Article publié par Maître Khalid Khalès.
{{IV- Le secret professionnel de l'avocat}}
Par : Khalid Khalès
Avocat au Barreau de Rabat
Membre du Conseil de l'Ordre
L'être humain de par sa nature est sociable et ne peut vivre par conséquent qu'en société. Et du moment qu'il s'agit d'un membre qui a décidé de vivre au sein d'une société organisée, les aléas de la vie sociale créent des déséquilibres et même des inégalités qui sont à même de menacer et même de porter atteinte à ses droits ou aux droits des autres. Certes, on est rarement un bon avocat de soi-même et c'est de là qu'est né le métier d'avocat. Le rôle de celui-ci est donc de défendre les intérêts de ceux dont les droits sont menacés ou dont les droits ont été piétinés.
Pour mener à bien sa mission, l'avocat a besoin d'entendre les dires de son client ou en d'autres termes la confession de ce dernier. L'avocat doit savoir pour conseiller et défendre. Voilà un client dont la fille vient d'être violée par son beau père et qui vient demander de l'aide à son avocat ; voici un autre pour un cas d'adultère, la troisième dont l'époux lui a transmis le sida, le quatrième dont le comptable de la société a fait une razia et ainsi de suite, les malheurs de la vie ne s'arrêtant jamais. Tous ces clients se confient à l'avocat parce-qu'ils savent que ce dernier ne divulguera pas ce qui lui a été confié. L'avocat devient dépositaire de leurs secrets. Il devient donc responsable tant sur le plan professionnel que sur le plan pénal vis à vis du client et vis à vis de la société. Et c'est à partir de là qu'est née la théorie de l'obligation du secret professionnel d'abord chez les médecins - Hippocrate ( médecin grec 460-370 av J-C ) disait « Admis à l'intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas se qui s'y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés… ; ou encore « Les choses que dans l'exercice, ou même hors de l'exercice de mon art, je pourrais voir ou entendre sur l'existence des hommes et qui ne doivent pas être divulguées au dehors, je les tairais. » - ( 1 ) , puis chez les clercs et chez les avocats.
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1 ) Khalid Khalès « Le secret médical » Gazette des Tribunaux du Maroc n° 97, novembre-décembre 2002, page 96 à 104.
Par la suite le secret a été étendu à d'autres professions : chirurgiens, pharmaciens, sages-femmes, etc…Il faut cependant remarquer que le secret professionnel de l'avocat est un de ceux « qui a le mieux résisté jusqu'à présent, peut être en raison des mentalités traditionnelles du barreau » ( 2 ) par rapport notamment au secret médical qui commence à s'effriter devant le nombre considérable de cas que les médecins ont l'obligation de déclarer ( aux environs de 50 et entre autres : naissance, mort, viol, avortement, peste, choléra, fièvre jaune, lèpre, scarlatine, sida, etc…).
La Charia islamique n'a pas été en reste concernant le secret en général qui a été entouré d'un intérêt certain. Le prophète a dit : « Trois seront toujours des hypocrites même s'ils font le ramadan et la prière et prétendent être des musulmans : celui qui lorsqu'il parle ment, celui qui promet et se rétracte et celui en qui on a placé sa confiance et qui a trahi » (3). Comme il a dit « La discussion entre vous est un dépôt - (amana) -» (4).
Par ailleurs, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948 a affirmé clairement la nécessité du respect de la vie privée dans son article 12 qui dispose que « nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes».
En outre, le code pénal du 26 novembre 1962 dans son article 446 dispose que « les médecins, chirurgiens ou officiers de santé ainsi que les pharmaciens, les sages femmes ou toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonction permanentes ou temporaires, des secrets qu'on leur confie, qui hors le cas o๠la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, ont révélé ces secrets, sont punis de l'emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende de 200 à 1000 dirhams. »
L'article 36 du dahir du 10 septembre 1993 organisant l'exercice de la profession d'avocat dispose quant à lui que « l'avocat, en toute matière, ne doit commettre aucune divulgation contrevenant au secret professionnel »
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2°) J.Hamelin et A. Damien in « Les règles de la profession d'avocat », Dalloz, 9ème éd., 2000, p.310.
3°) D'après Abou Houraira, Voir « Ihyae Ouloum Eddine » de l'Imam Ghazali, Tome 3, page 133, Dar Al Maerifa,
1962.
4°) D'après Abou Daoud et Tirmidi.
La tradition du barreau de Rabat considère le secret professionnel comme un devoir impérieux pour l'avocat et l'impose à ce dernier comme étant de l'essence même de sa profession. Cette tradition a été reprise par l'article 29 du règlement intérieur du Barreau de Rabat qui dispose que « l'avocat est tenu d'une manière absolue au secret professionnel. Il lui est interdit de remettre à autrui les documents qui lui ont été confiés par son client ou de faire une déclaration – quelle qu'elle soit – dans l'intérêt ou contre le client ».
