La nature de la Vème République selon P. Avril

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x-ray Intervenant

Avant les révisions, je vous offre un résumé d'un article de P. Avril, paru dans les Cahiers français (n°300, 2001) sous le titre "La nature de la Vème République".

Après mon retour au boulot, je ne vous ennuierai plus avec de telles bêtises.

En espérant ne pas avoir trop dénaturé la pensée de l'auteur, que les quelques abréviations soient claires, et que la mise en forme n'aura pas trop souffert du copier-coller

Bon travail à tous



La Ve est un régime singulier au regard des précédents régimes français mais aussi des autres régimes occidentaux.
- Gvt responsable devant AN ==> régime parlementaire ?
- Président élu au SUD ==> régime présidentiel ?

Pour Pompidou, la Ve est un « corniaud », ajoutant que « les corniauds sont souvent plus intelligents que les chiens de race » (Le nœud gordien, Plon, 1974).

1) La logique institutionnelle de la Ve République

Le pb de la classification est « sans limite et sans fond » ==> adoption de la démarche comparative de Philippe Lavaux (Propositions méthodologiques pour la classification des régimes, Droits, n°32, 2000) : il faut dégager des logiques institutionnelles par l’observation
• des cadres historiques de formation
• des caractéristiques de fonctionnement
C’est une dynamique différente de la classification statique, fonction de la répartition des compétences et de la disposition des organes.

Ainsi, en considérant « un pouvoir d’Etat en action » (en référence à G. Burdeau qui voit dans la Ve « la restauration du pouvoir d’Etat – La conception du pouvoir selon la constitution française du 4 octobre 1958, RFSP, mars 1959), l’auteur considère que la Ve est « gouvernementale » puisque :

• Pour la première fois la spécificité de la fonction gouvernementale est proclamée par la Constitution (art. 20 : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation »)
• Cette mission concerne aussi bien l’exécution des lois que la législation (note perso : projet de loi ?)
• Le lieu où s’exerce constitutionnellement la fonction gvt est le Conseil des ministres, c-à-d le Gvt réuni sous la présidence du PdR : c’est là que se détermine la politique de la Nation.

2) Continuité et rupture

Au-delà de l’héritage révisionniste des années 30…

Les rédacteurs de la Constitution ont été inspirés par les révisionnistes des années 30, qui pour remédier au pouvoir d’assemblée préconisaient un renforcement de la séparation des pouvoirs par un retour au dualisme des lois de 1875 en renforçant les pouvoirs de PdR.

De même, influence du discours de Bayeux où De Gaulle affirme que le Gouvernement doit procéder du PdR et non du Parlement ==> Ve = pas d’intervention du Parlt dans la nomination du Premier Ministre, bien qu’il demeure responsable devant l’AN.

…La réaffirmation du peuple comme souverain.

Pour Carré de Malberg (La loi, expression de la volonté générale, Sirey 1931 et Economica 1984), le renforcement de la séparation des pouvoirs est insuffisant.

La faiblesse gvt a pour origine la conception de la souveraineté parlementaire héritée de la Révolution : Le Parlt étant le seul à exprimer la volonté du peuple, il devient lui-même souverain, par rapport au Gvt, mais aussi à la Constitution (la volonté d’aujourd’hui l’emporte sur celle d’hier).

Il faut donc placer au-dessus des deux pouvoirs séparés un pouvoir supérieur, celui du peuple par 2 moyens :
• Recours plus fréquent au SU : dissolution, référendum, élection PdR.
• Assurer la suprématie de la Constitution sur le Parlement en y inscrivant ses compétences (plus de délégation générale) et en contrôlant leur exercice par un organe spécial.
Mise en œuvre de ce programme sous la Ve en deux temps :
• La Constitution assure le point 2 (art 34) et donne pour mission au CC de veiller au respect des compétences (conformité de la loi, mais aussi ctl des règlements des assemblées)
• Election du PdR au SUD à partir de 1962 = contre-poids à la responsabilité du Gvt devant l’AN

P. Avril : « Ainsi se trouvait empiriquement accompli le programme abstraitement formulé par Carré de Malberg qui offre la meilleure grille de lecture de la Ve République en l’inscrivant dans une optique institutionnelle issue de la Révolution ».

