Synthèse - virginité et annulation du mariage

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***

{{Exposé sur " l'affaire de la virginité "}} (le style oral a été conservé)



→ Rappel : le mariage obéit à  des conditions de fond et de forme pour être valide ; le défaut de certaines conditions est susceptible d'entraîner la nullité



=> nous allons nous attarder sur les vices du consentement en droit du mariage, plus particulièrement sur l'un d'entre eux, {{l'erreur}}.

article 146 du Code civil : « il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement »

-> consentement = existe
-> consentement = libre
-> consentement = donné par une personne capable
-> consentement = sérieux
Et le consentement ne doit pas être vicié.


Il existe deux vices du consentement en droit du mariage :

-> la {{ {violence} }} : physique (rare, car l'officier d'état civil le verrait) ou morale, venant de tiers ou des parents (180 Cciv, crainte révérentielle à  l'encontre des parents)

-> {{ {l'erreur} }} : erreur d'une gravité suffisante pour invalider le mariage. Comment qualifier cette erreur ?



{{ {Bref historique :} }}

{ {Droit romain} } : existence d'une erreur sur la personne physique ou sur la personne civile ( erreur excluant le consentement )

{{ {Droit canon} }} : admet toutes les erreurs psychologiquement déterminantes, appréciation très large

{{ {Ancien droit} }} : Pothier distingue trois erreurs, erreur sur l'identité physique de la personne, erreur sur l'identité civile, et erreur sur une simple qualité de la personne => seule l'erreur sur l'identité physique permet d'obtenir la nullité du mariage -> la pratique et la jurisprudence ont aménagé ce point de vue en admettant l'erreur sur la personne civile, et parfois l'erreur sur certaines qualités ( serf... )

{{ {Code civil 1804} }} : erreur vice du consentement = cause de nullité du mariage, uniquement l'erreur dans la personne.
De nombreuses discussions doctrinales ont débattu de la notion de personne et certains ont proposé d'étendre la nullité à  l'erreur sur les qualités essentielles de la personne ( Demante, Planiol, Ripert, Aubry et Rau, Josserand... )

- {{avant 1975}} : causes limitées de nullité relative

Entre 1804 et 1862 : Refus de certaines juridictions de prendre en considération les erreurs sur des convictions religieuses, les qualités physiques ou les capacités sexuelles de l'époux, tandis que d'autres juridictions les acceptent. Conception relativement large de l'erreur, théorie psychologique de l'erreur.




{{Arrêt dit Berthon, cass, ch. réunies, 24 avr. 1862}}, DP 1862.1.153, concl. Dupin : nullité du mariage uniquement lorsqu'elle porte{ {{ sur la personne au sens strict ou sur son identité}} }, “ La nullité pour erreur dans la personne reste sans extension possible aux simples erreurs sur des conditions ou des qualités de la personne â€

{{{Années 1940}}} : la tendance de la jurisprudence s'unifie pour admettre ouvertement l'erreur sur les qualités comme une cause de nullité, en matière de passé pénal, de capacités sexuelles... lorsque cette qualité était {objectivement et sociologiquement déterminante du consentement}

- {{loi de 1975}} : assimile l'erreur en droit du mariage à  celle du droit des contrats -> l'accès au divorce était difficile, et le catholicisme le prohibait. { {{Rajout de l'expression “ qualités essentielles “ dans l'article 180 Cciv}} }

La majorité des demandes en nullité est formée par le procureur de la République, 6 affaires sur 10 pour absence de consentement (dont 90% des affaires présentant un mariage blanc, et 10% l'erreur sur les qualités essentielles)
→ en 1995 : 449 mariages annulés, 104 demandes rejetées
→ en 2001 : 967 demandes contre 172 000 demandes de divorce
→ en 2004 : 745 mariages annulés, 265 demandes rejetées

2008 : affaire des mariés de Lille


***


Actuellement, le Code civil renvoie à  deux types d'erreurs :

{Article 180 Cciv, alinéa 2 :

S'il y a eu erreur dans la {{personne}}, ou sur des {{qualités essentielles de la personne}}, l'autre époux peut demander la nullité du mariage.}