Enfin l'article 12 du dahir du 10 septembre 1993 a fait jurer à l'avocat « d'exercer la défense dans le respect des règles du conseil de l'ordre …et de ne rien dire ou publier qui soit contraire aux lois et aux règlements ».
Le secret professionnel de l'avocat est donc régi par la morale en premier lieu, par la religion, par la déclaration des droits de l'homme à laquelle le Maroc a adhéré, par le Code Pénal ( art.446 ), par les articles 12 et 36 du dahir du 10 septembre 1993 organisant l'exercice de la profession d'avocat, par l'article 29 du Règlement Intérieur du Barreau de Rabat, par la tradition de ce dernier et par l'article 79 du D.O.C.
Le secret professionnel fà»t donc au départ une obligation morale, puis une obligation religieuse avant d'être protégé par la loi pour connaître par la suite tout un débat doctrinal qui divisait deux tendances : la tendance contractuelle ( 5 ) et la tendance de l'ordre public d'Emile Garçon ( 6 ). La première considère que l'obligation au secret professionnel ressort de la relation contractuelle entre l'avocat et son client. Les uns voyaient là un contrat de dépôt ( 7 ); d'autres considéraient qu'il s'agissait d'un contrat de mandat tandis-que les derniers considéraient l'obligation au secret professionnel de l'avocat comme la résultante d'un contrat innomé ( 8 ).
5 ) Piementa Louis, « Le secret professionnel de l'avocat », éd. Pedon, 1937, p.32, Fau « Le secret professionnel de l'avocat », thèse, Toulouse, 1912, p.26 ; Sasserth Simon : « Quelques considérations sur le secret professionnel des magistrats et des avocats »; rapport présenté à l'Union Belge pénal le 15-1-1949, p.31.
6 ) Emile Garçon « Code Pénal français annoté » de 1810, note sous art.378.
7 ) Delmas Marty : « A propos du secret professionnel », D.1982, chro.p.268 ; Piementa L., op.cit. p.32.
8 ) Charmantier A.P., « Le secret professionnel : ses limites et ses abus », 1926, p. 227.
Dans cette étude nous n'allons pas développer les thèses des uns et des autres puisque le devoir professionnel dépasse le cadre des obligations contractuelles. Par contre nous estimons utile de nous arrêter quelque peu sur la notion de l'ordre public soulevée par Emile Garçon. En effet, l'obligation du secret professionnel de l'avocat n'a été établie ni dans l'intérêt de l'avocat en tant que tel, ni même dans l'intérêt de son client mais plutôt dans l'intérêt de l'ordre public. Et si la loi pénale et la loi disciplinaire punissent la violation du secret, c'est parce que l'intérêt général l'exige et non parce que cette violation a causé un préjudice à un particulier.
La violation du secret ne blesse donc pas seulement la personne qui s'est confiée à l'avocat mais la société toute entière car elle enlève à des professions sur lesquelles la société s'appuie, la confiance qui doit les entourer.
En effet, « le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l'avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n'étaient assurées d'un secret inviolable. Il importe donc à l'ordre social que ces confidences nécessaires soient astreints à la discrétion et que le silence leur soit imposé sans conditions ni réserves car personne n'oserait plus s'adresser à eux si l'on pouvait craindre la divulgation du secret confié » (9).
C'est dans cet esprit que le législateur pénal est intervenu car la violation du secret professionnel trouble directement l'ordre public et ne porte atteinte aux intérêts du client que d'une manière indirecte. Et c'est la loi pénale qui protège l'obligation du secret professionnel qu'il y ait ou non préjudice pour le client.
En effet, si la société autorise l'avocat à s'immiscer dans la vie privée du client et à s'introduire dans son intimité afin de mieux cerner son problème et pouvoir mieux défendre ses intérêts, elle lui interdit en contrepartie la divulgation de cette intimité. Et c'est cette interdiction qui donne au client de l'avocat cette confiance et cette assurance de s'ouvrir et de faire des confidences.
9) Emile Garçon, op.cit., art.378, n°7.
Pour paraphraser le professeur Bernard Hoerni sur le secret médical dans le livre « Secrets professionnels » je dirai qu'il n'y a pas de défense sans confidences, pas de confidences sans confiance et pas de confiance sans secret. Le secret professionnel de l'avocat se justifie donc par l'obligation de discrétion et de respect dus au client par l'avocat qui s'immisce dans sa vie la plus intime.