3) Analyse fonctionnelle

L’élection du PdR au SUD va provoquer une « transformation radicale » de l’environnement politique, non pas à cause du SUD proprement dit, mais parce que son enjeu est la direction du Gouvernement.

L’élection du PdR au SUD

Avt 62, enjeu politique = conquérir et assurer une place au Parlt pour « influencer » le pouvoir. Désormais, enjeu = Gvt lui-même ==> Le champ politique se réorganise autour du 2nd tour de l’élection PdR ==> « bipolarisation fonctionnelle » droite/gauche.

L’élection populaire du PdR joue un rôle de médiation entre la fonction de PdR telle que définie par De Gaulle et la responsabilité de son Gvt devant l’AN : l’objet de l’élection est la nomination du PM (dirige action Gvt) et celui de l’élection des députés de lui fournir la majorité nécessaire.

De manière inédite en F, c’est bien le but de l’AN que de soutenir le Gvt, soutien dont dépend sa survie : il existe donc une solidarité entre exécutif et législatif étrangère au régime présidentiel.

La cohabitation

Inversement, le rôle joué par PdR dans la formation de la majorité est étranger au régime parlementaire ==> Jean Gicquel (Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrétien) qualifie la Ve de « régime présidentialiste ». Mais pb : la cohabitation suspend le présidentialisme, et elle constitue bien une modalité de fonctionnement (note perso : 9 ans de cohab entre 82 et 2002).

M. Duverger a quant à lui proposé le qualificatif de « semi-présidentiel » (Echec au roi, Albin Michel, 1978) en rapprochant la Ve d’autres régimes européens (Autriche, Portugal, Irelande), où le PdR est élu au SUD. Mais pb : la spécificité des pouvoirs du PdR fçs le rende trop différent des autres, qui, s’ils sont élus au SUD, sont bien les chef d’Etat de régimes parlementaires.

P. Avril : « C’est la fonction effective et non le mode de désignation ou la disposition des organes qui est déterminante pour identifier la logique institutionnelle propre à un régime ».

4) Un régime parlementaire « à correctif présidentiel »

Un Gvt…soutenu par une majorité présidentielle…

La majorité parlementaire est « l’épine dorsale du régime », mais elle se définit par référence au PdR, pour ou contre lui. La cohab préserve les règles de fonctionnement du régime : elle repose sur le ppe d’un gvt soutenu par une majorité fixe, mais encore une fois, majorité définie en référence au PdR : « c’est un élément permanent, un invariant de la Ve qui contribue à définir sa nauture ».

…ou qui a vocation à le devenir.

De même la conquête de l’Elysée devenue l’objectif des leaders de la majorité parlementaire (Note perso : les 3 PM de cohab se sont présentés aux élection PdR). C’est d’ailleurs pourquoi, même en cohab, les PM se sont abstenu d’affaiblir la fonction PdR.

« Le Gvt autour du PdR avec le soutien de la majorité constitue en quelque sirte la norme fondamentale de la Ve république ». La qualification qui rend le mieux compte de la nature de la Ve est donc bien celui de « régime parlementaire à correctif présidentiel » (JC Colliard, Les régimes parlementaires contemporains, FNSP, 1978)

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Nemo auditur propriam turpitudinem allegans

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x-ray Intervenant

C'est étonnant cette analyse qui place le gouvernement (au sens fonctionnel) au coeur de la définition du régime. Ca change une peu du sempiternel débat autour du président.

En résumé, les élections présidentielles ont pour but de contrôler le gouvernement, qui est soutenu dans tous les cas par une majorité parlementaire qui se définit toujours par rapport au Président (pour ou contre). le Gouvernement est donc plus central que ce que l'on en dit bien souvent, selon P. Avril.

L'analyse historique est intéressante elle aussi. Je ne pensais pas de Gaulle tant inspiré par Carré de Malberg.

Qu'en pensez-vous ?

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Nemo auditur propriam turpitudinem allegans