N.B. : En droit commun des contrats, l'on admet l'erreur sur les qualités de la personne, autres que les qualités objectives (identité, état civil...) : qualités physiques, qualités intellectuelles, qualités professionnelles, qualités morales... Annulation dès lors que la personne était la principale cause de la convention. Exemple : T. civ. Nantes, 10 juill. 1894, DP 1894. 2. 175, Gaz. Pal. 1894. 2. 176 : dissimulation par une locataire de son passé de femme galante


→ {{L'erreur dans la personne}} : sur l'identité physique (cas des substitutions de personne) ou civile


→ {{L'erreur sur les qualités essentielles du conjoint}}. Celle-ci doit présenter deux caractères, être :

--> {{ {subjectivement déterminante du consentement} }} de l'époux qui s'est trompé : celui-ci ne se serait jamais marié s'il avait connu l'existence du défaut (influence de la croyance en la qualité sur le consentement)

--> {{ {objectivement essentielle au mariage} }} : absence de définition légale de la notion de qualités essentielles, déterminées par la doctrine et la jurisprudence du début du siècle.

Deux théories d'appréciation de l'erreur ont alterné :



Ont ainsi été {{reconnues comme qualités essentielles}}, et entraîné l'annulation du mariage pour leur défaut :





Ont en revanche été {{refusées}} comme qualités essentielles :




=> on remarque que les décisions les plus récentes retiennent l'erreur dans des situations précises :
- le passé du conjoint : casier judiciaire, prostitution, divorce
- son état de santé : physique et mentale, dans la mesure o๠cela empêche le couple d'avoir des relations sexuelles normales ou de fonder une famille – encore que la séropositivité soit considérée par certaines juridictions comme n'empêchant pas d'avoir une vie de couple
- ses intentions matrimoniales

Sont rejetées les attentes envers des qualités morales, l'à¢ge, la fortune, ou encore la sincérité de l'époux.

Se pose la question de la virginité : qualité essentielle ?



{{Chronologie}} :


-> {8 juillet 2006} : un français de confession musulmane épouse en France une française également musulmane. Lors de la nuit de noces, l'épouse avoue qu'elle n'était pas vierge : elle avait caché la vérité par crainte que son fiancé ne l'épouse pas

-> {26 juillet 2006} : assignation en nullité pour erreur sur les qualités essentielles

( manque de diligence des parties, la procédure est relancée )

-> Acquiescement à  la demande de nullité par l'épouse

-> 26 octobre 2007 : le ministère public vise la procédure

-> {{1er avril 2008 : TGI}}

→ 2 juin 2008 : le garde des Sceaux demande au procureur général de la cour d'appel de Douai de faire appel de la décision

-> suspension en référé par la Cour d'appel de Douai le 19 juin 2008

-> {{C. Douai, 17 novembre 2008}}



{{Fiches des décisions et analyses}}


{{Jugement du TGI}} :

Deux époux, de nationalité française et de confession musulmane, se sont mariés le 8 juillet 2006. Apprenant que l'épouse n'était pas vierge, le mari assigne sa femme en annulation de l'union le 26 juillet.
Il présente sa demande devant le TGI de Lille. Les parties n'effectuant pas les diligences requises, l'affaire est radiée du rôle et reprise près d'un an plus tard par l'époux, le 31 octobre 2007. Le tribunal rend sa décision le 1er avril 2008.

Celui-ci demande l'annulation du mariage pour erreur sur les qualités essentielles de l'épouse, sur le fondement de l'article 180 Cciv : il affirme en effet que celle-ci s'était présentée comme chaste et célibataire, et que l'aveu de relations antérieures dissimulées jusque-là  compromet la confiance réciproque essentielle au mariage.

Il s'agissait pour les juges de se demander si la virginité de l'épouse appartient aux qualités essentielles au sens de l'article 180 Cciv et est susceptible d'entraîner la nullité du mariage.

Après avoir vérifié la recevabilité de l'action en nullité relative dans le délai de cinq ans, les juges se prononcent sur le fond : ils affirment l'annulation du mariage, aux motifs que l'erreur sur les qualités essentielles suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l'empire d'une erreur objective, mais aussi qu'elle était déterminante de son consentement ; l'acquiescement de l'épouse à  la demande en nullité démontre que celle-ci avait perçu la virginité comme une qualité essentielle déterminante du consentement.