Le secret professionnel n'est pas un privilège de l'avocat mais bel et bien une servitude au service de l'institution judiciaire, de la légalité et de l'Etat de droit en général. Cette servitude repose sur les qualités de l'homme qui sont présumées, sur le serment qu'il a prêté, sur la confiance que lui témoigne l'ordre auquel il appartient et sur la confiance que lui témoigne la société toute entière.
L'obligation du secret professionnel est d'ordre public et ne souffre aucune exception sauf vis à vis du bà¢tonnier ou de la personne qui le représente ( art. 29, al.5 du Règlement intérieur ).
La conséquence de l'ordre public est que la poursuite pénale du parquet n'est nullement subordonnée à la plainte de la victime ou au préjudice subi par cette dernière et qu'il n'appartient à personne d'affranchir l'avocat de son obligation même pas son client.
L'arrêt de la Cour de Cassation française du 11 mai 1844 tranche dans ce sens :
« Attendu que l'avocat a toujours été tenu de garder un secret inviolable sur tout ce qu'il apprend à ce titre ; que cette obligation absolue est d'ordre public et qu'il ne saurait dès lors appartenir à personne d'en affranchir celui qui l'a contractée »(10).
Un arrêt de la Cour d'assises de Lot-et-Garonne du 15 décembre 1887 explique mieux le caractère absolu du secret professionnel : « Attendu que cesser de faire du secret professionnel une obligation absolue pour le convertir en obligation relative, c'est le détruire en ouvrant la porte aux appréciations les plus arbitraires au cas o๠sa violation serait permise parce qu'elle serait utile et opportune » (11).
10) Pandectes françaises - Secret professionnel, n°21.
11) Gazette du Palais, 1888, 1, p.129 .
Le Conseil de l'Ordre de Paris dans une décision du 8 mars 1887 s'est exprimé en ces termes : « L'avocat peut se taire malgré l'autorisation de parler que lui donne son client. Celui-ci n'est donc pas seul juge de son propre intérêt. Son avocat en est l'appréciateur suprême. L'autorisation du client est nécessaire ; elle n'est pas suffisante ». Cette position fà»t consacrée implicitement par la Cour de Cassation française qui, dans un arrêt du 24 mai 1962, disposa que « l'avocat est fondé à refuser son témoignage sur des faits qu'il a connu à raison de son ministère ». Cette règle ne souffre aucune exception, quand bien même l'avocat apprendrait que son client a enfreint la loi, même pénale.
L'obligation du secret professionnel qui touche à l'ordre privé de la personne et à l'ordre public en général peut soulever des difficultés dans ses applications pratiques. Pour pouvoir cerner ces difficultés, il appartient d'abord d'examiner ce qu'est le secret professionnel de l'avocat, son étendue et les personnes qui sont concernées.
Disons d'emblée que le secret professionnel est absolu ( dans son principe ), d'ordre public et couvre tout ce que l'avocat a appris ou surpris dans l'exercice de sa profession. L'obligation du secret ne couvre donc pas seulement les aveux ou les confidences du client mais tout ce que l'avocat a pu connaître à travers des écrits qu'il a lues ( documents divers, correspondances, etc…) , les consultations qu'il a fournies, les appréciations qu'il a formulées et les honoraires qu'il a perçus . « Le fait même de la visite du client peut parfois être un indice et ne doit pas alors être divulgué ».
L'avocat cité comme témoin doit refuser de témoigner sur des faits qu'il a connus au cours de l'exercice de son métier même s'il en est relevé par son client et l'interdiction est absolue que ce soit en matière civile, criminelle, fiscale ou autres. Mais l'avocat qui apprend dans l'exercice de son métier l'imminence d'un acte criminel doit-il le dénoncer aux autorités ou doit-il garder secrètes les confidences de son client ?. C'est la contradiction entre les dispositions de l'article 446 et les articles 209 et 299, du code pénal par exemple ou de l'article 8-218 de la loi sur la lutte contre le terrorisme ( Dahir du 28 mai 2003, B.O n°5112, 29 mai 2003, p. 1755 ). La question est donc délicate et la réponse ne peut être que délicate aussi. Mais certains auteurs estiment que la loi pénale prime la loi professionnelle (13). Mais là encore l'incrimination de la violation du secret professionnel est contenue non seulement dans la loi particulière du barreau mais est sévèrement réprimée par la législation pénale ( art.446 et autres ). Alors que faire ?. Les avis restent partagés et l'évolution des esprits va vers l'obligation de dénoncer sauf évidemment si l'avocat n'a appris le crime qu'après sa commission.
Par ailleurs le secret ne cesse pas à la demande des héritiers du client qui l'avait confié à l'avocat ni par le changement de la profession de ce dernier, ni par sa retraite ni par son décès.
