Post : les droits extrapatrimoniaux, la grande aberration

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Rebonjour.
Mon post d'aujourd'hui concerne la grande aberration des droits extrapatrimoniaux.
niveau : L3 Droit, Perpignan - Cour de droit des biens.

Les droits extrapatrimoniaux sont cités essentiellement par opposition au patrimoine, considéré, selon Aubry et Rau (d'après le concept développé par Zacchariae) comme le contenant des droits et biens appréciables pécuniairement d'une personne, qui ne peut toutefois se réduire à la somme des biens étant donné que le patrimoine est intimement lié à la personnalité de son titulaire (ce qui, par conséquence, signifie que le patrimoine existe toujours, même s'il est vide).
Par opposition, donc, sont cités les droit extrapatrimoniaux, expression dans laquelle il me semble que le terme de "droit" est pris dans le sens où il s'oppose aux droits réels (propriété et ses démembrements, sûretés) et aux droits personnels (obligation de donner, de faire ou de s'abstenir) et non pas dans le sens que l'on peut le découvrir en droit des libertés publiques et droits fondamentaux.

Les droits extrapatrimoniaux sont généralement définis comme n'étant pas appréciables en argent. Leurs 3 caractéristiques principales sont : leur incessibilité (=je ne peux pas les aliéner), leur insaisissabilité (=on ne peut pas me les prendre) et leur imprescriptibilité (=je ne peux pas m'en débarasser)
Quelques exemples de ces droit : interdiction des manipulations sur le corps, droit à l'image, respect de la vie privée, droit de garde des enfants, droit au mariage...

Il me semble qu'il y a une grande fumisterie autour de ce concept :
- comment oser dire que des droits extrapatrimoniaux comme le droit à l'image ou le respect de la vie privée ne sont pas appréciables en argent, alors que c'est, justement, le fonds de commerce des personnalitées ?
- comment oser dire que le droit au mariage est insaisissable alors, justement, qu'il n'existe plus lorsque la personne est déjà mariée ? Pourquoi une personne mariée pourrait perdre ce droit (à contracter un nouveau mariage), alors qu'il est présumé insaisissable ?
- La même réflexion concernant le droit d'entretien des enfants, alors que l'écrasante majorité des hommes qui se battent en justice pour obtenir la garde de leurs enfants ou au moins la garde alternée équilibrée, PERDENT ?
- la loi prohibe les cessions d'organe à titre payant (seul les dons à titre gratuit sont autorisés), sur des motifs philosophiques que je comprend et approuve. En revanche, si le don d'organe est possible, celà revient à nier qu'il est un élément des droit extrapatrimoniaux d'une personne qui sont censés être incessibles !
- Enfin, concernant le droit du mariage : puisqu'on ne peut être marié qu'une seule fois, pourquoi ce droit ne pourrait-il pas être dans le domaine du commerce et donner lieu à des transactions, ce qui permettrait à quelqu'un ne pouvant se marier une seconde fois, de le faire grâce au droit de se marier que détient une autre personne ?

Bonne nuit à tous.

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Euh, est-ce que ce ne serait pas plutôt que vous avez une notion un peu restrictive de "incessibilité", "insaisissabilité" et "imprescriptibilité" ?
"incessibilité" : c'est le droit qui est incessible, ce qui signifie que vous ne pouvez pas céder à quelqu'un d'autre le choix de l'exercice ou pas de ce droit.
"insaisissabilité" : c'est le droit qui est insaisissable, ce qui signifie que personne d'autre ne peut vous forcer à abandonner le choix de l'exercice ou pas de ce droit.
"imprescriptibilité" : tant que vous remplissez les conditions de l'exercice de ce droit, personne d'autre que vous ne peut le prescrire, l'exercer ou y renoncer.

Citation de Enzo 66 :


Quelques exemples de ces droit : interdiction des manipulations sur le corps

Ah bon ? Et quand vous vous faites opérer ?
Interdiction oui, sauf si vous y consentez, il est là, votre droit.


Citation de Enzo 66 :


- comment oser dire que des droits extrapatrimoniaux comme le droit à l'image ou le respect de la vie privée ne sont pas appréciables en argent, alors que c'est, justement, le fonds de commerce des personnalitées ?

Quel rapport ? Il s'agit, justement, de chiffrer un préjudice subi par un non respect de ce droit. Il ne s'agit pas ici de chiffrer une évaluation proprement dite de ce droit.
Il en serait de même si un chirurgien vous avait amputé d'un membre sans votre accord, sans nécessité médicale et uniquement dans un but mercantile. Ce n'est pas le coût du membre proprement dit qu'on chercherait à évaluer mais le préjudice subi par le non respect de votre droit.
Les pensions d'invalidité ne sont pas basées sur "le prix du membre" mais sur l'évaluation du préjudice (même si c'est le raccourci du langage du courant : un oeil, ça vaut tant de % ; une jambe, ça vaut X euros mensuels")

Citation de Enzo 66 :


- comment oser dire que le droit au mariage est insaisissable alors, justement, qu'il n'existe plus lorsque la personne est déjà mariée ? Pourquoi une personne mariée pourrait perdre ce droit (à contracter un nouveau mariage), alors qu'il est présumé insaisissable ?