{ {{à‰léments d'analyse}} }

{Divers points à  soulever : }

Le TGI procède à  une appréciation {in concreto} de l'erreur sur les qualités essentielles, une appréciation restreinte du caractère objectivement essentiel. Les juges rappellent certes la définition d'une erreur sur les qualités essentielles au sens de l'article 180 Cciv :
« il importe de rappeler que l'erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l'empire d'une erreur objective, mais également qu'une telle erreur était déterminante du consentement. »

Mais ils n'appliquent pas le caractère objectif de la qualité essentielle !

« attendu qu'en l'occurrence, Mme H, acquiesçant à  la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à  sa virginité, il s'en déduit que cette qualité avait été bien perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de M. C. au mariage projeté »

C'est le caractère {{contractuel}} du mariage qui s'exprime ici à  plein régime : les juges apprécient le caractère essentiel selon ce que les époux eux-mêmes considéraient comme essentiel, sans étudier si ce critère était déterminant pour la société.

Attention : le tribunal prend en considération non pas l'absence de virginité de l'épouse, mais le mensonge portant sur sa virginité, qualité perçue comme une « qualité essentielle déterminante du consentement » de son mari.

Dans tous les cas, les juges auraient dà» vérifier l'importance subjective de la qualité invoquée, PUIS si celle-ci correspondait à  une qualité objectivement essentielle à  la finalité du mariage-institution.


Problème de la {{preuve}} du défaut de virginité avant le mariage : ici, il y a eu acquiescement de l'épouse, donc aveu. Mais dans les cas de contestation ? Certificat de virginité produit par la femme demandant la nullité ? Valeur ? preuve par le mari du défaut de virginité de la femme ?

trois preuves : défaut de virginité + caractère essentiel + caractère déterminant ( portée, ici la femme a reconnu tout de suite )
« il s'en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement du mari au mariage projeté ».

-> en laissant la liberté d'appréciation aux parties du caractère essentiel et déterminant d'une qualité, le {{juge}} renonce à  contrôler les intérêts des parties ? Ce qui est critiquable au vu de la matière, état des personnes.


La décision aurait pu s'inspirer d'une jurisprudence homogène qui exige que le caractère objectivement essentiel soit vérifié.



{{ {Critiques} }} :

L'annulation fondée sur la non-virginité de l'épouse serait contraire à  l'article 5 du protocole n°7 additionnel du 22 novembre 1984 à  la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit l'égalité entre époux dans toute procédure de dissolution du mariage : « les époux jouissent de l'égalité des droits et de responsabilités de caractère civil entre eux et dans leurs relations avec leurs enfants au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution ».
Si l'on donne à  une convention privée (l'accord sur le fait que la virginité soit une qualité essentielle) la même force qu'à  une loi, on serait en contravention avec la convention.





{{Arrêt de la CA}} :

Deux époux, de nationalité française et de confession musulmane, se sont mariés le 8 juillet 2006. Apprenant que l'épouse n'était pas vierge, le mari assigne sa femme en annulation de l'union le 26 juillet.
Sa demande est accueillie en première instance (décision du 1er avril 2008), les juges concluant à  une erreur sur les qualités essentielles de l'épouse à  la suite de l'acquiescement de celle-ci. Devant la médiatisation de l'affaire, le Garde des Sceaux demande au Procureur général de la CA de Douai d'interjeter appel de la décision ; la CA prononce par ailleurs la suspension en référée. Les époux eux-mêmes forment chacun un appel incident.

Le Procureur réclame l'infirmation du jugement aux motifs que l'appréciation des qualités essentielles de l'article 180 Cciv relève du contrôle de l'ordre public et ne peut être laissée à  la libre disposition des parties, s'agissant d'atteintes aux principes d'égalité de l'homme et de la femme, de libre disposition du corps et de dignité.
L'époux affirme que l'appel est irrecevable, en soulevant que l'acquiescement de l'épouse entraînant renonciation de sa part aux recours, qu'il n'y a eu aucun consentement réciproque et que la qualité essentielle résidait dans la sincérité sur sa vie privée et non dans la virginité.
L'épouse réfute quant à  elle l'affirmation de mensonge et la qualification de qualité essentielle de la virginité, et demande l'annulation de l'union pour défaut de consentement et manquement à  l'obligation de respect.