D'une manière générale, l'obligation du secret s'étend à tout ce que l'avocat a entendu, lu ou vu à l'occasion de l'exercice de sa profession. Il n'est nullement nécessaire de chercher si les faits frappés du sceau du secret soient à même de porter préjudice au client de l'avocat s'ils sont divulgués.
La Cour d'appel de Bruxelles a rendu en date du 18 juin 1974 un arrêt fort éloquent là dessus : « L'avocat est rigoureusement tenu de garder secret ce qui lui a été confié. Sous aucune forme, sous aucun prétexte, à aucune époque, il ne peut trahir ce secret. Le secret de l'avocat trouve son fondement dans la nécessité pour ceux qui exercent cette profession de donner les indispensables garanties de confiance, dans l'intérêt général, afin que tous ceux qui s'adressent à eux aient la certitude qu'ils peuvent révéler leurs secrets sans danger qu'ils les divulguent à des tiers » (14).
Le secret professionnel appartient donc au client et quelque soit l'intérêt du ce dernier, il n'est pas loisible à l'avocat de laisser échapper un secret qui ne lui appartient pas. Il a intérêt par conséquent à être amnésique vis à vis d'autrui sur tout ce qu'il a lu, vu ou entendu à l'occasion de l'exercice de son ministère.
Les éléments constitutifs de l'infraction de l'article 446 du code pénal sont au nombre de cinq :
1°) Un fait révélé ;
2°) Le fait révélé doit être un secret ;
3°) La qualité de la personne qui a révélé le secret ;
4°) Le coupable doit avoir reçu le secret dans l'exercice de sa profession
5°) L'intention coupable.
La révélation peut se faire verbalement, par écrit et par n'importe quel moyen de communication : lettres ; notes ; par voie de presse ; par téléphone ; télégraphe ; par internet, etc..
12) R. Brazier, avocat et ex bà¢tonnier, « La tradition du Barreau de Bordeaux », 1910, p.157
13) Rapporté par Damien A. et J.Hamelin, opt. cit, p.342.
14) Pasicrisie, 1975, II, p.42.
Mais il faut souligner que le secret professionnel de l'avocat s'il est absolu dans son principe il le reste relatif dans son étendue à l'opposé du secret de la confession chez les chrétiens qui est absolu par exemple. Il appartient donc à l'avocat – en son à¢me et conscience - de déterminer les confidences qu'il doit exposer au cours de la défense de celles qu'il doit taire. En effet, à l'opposé des confidences que le prêtre doit garder pour lui et ne divulguer sous aucun prétexte, les confidences qui sont faites à l'avocat le sont dans un but précis : comprendre un cas humain et éventuellement les exposer devant un tribunal. Et c'est dans ce sens que l'article 69 de la loi Egyptienne sur la profession d'avocat dispose que « l'avocat a l'obligation de garder secrètes les confidences de son client tant que ce dernier ne lui demande pas de l'exposer pour défendre ses intérêts dans l'action », à l'opposé du texte marocain ( art. 36, D.1993 ) qui ne fait aucune nuance comme s'il confond le secret de l'avocat avec le secret de la confession, ce qui est inexact.
La rédaction de l'article 29 du règlement intérieur du barreau de Rabat est encore plus maladroite puisqu'elle dispose que « L'avocat est débiteur d'une manière absolue du secret professionnel et ne peut remettre à autrui les documents déposés entre ses mains par son mandataire. Il ne peut témoigner ni au profit ni contre ce dernier. L'obligation au secret professionnel pour l'avocat est générale et absolue dans toutes ses activités professionnelles sans distinction et sans exception ». La rédaction de l'aliéna 4 du même article est encore plus vague puisque cet article prévoir que l'avocat qui est invité à témoigner dans une action civile ou pénale a l'obligation d'aviser le bà¢tonnier ». Soulignons que le cas peut se comprendre s'il s'agit d'un témoignage qui ne concerne ni le client de l'avocat ni l'adversaire de ce dernier et dans une affaire qui n'est pas entre les mains de l'avocat. Mais dès qu'il s'agit de témoigner dans une affaire qui est entre les mains de l'avocat, que ce soit au profit ou contre le mandataire, la jurisprudence et la doctrine sont unanimes pour dire que l'avocat n'a pas la possibilité de dévoiler les confidences du client alors même qu'il s'agit de dévoiler la vérité (15).
L'article 31 du code tunisien sur la profession d'avocat dispose « qu'il n'est pas permis à l'avocat de témoigner dans un conflit dont il est mandataire ou dans lequel il a été consultant ». Il en serait autrement s'il s'agit de témoigner non en tant qu'avocat mais en tant que simple témoin dans une affaire dont il n'est pas le défenseur. Mais dans ce cas, il a l'obligation d'aviser le bà¢tonnier.