Seulement voilà, ce droit ne concerne que les célibataires. Or, personne ne vous force à abandonner votre statut de célibataire. Si vous l'abandonnez volontairement, c'est vous qui le décidez et c'est donc vous qui décidez seul de perdre ce droit de vous marier, puisque c'est déjà fait.

Citation de Enzo 66 :


- La même réflexion concernant le droit d'entretien des enfants, alors que l'écrasante majorité des hommes qui se battent en justice pour obtenir la garde de leurs enfants ou au moins la garde alternée équilibrée, PERDENT ?

Euh... ils ne perdent pas le droit d'entretien (qui est, d'ailleurs, plutôt une obligation), mais le droit de garde, ce qui n'est pas du tout pareil. Lequel droit de garde n'est pas du tout "incessible", "insaisissable" et "imprescriptible". C'est bien pour ça qu'on demande aux pères qui n'ont pas obtenu le droit de garde de verser quand même une pension alimentaire. L'entretien des enfants n'est pas un droit, c'est un devoir.

Citation de Enzo 66 :


- la loi prohibe les cessions d'organe à titre payant (seul les dons à titre gratuit sont autorisés), sur des motifs philosophiques que je comprend et approuve. En revanche, si le don d'organe est possible, celà revient à nier qu'il est un élément des droit extrapatrimoniaux d'une personne qui sont censés être incessibles !

Ce n'est pas l'organe qui est incessible, c'est le droit qui est incessible, c'est-à-dire que personne d'autre que vous ne peut prendre la décision à votre place, donc sans votre accord. Et ce n'est pas la cession qui est interdite, mais la cession à titre onéreux.

Citation de Enzo 66 :


- Enfin, concernant le droit du mariage : puisqu'on ne peut être marié qu'une seule fois, pourquoi ce droit ne pourrait-il pas être dans le domaine du commerce et donner lieu à des transactions, ce qui permettrait à quelqu'un ne pouvant se marier une seconde fois, de le faire grâce au droit de se marier que détient une autre personne ?

Justement parce qu'il est inaliénable, insaisissable et imprescriptible.
Si vous voulez retrouver le droit de vous marier, il suffit de divorcer et vous retrouvez automatiquement ce droit "incessible", "insaisissable" et "imprescriptible".



Donc, c'est à mon humble avis, que vous n'avez pas bien "saisi" ces notions (plus complexes qu'il n'y paraît).

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Hors Concours

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Ouaouh : 1800 messages !
Tu passes tes journées sur ce forum !
Tout d'abord, merci pour ta réponse, mille fois merci...
Ensuite, je dois t'avouer que mon post était avant tout dicté par un souci de provocation, j'ai volontairement exagéré une idée de base qui s'avère finalement être bien bancale, et que je pense mieux saisir maintenant, grâce à tes réponses.
J'ai posté sur ce forum quelques plans de devoirs que je me force à travailler, sans obtenir beaucoup de réponses, et, frustré, j'ai essayé une tactique plus agressive.
Ceci dit, je dois avouer que tu as touché juste, parce qu'effectivement, malgré les heures passées sur ce sujet, il s'avère que je n'avais pas bien compris. A vrai dire, les droits extrapatrimoniaux, je trouve çà un peu limite dans un cours de droit des biens.
Le terme de droits extrapatrimoniaux est surtout un raccourci de language, on devrait plutôt parler de droits sur le non respect de droits d'autrui, n'est-ce pas ?
Je lis de ci de là que l'on assiste à une patrimonialisation croissante des droits extrapatrimoniaux, et l'exemple le plus répandu semble être celui du nom patronymique, avec l'exemple de Bordas (Cass., 12 mars 1985) ou encore de Ducasse (Cass., 6 mai 2003, ADD). Qu'est-ce qui est, dans ce cas, du domaine extrapatrimonial : mon nom patronymique ou le droit que j'ai sur ce nom ? et si c'est la seconde solution qui est la bonne, comment se traduisent les caractères d'incessibilité, d'insaisissabilité et d'imprescribilité ? Et sur quel base ce droit peut-il être patrimonialisé ?
Salutations.
PS : tu sais comment souligner, dans cette fenêtre de texte ?

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:shock:
pourquoi tant de violences..... la taxinomie juridique ne m'a jamais révolté....

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arrete polly, jveux pas d'histoires aux carambars

Publié par
Camille Intervenant

Bonjour,
Très juste...
D'ailleurs le nom taxinomique de l'être humain, c'est homo sapiens sapiens.
Pas trop sûr qu'on puisse parler de droits extrapatrimoniaux là-dessus...
:))

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