Les juges devaient s'interroger sur l'auteur de l'appréciation des qualités essentielles du conjoint.

Ils infirment le jugement de première instance : l'appréciation des qualités essentielles relève du contrôle de l'ordre public et ne peut être laissée à  la libre disposition des parties. La demande conjointe en nullité formée par les époux était donc irrecevable en raison de l'indisponibilité ds droits en cause. L'erreur sur la confiance n'était de même pas recevable tant qu'elle ne portait pas sur une qualité essentielle, la vie sentimentale de l'épouse et son mensonge sur sa virginité n'en étant pas une et son absence n'ayant pas d'incidence sur la vie matrimoniale.



{{ {Eléments d'analyse} }} :

Les juges d'appel prennent soin de procéder à  la vérification des critères de la qualité essentielle :
- qualité subjectivement déterminante pour l'époux
- qualité objectivement essentielle au mariage

Rappel de la conception de mariage-institution : le mariage n'est pas la « chose des époux » (Hugues Fulchiron), ceux-ci ne pouvant disposer à  leur guise des règles d'ordre public y afférentes.

Existe-t-il une exigence contractuelle qui serait légalement sanctionnée imposant la virginité pour le mariage ? La virginité peut-elle avoir force de loi ?
-> la virginité serait une condition dictée par les croyances religieuses ou les convictions personnelles et donc légitime
-> l'exigence de virginité est une atteinte à  la dignité des femmes contraire au droit du mariage
-> l'exigence de virginité ne concerne que le couple dans son intimité

Appréciation {in abstracto} de la qualité essentielle rappelée avec force, combinant les critères objectifs et subjectifs, alors que le jugement privilégiait la perception subjective et personnelle.

C'est cette vision qui a été employée dans d'autres affaires, par exemple {{ {CA Rouen, 6 mars 2008} }}, n° 06-03312 :

{« il est de principe qu'une qualité essentielle est une qualité qu'on espère trouver chez un conjoint conformément aux usages et à  l'opinion commune et dont le défaut est de nature à  perturber gravement une vie normale de couple »} (erreur sur l'aptitude ou les qualités sexuelles, le mari n'ayant jamais consommé le mariage et refusant de consulter un médecin).


Le caractère {in abstracto} est apprécié par confrontation à  la conception légale du mariage, créant une communauté de vie normale et finalisée, dans laquelle certaines qualités sont jugées essentielles (santé de l'époux l'empêchant de procréer par exemple).

{« Attendu que M. X... fait grief à  l'arrêt attaqué (Angers, 5 décembre 1994) d'avoir prononcé l'annulation de son mariage avec Mme Y..., célébré le 18 aoà»t 1973, sans rechercher si l'erreur sur une qualité essentielle de la personne aurait été déterminante pour n'importe qui d'autre que Mme Y... et non pas seulement par l'effet d'une disposition d'esprit particulière à  celle-ci, de sorte que la cour d'appel n'aurait pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 180, alinéa 2, du Code civil »}
{ {{Cour de cassation, CHAMBRE CIVILE 1, Audience publique du 02 décembre 1997}} }, N° de pourvoi : 96-10498, Non publié au bulletin


{{ {Cour d'Appel de Rouen 6 mars 2008 N° 06/03312 :} }}

{" II y a notamment erreur sur une qualité essentielle lorsque l'épouxs'est trompe sur l'aptitude de son conjoint à  avoir des relations sexuelles normales ou à  procréer, pour incapacité fonctionnelle du mari de copuler avec sa femme, laquelle est demeurée "virgo intacto ", ou encore, lorsque l'autre époux était dépourvu de la volonté de s'unir effectivement et durablement et d'en assumer les conséquences légales "}

Solution de sécurité : risques d'une appréciation uniquement subjective de l'erreur : trop d'utilisation de la nullité du mariage pour des raisons peu sérieuses (défaut de caractère), et difficultés de preuve, surtout si l'argument de la virginité était soulevé à  l'encontre du mari


{{ {Cass. civ. 1re, 2 décembre 1997} }}, M. L. c/ Mme S. (pourvoi no U 96-10.498, arrêt no 1873 D) :
la décision se ralliait à  une appréciation {in concreto} : annulation du mariage pour dissimulation d'un mariage religieux précédent. La décision de la CA pratique un revirement, reste à  savoir s'il sera poursuivi par la Ccass.