15) Mohammed Abdeddaher Hanine, « La responsabilité civile de l'avocat », Dar Annahda Al Arabia, 1993, p.144.
La conséquence de l'obligation du secret professionnel est l'inviolabilité des lettres et papiers confiés par le client à l'avocat. Dans un arrêt du 12 mars 1886, la Cour de Cassation française a tranché cette question d'une manière qui ne prête nullement à équivoque. « Attendu – dit la Cour -, que le principe de la libre défense domine la procédure criminelle ; qu'il commande d'affranchir de toute entrave les communications des accusés avec leurs conseils , qu'il est interdit à ces derniers sous les peines portées par l'article 378 du Code pénal, de révéler les secrets qui leur ont été confiés et qu'ils sont même dispensés d'en déposer comme témoins devant les tribunaux ; qu'il suit de là qu'il n'est point permis de saisir dans leur domicile les papiers et lettres missives qu'ils ont reçus de leurs clients et que, par une conséquence nécessaire, il n'est permis de saisir avant qu'elles leur soient parvenues les lettres qui leur sont envoyées puisqu'elles contiennent la communication qui doit être respectée et portent la confidence qui doit être sacrée » (16).
La jurisprudence n'a jamais admis les écarts quant à l'obligation du secret professionnel. Le fait par un avocat d'avoir révélé publiquement des écrits couverts par le secret médical, constitue une faute disciplinaire. La défense des intérêts qui ont été confiés à cet avocat n'est pas une cause justificative du manquement qui lui est reproché. Le secret médical couvre tous les documents relatifs à l'état de santé d'un individu. Le fait par le tribunal correctionnel de ne pas avoir écarté des débats la pièce litigieuse n'a aucune conséquence sur l'action disciplinaire diligentée contre l'avocat » (17).
La Cour d'Appel d'Angers a, en date du 4 juin 1983, prononcé une sanction disciplinaire contre un avocat en le condamnant à trois mois de suspension de ses fonction parce qu'il avait failli à l'obligation du secret professionnel (18).
Le Barreau de Paris ( commission de déontologie ) a rappelé que les avocats conseils d'entreprises, qui reçoivent de leurs clients à l'occasion de la clôture des comptes sociaux, un courrier les interrogeant sur l'état des procédures en cours et les risques financiers et les invitant à répondre directement au commissaire aux comptes, ne peuvent adresser ces renseignements sans violer le secret professionnel. L'avocat est tenu de les transmettre au client qui assurera lui-même la divulgation appropriée. Il en est de même quant aux informations qui seraient sollicitées dans le cas d'un audit juridique et fiscal de l'entreprise dont les avocats seraient les conseils (19).
16) D., 86, 1, 345.
17) Cassation, 29 mars 1978, Gazette du Palais, 1978, 2, Somm.248.
18) Rapporté par Hamelin et Damien, op.cit. p.313 .
19) Bulletin du Bà¢tonnier, 5 avril 1993, p.99.
Mais l'avocat n'est pas le seul à être tenu au respect du secret professionnel mais tout le personnel qui travaille avec lui : avocats stagiaires, avocats collaborateurs, secrétaires, coursiers, etc.. Et c'est dans cette optique que l'avocat doit s'entourer de personnes dignes de confiance et doit non seulement les encadrer mais aussi les contrôler. S'il est difficile d'engager la responsabilité pénale de l'avocat en cas de divulgation d'un secret par son personnel, sa responsabilité civile peut toujours être engagée sur la base de la théorie de la responsabilité de l'employeur vis à vis de ses préposés. D'un autre côté, la Cour suprême a dans un arrêt rendu le 6/2/1982 estimé que « la violation du secret professionnel n'est punie que s'il est prouvé qu'elle a eu lieu » et « il n'est nullement suffisant de parler d'une éventuelle violation pour priver une personne ( atteinte de cécité ) d'exercer une profession pour laquelle elle est apte juridiquement » (20).
Une autre question a été posée et à juste titre par Yves April (21) : L'avocat qui est attaqué en responsabilité civile par son client a-t-il le droit de se défendre en produisant des documents normalement protégés par le secret ?. Je m'explique : un client qui se plaint des manquements de son avocat produit souvent comme preuve le double d'une lettre adressée à son conseil ou l'original d'une lettre qu'il a reçu de son avocat. Cela a toujours été admis par la jurisprudence puisque le secret appartient au client qui a tout le loisir de le divulguer ou de le garder. Les droits de la défense autorisent-ils l'avocat à produire des documents secrets pour sa défense ?. La réponse doit être positive mais avec des nuances : limiter les divulgations à de strictes nécessités de la défense pour ne pas gêner le demandeur. April appuie sa thèse analogique sur une jurisprudence concernant la responsabilité médicale pour dire que « Le demandeur à l'action en responsabilité doit considérer qu'en introduisant l'action, il prend le risque de voir divulguer certains détails de sa défense, normalement couverts par le secret professionnel », mais encore faut-il noter que la divulgation de l'avocat ne doit être effectuée qu'à défaut d'autre solution».
