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[u:24iqk5tx]Magistrats et politiques s'insurgent contre la suppression du juge d'instruction[/u:24iqk5tx]
La suppression du juge d'instruction que Nicolas Sarkozy devrait évoquer, mercredi 7 janvier, lors d'un discours pour la rentrée de la Cour de cassation, n'a pas manqué de provoquer une série de réactions négatives au sein de la magistrature et de l'opposition. Selon nos informations, la fonction de juge d'instruction serait supprimée et l'ensemble des enquêtes judiciaires seront confiées au parquet, sous le contrôle d'un magistrat du siège, appelé juge de l'instruction. L'Elysée a confirmé que M. Sarkozy prononcerait un discours devant les juges, mais n'a pas souhaité en préciser le contenu. Le ministère de la justice a également refusé de réagir.
En revanche, les syndicats de magistrats n'ont pas tardé à faire connaître leur colère face à un geste qui mettrait, selon eux, fin à l'indépendance de la justice pénale. "C'est la mort d'un système judiciaire indépendant, puisque le parquet est entre les mains du pouvoir", s'alarme Emmanuelle Perreux, du Syndicat de la magistrature. Pour Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats, il s'agit avant tout "de venger les hommes politiques d'actions positives des juges d'instruction dans les années 1980 et 1990 dans des affaires de corruption". En conséquence, les deux syndicats appellent au boycott de la cérémonie prévue mercredi en présence de M. Sarkozy.
NOUVEL EXEMPLE DES "FOUCADES" DU CHEF DE L'ETAT
La réforme du juge d'instruction est une question évoquée depuis une vingtaine d'années dans le monde judiciaire. La question a été récemment relancée par l'interpellation musclée de l'ancien directeur de Libération, Vittorio de Filippis, et auparavant par l'affaire Outreau. La commission parlementaire d'Outreau, qui avait tenté de tirer les leçons de cette affaire judiciaire, avait prôné l'exact inverse de ce que M. Sarkozy défendera mercredi. "La commission avait repoussé en 2006 la suppression du juge d'instruction au profit d'un juge de l'instruction en se fondant notamment sur des exemples étrangers", rappelle Catherine Giudicelli, présidente de l'Association française des magistrats instructeurs. "On fait fi de tout ce travail. Cette réforme, on la met au panier", a-t-elle déploré.
Le tollé a été général dans le monde politique, avec des réaction plus ou moins scandalisés au sein de l'opposition. Au PS, Jean-Marc Ayrault s'est élevé contre la "tentation totalitaire" vers laquelle "glisse l'Etat Sarkozy", tandis que Benoît Hamon, porte-parole du parti, a promis "beaucoup de vigilance". "Cette réforme s'effectue dans un climat mauvais : celui de la remise en cause de toutes les lois anti-corruption prises dans les années 1990", constate Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts. Pour le Parti communiste, le chef de l'Etat "veut une justice aux ordres de l'exécutif" alors que le vice-président du FN, Wallerand de Saint-Just, a déclaré que "la justice française n'a pas besoin, à l'heure actuelle, de ce genre de 'réforme', elle a besoin de moyens, d'indépendance et de se montrer moins politisée". François Bayrou voit quant à lui dans ce projet un nouvel exemple des "foucades" du chef de l'Etat, qui touchent "à peu près tous les sujets de la société française".
Seules voix discordantes dans cette multitude de réactions, celles de l'ancien juge d'instruction Georges Fenech, membre de la commission Outreau et député UMP, qui a salué un projet qui liquidera un "héritier en ligne directe du lieutenant criminel napoléonien" au profit "d'un juge de l'instruction impartial et indépendant", et de Patrick Devedjian, qui s'est dit favorable à "une idée importante de réforme de la justice". Le ministre de la relance estime en effet que "la transformation" du statut du juge d'instruction permettra de "défendre davantage la présomption d'innocence".
Source :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2 ... _3224.html