→ appréciation souveraine des faits par les juges du fond



Concernant l'erreur de manière globale :

Jusqu'ici, on avait une correction par une appréciation {in concreto} de l'erreur, issue de la doctrine et du juge – celle-ci joue encore en dehors de la nullité :
-> il y a certes référence par le juge à  Â« la psychologie du demandeur en nullité, telle qu'elle peut être révélée par son passé, sa situation individuelle, ses convictions personnelles », mais de manière modérée et teintée de sociologie -> il y a pas d'analyse strictement individuelle des qualités attendues par le demandeur, mais une comparaison avec les qualités attendues d'un " fiancé moyen " vivant à  la même époque, dans le même pays, et avec un à¢ge, une éducation, des convictions et une confession identiques
-> donc on n'est loin de la lumière de 1110 alinéa 1 Cciv, cause impulsive et déterminante en droit des contrats communs
-> mais prise en compte de l'effet perturbateur de l'erreur invoquée sur l'union : en revanche, les juges semblent rajouter une condition à  la loi : l'absence d'incidence sur la vie matrimoniale de l'absence de la qualité recherchée par l'un des époux.

S'inspire de décisions antérieures qui étudiaient la viabilité du mariage face à  diverses qualités. Cela pourrait également être l'expression du caractère {in abstracto}, c'est-à -dire la finalité du mariage (communauté de vie, devoirs...) justifiant la recherche de catégories d'erreurs finalisées

→ c'est le cas dans d'autres législations : code civil suisse, art. 124, « la nullité peut être demandée par un époux ... lorsqu'il a contracté mariage sous l'empire d'une erreur relative à  des qualités si essentielles du conjoint que leur défaut rend la vie commune insupportable ».


{{ {CA Montpellier, 14 déc. 1992} }}, JCP 1993.IV.2337 : prononce la nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du mari qui ne s'est marié que pour avoir la nationalité française, et est revenu vivre avec sa femme et ses dix enfants, l'erreur résidant dans la faculté du mari à  accepter le mariage dans son ensemble... en fait, nullité pour faute cause ou nullité pour mobiles différents

{{ {CA Paris 7 avril 1995} }}, inédit : refus de l'annulation du mariage alors que le fiancé affirme que l'enfant porté par la fiancée n'est pas le sien ; la cour considère que le mariage était prévu depuis cinq ans, et que la naissance de l'enfant n'avait pas été la cause du mariage


{ {{Tribunal de grande instance d'Agen, CT0256, 4 juillet 2006}} }, n° 05/01839 :

{" En vertu de l'article 180 alinéa 2 du Code civil s'il y a eu erreur sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage. Il n'est ni établi ni allégué que l'appelant ait appris que son épouse était séropositive avant le mariage. L'erreur sur la santé du futur conjoint ne peut être cause de nullité du mariage que lorsque la maladie ruine véritablement le couple. En l'espèce, la séropositivité de l'épouse oblige à  des précautions mais n'interdit pas les relations sexuelles. Il y a donc lieu de rejeter la demande en nullité sans qu'il soit utile de rechercher si la maladie était présente avant le mariage "}


→ seules { {{les qualités dont l'absence empêcherait la poursuite de la vie commune des époux}} } (inaptitude sexuelle par exemple) pourraient dans ce sens entraîner la nullité du mariage pour erreur : on ne tient absolument pas compte des confessions religieuses des époux, même déterminantes pour eux


Mais critiquable : cet ajout restreint le champ d'application de l'article 180 Cciv. Il concerne surtout la vie {future} du couple, alors que les conditions de formation s'apprécient au jour de la conclusion du mariage !

Les époux sont restés mariés et sont contraints de recourir au divorce ! Au nom de la liberté des femmes à  disposer de leur corps notamment. Certains auteurs ont parlé de mariage de force par la Cour d'appel.