20) Les arrêts de la Cour suprême, civil 1966-1982, p.679 ou Jurisprudence de la Cour suprême, n°27, p.3 – voir également« Khalid Khalès « L'accès à la profession d'avocat et le stage » in La Gazette du Palais, n° 6, 2003, p.11 à 25.
21) Yves April, « La responsabilité de l'avocat », Dalloz 1981, n°137.
Mais April aurait pu s'appuyer sur une disposition du code pénal sur les faits justificatifs qui suppriment l'infraction. L'article 124 du code pénal dispose en effet « qu'il n'y a ni crime, ni délit, ni contravention : 3°) lorsque l'infraction était commandée par la nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui ou d'un bien appartenant à soi-même ou à autrui, pourvu que la défense soit proportionnée à la gravité de l'agression ».
Par ailleurs, je ne m'attarderais pas sur la perquisition chez l'avocat ( art.59 al.4 et art.103 du nouveau code de procédure pénal ) ni sur les écoutes téléphoniques ou autres ( art.108 et s.) car ces thèmes peuvent être traités à part du moment que ce n'est pas l'avocat qui risque d'être à l'origine de la violation du secret professionnel. Je ne m'attarderais pas non plus sur le secret des correspondances entre avocats puisqu'il toujours été considéré comme distinct du secret professionnel puisque le client révèle à son avocat ce qui peut être l'objet d'une transaction avec le défenseur de la partie adverse. La tradition du barreau a toujours considéré que la correspondance entre avocats a un caractère secret sauf s'il est mentionné expressément qu'elle n'est pas secrète. Cette tradition a été reprise par l'article 30 du règlement Intérieur. L'al.3 du même article dispose également que « la correspondance perd dans tous les cas son caractère secret dès qu'il y a accord définitif entre les parties » (22).
A contrario, la correspondance qui constitue de simples pourparlers doit rester confidentielle et être rejetée (23).
D'autre part, certains auteurs traitent le secret professionnel avec le secret de l'instruction (24).
La confusion vient du législateur lui même qui réunit dans le même article ( art. 36 du dahir de 1993 ) le secret professionnel de l'avocat ( al.1 ) avec le secret de l'instruction ( al.2 ) de l'article 15 de l'ancien et du nouveau code de procédure pénale. Certes, le secret de l'instruction pose des problèmes pertinents. Néanmoins, nous pensons qu'il mérite une étude à part et plus approfondie. Nous espérons que le législateur saura faire la différence dans le projet de réforme de la loi en gestation sur la profession d'avocat.
22) Voir dans ce sens un arrêt de la Cour d'appel de rabat du 13 juillet 1943, G.T.M n°1032, 1949, p.155.
23) Dijon, 10/2/1972, J.C.P, 1972.II.17256, note Lemoine ; rapporté par Damien, op. cit.
p.329.
24) Hamzaoui Moha, « La responsabilité de l'avocat dans la législation marocaine », Librairie Idéales Maroc, 1994, p. 99.
Une autre question se pose avec acuité est celle de savoir si l'Administration fiscale peut procéder à une vérification au sein même du cabinet de l'avocat. Cette question a été soulevée dernièrement à l'occasion d'un avis dit de vérification reçu ( le mois de janvier 2003 ) par certains avocats du Barreau de Rabat. Cet avis informait les intéressés qu'untel se présentera à leur cabinet à partir du 16ème jour suivant la date de réception de l'avis, à 9 heures et ce en vue de procéder à la vérification des déclarations fiscales concernant les exercices non prescrits. L'avis demandait aux avocats concernés de mettre à la disposition du vérificateur, à la date et heure fixées, les documents comptables relatifs à ladite période, notamment les journaux légaux, les pièces justificatives des charges et des produits et tous autres documents dont la teneur est rendue obligatoire par les textes législatifs et réglementaires en vigueur (25).
C'est la première fois dans l'histoire de la profession d'avocat au Maroc que l'administration fiscale tente de percer les secrets des avocats au sein même de leur Cabinet. Il arrivait et il arrive toujours, en France ou ailleurs, que des fonctionnaires du fisc écrivent à des avocats ou à des experts-comptables leur demandant des renseignements relatifs à leurs clients. Le devoir de ces professionnels est évidemment de refuser purement et simplement toute information. Dans ce cas, le fisc n'insiste d'ailleurs jamais (26).
