes ne pouvant se retrancher derrière le secret professionnel !
En quoi la confidentialité d'une procédure peut être vitale le chef d'entreprise ? La principale raison, c'est que si la procédure est connue de ses partenaires économiques (fournisseurs, créanciers, clients...), il risque de les voir se détourner de lui ou, à tout le moins, retirer leur confiance dans l'entreprise. Des créanciers qui refusent d'accorder des délais de paiement ou demandent subitement le paiement « au cul du camion », des clients qui se fournissent chez le concurrent par exemple, et c'est toute l'exploitation de l'entreprise qui va s'en ressentir.
Or, dès l'instant où l'alerte monte en puissance, de plus en plus de personnes sont informées, avec les risques de fuite que cela représente, y compris lorsque l'intervenant concerné est un magistrat, dont on sait que le concept de lui « adresser un rapport spécial », signifie plus exactement que c'est le greffe du tribunal qui va ouvrir le courrier.
Toutefois, la perte progressive de confidentialité peut être bénéfique pour la réussite de la procédure d'alerte. Ainsi, face à la pression que les difficultés de l'entreprise risquent d'être connues à l'extérieur, le dirigeant social peut être incité à trouver lui-même les arguments pour convaincre son exécutif de l'urgence de mettre en oeuvre des solutions.
B / La difficile articulation avec une procédure collective ultérieure
Le chef d'entreprise peut ne pas tenir compte du rapport de son commissaire aux comptes, y compris lorsqu'il a été rédigé à l'occasion de l'alerte mise en oeuvre par le comité d'entreprise ou les délégués du personnel. Dès lors, le constat d'échec de la procédure peut s'analyser avant tout par l'absence de réaction du dirigeant. Peut être a-t-il pris conscience des difficultés, mais il peut se les occulter, ne pas juger opportun de mettre en oeuvre des solutions draconiennes.
Or la procédure d'alerte n'est pas une mesure préventive, dans le sens où elle n'aboutit pas à la mise en oeuvre de mesures impactant l'exploitation : au mieux, elle a permis de faire connaître à tous le organes et partenaires la situation, mais aucune solution économique, technique, financière ou autre n'a été décidée. Dans le même temps, l'entreprise peut ne pas être en situation de cessation des paiements, ce qui aurait comme conséquence une action automatique du tribunal de commerce.
Dans ce cas, les seules solutions existantes sont les mesures préventives conventionnelles (mandat ad hoc et conciliation ou règlement amiable pour les agriculteurs) ou judiciaire (plan de sauvegarde). Toutefois, ces procédures ont toutes en commun d'être des mesures volontaires, actionnées à la seule demande du débiteur, c'est-à-dire du chef d'entreprise. En conséquence, on peut se demander à quoi sert réellement une procédure d'alerte dont l'objectif est d'attirer l'attention du chef d'entreprise mais aussi du président du tribunal de commerce, si elle ne peut être suivie d'aucun effet dans la situation où le chef d'entreprise décide de faire la sourde oreille. La seule solution légale consiste à attendre la déclaration de cessation des paiements. A quoi cela peut-il bien servir, dans ces conditions, que la procédure d'alerte soit déclenchée autant en amont ?