Le régime de l'indivision

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Article publié par Olivier.

D'après l'ouvrage de Ch. Atias, ed Litec


L'indivision est une modalité communautaire de la propriété individuelle. Elle met le bien en commun et réclame une entente entre les propriétaires indivis, chacun étant propriétaire et pleinement propriétaire. Cette qualification peut s'appliquer également à  d'autres droits que la propriété.

Le droit reste intact avec tous ses attributs et ses caractères. Ce qui change, c'est le nombre de sujets de droits : il y a plusieurs propriétaires indivis.

En réalité, la propriété indivise diffère beaucoup du droit original défini par l'article 544 cciv.


L'origine de l'indivision est extrêmement variable : elle peut être d'origine {légale} (lors d'une succession par exemple) ou encore {conventionnelle}.

Toutes les indivisions ne sont pas soumises au même régime juridique mais on retrouve néanmoins une sorte de régime général de l'indivision.

L'unanimité reste le principe de fonctionnement, et nul ne peut être contraint à  demeurer dans l'indivision (art 815 cciv). En effet, l'indivision demeure le concours de plusieurs droits de même nature sur le même objet, sans qu'il y ait division, ni localisation matérielle des parts individuelles.



{{Le régime commun de l'indivision}}

{La nature des droits indivis et le droit au partage}

Chaque propriétaire indivis est titulaire d'une fraction de la propriété. Cette fraction peut être cédée ou hypothéquée. En cas de cession à  titre onéreux, les autres indivisaires bénéficient d'un droit de préemption.

Ensuite, les droits indivis ne portent pas sur une fraction spécifique du bien, mais sur une fraction arithmétique non individualisée appelée quote-part. Cette quote-part n'est pas localisée sur la chose. Ainsi tout propriétaire indivis d'un même bien à  vocation, par là , à  toute la chose et à  tous ses éléments. La propriété n'est donc pas divisée dans son objet ni démembrée dans ses attributs.

Rappelons que cette concurrence sur la chose est précaire puisque tout indivisaire est en droit à  tout moment de demander le partage. C'est d'ailleurs sa principale prérogative. En effet, l'abus de droit est exclu en matière de demande de partage et bien peu d'obstacles durables peuvent s'opposer au partage.


Cette prérogative peut néanmoins être fortement modifiée dans une hypothèse particulière : la clause d'accroissement (encore appelée tontine). Elle est inscrite dans l'acte constitutif de l'indivision et permet de transférer la propriété du tout à  l'indivisaire survivant, et ce de manière rétroactive. Ainsi la propriété ne sera pas déterminée tant que des indivisaires seront vivants, ce qui empêche le partage et empêche l'action des créanciers de l'un des indivisaires sur la bien. Cette clause ne peut porter sur le seul usufruit.


Le droit au partage peut également être limité par une intervention judiciaire. Le juge peut en effet interdire ou retarder le partage demandé par l'un des indivisaires :

- Si les autres sont d'accords pour racheter la part de l'indivisaire qui demande le partage

- Si la réalisation immédiate risque de porter atteinte à  la valeur des biens indivis

- Pour certains biens énumérés par différents textes spéciaux. Ce « sursis à  exécution » ne peut être ordonné pour une durée supérieure à  5 ans et ce pour éviter que les intérêts de certaines personnes ne soient écartées (héritier mineur, conjoint survivant)


La convention d'indivision peut encore limiter le droit au partage mais ne peut interdire à  un indivisaire de demander le partage pour de justes motifs.

Ce droit est également interdit dans certaines copropriétés forcées (parties communes d'un immeuble en copropriété par exemple).


D'un point de vue pratique, suivent certaines clauses qu'il paraît utile de faire apparaître dans un contrat de vente constitutif d'une indivision (en particulier si les indivisaires sont des concubins) :

- Détermination des parts de chacun
- Solidarité entre les indivisaires et indivisibilité de leurs parts envers le cocontractant
- Répartition du prix de vente entre les indivisaires
- Clause d'attribution à  un indivisaire en cas de séparation imposant un partage
- Convention d'indivision



Dans l'avant contrat :
- Indivisibilité entre les futurs indivisaires même en cas de renonciation de l'autre indivisaire.



{{Aménagement des pouvoirs sur les biens indivis}}

Le principe est que les décisions, dans la mesure o๠elles ressortent du droit de propriété, doivent être prises à  l'unanimité des indivisaires (art 815-3 cciv), et ce pour les actes d'administration et de disposition, c'est à  dire tous les actes accomplis sur le bien mais aussi tous les actes dont le bien est l'occasion (bail…).