Pire encore, il arrive que le fisc s'adresse, non pas à l'avocat, mais au client de celui-ci pour lui réclamer une copie des correspondances échangées avec son avocat ou son expert comptable. Le fisc feint d'oublier la jurisprudence constante qui admet en effet que la correspondance échangée entre un avocat et son client bénéficie toujours du secret professionnel, qu'elle ne peut être invoquée par quiconque, même en justice, et qu'elle ne peut être saisie ni chez l'avocat, ni chez son client, ni même chez un tiers ; lorsqu'elle est saisie, par inadvertance, lors d'une perquisition, elle doit être restituée. Le même raisonnement s'applique à la correspondance de l'expert-comptable, investi du même secret professionnel.
Lorsque le contribuable est confronté à une demande de correspondances ou de notes échangées avec son avocat, il doit fermement refuser d'y satisfaire en invoquant l'illégalité de l'attitude du fisc.
25) Plusieurs avocats du barreau de Rabat ont adressé des correspondances au bà¢tonnier et aux membres du Conseil de l'Ordre demandant des explications sur la possibilité ou non de permettre aux vérificateurs de l'administration fiscale de compulser leurs livres comptables, leurs registres et les dossiers de la clientèle.
26) Lettre d'information juridique, juin 1996, Idefisc.
Pire est le ballon d'essai de l'administration fiscale à vouloir fouiner dans la paperasse du cabinet de l'avocat par le biais d'un vérificateur qui peut séjourner chez l'avocat jusqu'à six mois selon les termes de la loi de finances pour les années 1996-97. Le fait d'acquiescer à la demande du fisc constituera sans conteste le délit de l'article 446 du Code Pénal sur la violation du secret professionnel et constituera par la même occasion une faute professionnelle sur la base des article 36 et 12 du dahir du 10 septembre 1993 sur l'organisation de la profession d'avocat et 29 du Règlement Intérieur du Barreau de Rabat. L'avocat qui n'est même pas autorisé à dévoiler la visite d'untel à son cabinet ne peut sà»rement pas dévoiler ce que cet untel lui a remis ni à quelle époque. L'avocat est en droit d'opposer le secret professionnel à tous, tant aux magistrats qu'à la Police et aux différentes administrations, y compris l'administration fiscale. Le secret professionnel couvre tous les aspects de la relation entre un client et son avocat. Il s'agit là d'un principe absolu qui ne souffre d'aucune exception quand bien même le client de l'avocat voudrait l'en affranchir ; il appartient à l'avocat de juger de l'opportunité de dévoiler ou non un secret. Le secret n'appartenant pas à l'avocat, il ne saurait en disposer sans commettre une faute professionnelle et un délit correctionnel.
Le séjour d'un agent du fisc au cabinet d'un avocat constitue la pire insulte à l'obligation du secret professionnel et à l'avocat en général. Le titulaire de ce cabinet a intérêt à changer de métier avant la fin de la vérification, car plus aucun client ne se sentirait en sécurité chez lui ni avec lui. Le client de l'avocat lorsqu'il lui confie ses secrets, ses documents c'est parce-qu'il a l'intime conviction que ce cabinet est inviolable. Si cette certitude disparaît et si cette conviction est ébranlée, ce sera la fin de la profession d'avocat avec tout ce que cela comporte comme conséquences sur l'institution judiciaire du pays dont l'image n'est pas très reluisante.
Et c'est dans cet esprit que le Conseil de l'ordre des avocats de Rabat a –et sur la base de cette étude – ( 27 ) demandé au bà¢tonnier d'adresser une correspondance à tous les avocats visés par les demandes de vérification leur enjoignant de ne pas permettre aux agents du fisc de consulter les dossiers ou les documents des cabinets et d'adresser par la même occasion une correspondance au ministre des Finances et au directeur des impôts leur expliquant la gravité et l'illégalité de la demande de vérification et le refus du barreau de Rabat de permettre une telle démarche du fisc avec les avocats.
La position du conseil s'est basé non seulement sur les dispositions législatives et réglementaires déjà mentionnées mais aussi sur l'article 56 du dahir du 10 septembre 1993 sur l'organisation de la profession d'avocat qui dispose que c'est le bà¢tonnier ( ou la juridiction compétente -article 57- ) qui procède personnellement ou par un membre du conseil de l'ordre qu'il délègue à cet effet, à la vérification de la comptabilité des avocats et au contrôle de l'état des dépôts qui leurs sont confiés. Bien plus, même le procureur général ne peut consulter la comptabilité de l'avocat que par le biais du bà¢tonnier ( art.57, al 2 et 3 ).
Attendu d'autre part que la loi organisant la profession d'avocat est une loi spéciale et par conséquent prime la loi sur les impôts qui est une loi générale, l'avocat est tenu de se conformer aux dispositions des articles 56 et 57 du dahir du 10 septembre 1993 et de ne permettre la consultation de ses livres comptables et les exemplaires de ses quittances qu'au bà¢tonnier ou au membre du conseil désigné par lui ou à la juridiction compétente lorsqu'elle statue sur toute contestation concernant les honoraires et les frais ou en cas de poursuite disciplinaire ( 2 et 3 ) (28).
C'est dans ce sens que le tribunal de première instance de Souk El Arbaa a en date du 4 septembre 1989 rendu un jugement annulant l'avis d'imposition émis contre un avocat pour violation entre autres des article 61 et 62 de la loi du Barreau de 1979 ( actuellement articles 56 et 57 du dahir de 1993 ) (29).
. Le tribunal de première instance de Kénitra a également rendu en date du 10/10/1989 un jugement annulant l'imposition en faveur d'un avocat disposant que la loi du Barreau permet à l'avocat de ne donner sa comptabilité qu'à Monsieur le bà¢tonnier et au Premier Président de la Cour d'Appel sur la base de l'article 61 - dahir 1979 - et des dispositions du Règlement Intérieur de l'ordre (30).
27) En date du 10/2/2003 le conseil de l'ordre du barreau de Rabat a adopté le contenu de cette étude et a décidé ce qui suit :
• Interdiction formelle aux avocats objet des demandes de vérification de permettre aux agents du fisc de consulter les dossiers et les documents du cabinet.
• Adresser des correspondances au ministère des finances et à la direction des impôts leur expliquant la gravité et l'illégalité de la vérification ( voir lettre circulaire du bà¢tonnier de Rabat n° 10/2003 datée du 17/2/2003 ).
N.B : En date du 15/2/2003, la question a été débattue au cours de la réunion de l'Association des Barreaux du Maroc.
28) Khalid Khalès « Les honoraires de l'avocat », G.T.M n°96, 2002, p. 85 à 105 ou Gazette du Palais n° 5, 2003, p. 11 et s. .
29) Al Ichaa, n° 2, 1989, p. 130– voir aussi jugement du même tribunal rendu en date du 6 février 1989, Majallat Annadwa, n°7, p. 49 avec le commentaire du bà¢tonnier Mustapha Raissouni, p 55 ou Gazette des tribunaux du Maroc, n°58, p.99.
30) Al Ichaa, n° 2, 1989, p.127.
Ceci ne veut nullement dire que l'avocat doit tirer profit de ces textes et de cette jurisprudence pour échapper au fisc. En effet, c'est grà¢ce à la fiscalité que le service public existe et les avocats doivent à l'instar des autres citoyens contribuer aux charges publiques de la société.
Certains auteurs ont un point de vue différent et estiment que la comptabilité de l'avocat peut faire l'objet d'une vérification à l'instar de ce qui se passe en France (…31…. ). Mais ces auteurs oublient que le législateur français est intervenu en 1991 pour permettre une telle vérification (31).
Le législateur marocain est donc appelé à se pencher sur cette question afin de protéger l'avocat contre la levée du secret professionnel en cas de vérification fiscale. Des précautions seront évidemment à prendre dans ce cas tel la non mention du nom du client par exemple sur les livres comptables à vérifier. Mais une solution intermédiaire pour concilier entre l'obligation du secret professionnel et celle de la lutte contre l'évasion fiscale peut être envisagée. C'est l'idée du prélèvement de l'impôt à la source. Cette retenue à la source constitue une modalité de recouvrement de l'impôt et consiste en principe à faire prélever par un tiers payeur au fil des revenus qu'il verse à la personne concernée, l'impôt du au titre de ces mêmes revenus. Contrairement à ce qui se pratique aujourd'hui pour les avocats, la retenue se fera sur les revenus de l'année en cours et non sur ceux de l'année écoulée. Mais si ce mécanisme s'applique aisément aux salariés et aux retraités, sa mise en Å“uvre pour les avocats ne sera pas aussi simple. Il entraînera des problèmes techniques certes, mais des problèmes qui ont été surmontés par certains pays. La proposition si elle est retenue mérite des études sérieuses et approfondies par les fiscalistes. C'est l'un des buts de cette recherche : ouvrir un débat sur la question.
31) ………………………….
32) Article 234 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat en France.
la loi 28/08 ne reflète pas la réalité de la pratique de la profession des avocats au Maroc.
et ne repend pas aux attente des jeunes avocats.
elle faite contre cette catégorie .
je cite particulièrement la né cécité de 15 ans pour êtres agréer à la coure de cassation.au lieu de 10 ans.
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Maître NKAIRA
Avocat
au barreau de casablanca