Tant que l'unanimité n'est pas réunie, l'acte n'est donc pas formé. La question de la sanction d'un acte qui n'a pas été ratifié par tous les indivisaires est donc à  poser.

La réponse la plus simple serait de dire que l'acte est nul. Mais une telle solution mettrait la sécurité juridique en danger. De plus, si cette solution est d'ordre public, il ne s'agit que d'un ordre public de protection qui vise à  sauvegarder les intérêts de chaque indivisaire. Ainsi, la solution retenue est l'inopposabilité de l'acte à  l'indivisaire qui ne l'a pas ratifié. Cette exigence d'unanimité peut également, selon la Cour de Cassation, être invoquée par les tiers, ce qui revient à  mettre en cause la solution précédente…

On peut donc résumer le principe à  un droit de veto accordé à  chaque copropriétaire indivis, ce qui, bien entendu implique comme corollaire évident l'existence d'un droit de regard de chaque propriétaire indivis sur la gestion du bien (art 815-8 cciv)


Des limites existent toutefois à  cette exigence d'unanimité et ce afin de sauvegarder les biens indivis (elles impliquent souvent l'intervention du juge).


Tout d'abord un acte irrégulièrement ratifié par les indivisaires peut être régularisé par les autres s'ils manifestent leur volonté de ratifier l'opération. Pour le reste il faut distinguer trois hypothèses :

- {La nécessité} : art 815-2 : tout indivisaire est investi du pouvoir requis à  l'égard des autres : les actes qu'il accomplira seul seront opposables aux autres. De plus il peut obliger les indivisaires à  faire les dépenses nécessaires s'il ne détient pas de fonds de l'indivision. S'il a dépensé des fonds lui appartenant en propre, il a droit au remboursement des impenses réalisées selon l'équité et eu égard à  ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage.

- {La crise} :
1. Si l'un des indivisaires se trouve hors d'état de manifester sa volonté, le juge peut en habiliter un autre à  le représenter
2. Si le refus d'un des indivisaires met en péril l'intérêt commun, le juge peut lever ce veto et autoriser un autre indivisaire à  agir. L'acte sera accompli et opposable à  tous, mais n'obligera pas l'indivisaire qui s'y est opposé qui n'est pas partie à  l'acte et qui sera donc tiers par rapport à  l'acte accompli. (art 815-5 cciv)
3. Le président du TGI peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun (art 815-6 et -7 cciv)


- {L'entente} : c'est la meilleure solution, et plusieurs possibilités sont offertes :
1. Les indivisaires peuvent valablement charger l'un d'entre eux de les représenter, d'agir à  leur place et en leur nom (art 815-3 cciv). A noter que les pouvoirs du mandataire sont limités à  ce que le mandat énonce…
2. Les indivisaires peuvent également laisser l'un d'entre eux agir en fait. Une présomption de mandat tacite est alors mise en place par l'article 815-3. Si l'un des indivisaires manifeste son opposition on en reviendra au principe. De plus l'étendue de ce mandat ne doit pas être interprétée trop strictement. En effet, une bonne entente entre les indivisaires peut être interprétée comme une renonciation tacite à  l'unanimité.
3. Reste le cas o๠un acte est accompli sans que les autres en aient connaissance. Dans ce cas, l'acte accompli n'aura d'effet à  leur égard que dans la mesure de son utilité a posteriori.



{{Répartition des charges et utilités des biens indivis.}}

Les biens ne doivent pas rester inutilisés.
Pour faciliter la mise en Å“uvre de cette idée, le législateur fait entrer les profits et charges de l'indivis dans le patrimoine de chaque indivisaire (art 815-9 cciv).

La quote-part indivise ne supprime donc pas toute faculté d'usage individuel. Chacun peut user librement de la chose commune à  la condition de ne pas en changer la destination sans le consentement unanime de tous les copropriétaires, et de ne pas causer de troubles à  la possession de chacun d'entre eux.

L'exercice du droit d'usage peut être réglé temporairement par le président du TGI. L'indivisaire qui userait privativement du bien serait astreint à  une indemnité à  l'égard des autres, liée à  la privation de l'usage globalement attaché à  l'indivision. L'article 2277 cciv ne peut être invoqué dans cette hypothèse. L'action en paiement est soumise à  prescription quinquennale

Tous les indivisaires profitent en commun de tout enrichissement et ce par application du mécanisme de l'accession (art 815-10 cciv). Ainsi la valeur indivise augmentera-t-elle d'elle même avec les fruits de la chose.


Les indivisaires n'ont pas à  attendre le partage pour retirer des profits du bien, puisque la part des bénéfices de chaque indivisaire peut être demandée chaque année. Une répartition provisionnelle peut également être ordonnée par le président du TGI en cas de litige, tout comme d'ailleurs une avance sur le capital représenté par les droits de l'indivisaire dans le partage à  intervenir.

L'indivisaire gérant à  droit à  rémunération. Pendant la durée de l'indivision, tout indivisaire qui apporte une plus-value aux biens peut demander qu'il lui en soit tenu compte. Cette plus-value est à  ne pas confondre avec les fruits. Le travail peut être rémunéré dans retard, puisqu'il s'agit d'une indemnité à  titre de gérant. Le juge peut ici intervenir pour outrepasser le veto d'un des indivisaires.

Les frais de gestion sont à  répartir entre tous les indivisaires et les créanciers doivent être protégés. Les charges sont réparties en fonction de la quote-part de chacun des indivisaires. Néanmoins, les indivisaires supportent la charge de la dette sur leurs biens propres. Les impenses nécessaires d'un indivisaire lui sont remboursées, les améliorations le seront selon l'équité eu égard à  ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au jour du partage ou de l'aliénation. Il devra en contrepartie réparer le préjudice causé par un comportement malencontreux, même non fautif.

Les créanciers dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis dont préférés aux indivisaires comme à  leurs créanciers personnels. Ces créanciers ont donc priorité pour se payer sur l'actif net. Si l'actif est insuffisant, une poursuite contre les indivisaires sur les biens propres est possible.


La part indivise ne peut être saisie par le créancier du titulaire. En revanche il peut provoquer le partage par voie oblique et se payer sur la valeur de la propriété divise échue à  son débiteur. Si les autres indivisaires éteignent la dette, le partage sera évité, et le remboursement se fera par prélèvement sur les biens indivis.



{{Régime conventionnel de l'indivision}}

Il est possible aux indivisaires de régler leur situation par convention, qui sera assimilée à  un acte de disposition, établi à  ce titre à  l'unanimité et les engageant à  demeurer dans l'indivision (art 1873-2 cciv)

Cet engagement de rester dans l'indivision ne peut néanmoins être perpétuel. La convention ne peut être établie pour une durée supérieure à  cinq ans et ne peut être renouvelée que par décision unanime expresse. Le partage demeure possible pendant la durée de la convention pour de justes motifs uniquement. Il cesse seulement d'être discrétionnaire.


{{Gérance}}

Un gérant est désigné parmi les indivisaires ou les tiers, et est chargé d'administrer les biens communs et de défendre l'intérêt de tous.
Indivisaire, il peut être révoqué à  l'unanimité des autres. Néanmoins dans ce cas la convention est réputée conclue pour une durée indéterminée.

Etranger à  l'indivision, le gérant peut être révoqué par une décision à  la majorité des indivisaires en nombre et en parts. Une révocation judiciaire pour fautes de gestion est possible à  la demande de la minorité si les intérêts de l'indivision sont en danger.
Les pouvoirs du gérant sont fixés à  l'article 1873-6 cciv, mais peuvent être réduits par les parties.


{{Situation des indivisaires.}}

Elle se rapproche de la situation des associés d'une société.
Tous les indivisaires ont un droit de regard renforcé sur la gestion par rapport au régime commun.

L'unanimité demeure requise pour toutes les décisions qui excèdent les pouvoirs du gérant. L'immeuble ne peut être vendu sans accord unanime.

L'indivision peut fonctionner à  la majorité si une telle situation est prévue par la convention unanime et si aucun des membres n'est incapable. Dans ce cas, seuls les actes les plus graves demeureront soumis à  l'unanimité. Chaque indivisaire peut donc renoncer par avance à  son droit en cas de désaccord avec la majorité sur l'opportunité d'un projet. La notion d'indivision se trouve donc fortement nuancée.

En cas de désaccord des indivisaires avec un de ses projets, le gérant dispose de l'ensemble des mesures judiciaires qui permettent de dénouer les crises dans toutes indivisions.