{{ {Rapports entre le dol et l'erreur : au lieu d'invoquer le défaut de virginité, peut-on invoquer le mensonge ( dol ) ?} }}

→ ce qu'a fait l'époux

Dol = manoeuvres destinées à  déterminer le consentement en provoquant une erreur de la part de celui qui s'engage

Bien que le dol constitue en droit commun une cause de nullité des actes juridiques, il n'est pas reconnu en droit du mariage - « en mariage, trompe qui peut », disait Loysel. Le dol se fait avant le mariage, dans le but d'attirer l'époux et de le séduire en lui faisant croire à  une apparence : il y a pas d'éléments volontaires dans l'erreur.
Le droit canon reconnaît le dol, voir C. dr. canonique, canon 1098.

Il est néanmoins utile aux juges pour {caractériser} l'erreur, provoquée par des agissements dolosifs : usurpation d'état civil : T. civ. Pont-l'à‰vêque, 22 mai 1906, Gaz. Pal. 1906.2.16 ; mensonge sur la qualité de célibataire, T. civ. Bordeaux, 9 juin 1924, ibid. 1924.2.201 ; T. civ. Seine, 4 avr. 1951, JCP 1953. II. 7408...

Admettre le dol comme vice du consentement en droit du mariage conduirait à  annuler des mariages sur le seul fondement de la tromperie ou du mensonge, alors que ceux-ci n'auraient pas porté sur des qualités essentielles !

→ tromperie sur la fortune, l'à¢ge...

Et à  attribuer au mariage un caractère purement {contractuel}, le mensonge constituant alors une atteinte suffisamment grave pour anéantir rétroactivement le contrat.

D'o๠la CA : le mensonge, serait-il avéré, n'est pas une cause d'annulation du mariage.


Même application :
{{ {Rennes, 11 déc. 2000} }}, Dr. fam. 2001.67 (« en l'état actuel des moeurs, le fait pour P. T... d'avoir entretenu des relations intimes avant son mariage ne révèle pas un défaut de sincérité de ses sentiments vis-à -vis de N. B... ; que l'absence de confidence du futur époux à  cet égard ne peut pas plus être interprétée comme la volonté de tromper N. B... sur ses qualités essentielles... ».)

{{ {Cour de cassation, 13 décembre 2005} }} : rejet de la demande de nullité fondée sur l'erreur sur les qualités substantielles de la personne -> une femme demandait la nullité du mariage après avoir découvert que son époux la trompait avec une femme mariée jusque la veille du mariage. Rejet de la demande, {" si M. X reconnaissait avoir entretenu avant son mariage des relations avec une autre femme, il n'était pas démontré qu'il ait eu l'intention de poursuivre cette liaison après son mariage, en dépit des allégations malveillantes de cette personne sur la persistance de leur relation jusqu'au jour du mariage ; qu'elle a pu en déduire que le fait pour M. X d'avoir caché à  son épouse l'existence de cette relation antérieure ne constituait pas une tromperie sur ses qualités essentielles et a souverainement estimé que les convictions religieuses de Mme Y ne permettaient pas d'établir que celle-ci n'aurait pas contracté mariage si elle avait eu connaissance de cette liaison passée de son mari dans la mesure o๠les aspirations de M. X à  une union durable n'étaient nullement mises à  mal par cette circonstance "} -> Le mensonge du mari, qui avait caché à  son épouse une relation antérieure avec une femme, ne constitue donc pas, nous dit la Cour, une tromperie sur les qualités essentielles du conjoint et ne justifie donc pas l'annulation du mariage, dans la mesure o๠l'union durable n'est pas mise à  mal par cette circonstance



{{Prospectives}} :

Faut-il modifier l'article 180 Cciv pour prévoir une liste limitative des qualités essentielles ? Une définition des qualités essentielles ?

Un critère éventuel (proposé par HUC, t. 2, no 70 et s.) : distinction entre les attributs (propriétés ou manières d'être de la personne qui ne sont susceptibles ni de plus ni de moins) et les qualités secondaires (simples modifications que la personne peut éprouver)

Certains proposent la suppression de l'annulation du mariage.


{{Comparaison avec le divorce :}}

La sanction d'un mariage dans lequel l'épouse n'était pas vierge résidait dans le divorce : {« l'abandon de la femme le lendemain même de la nuit de noces (par le mari déçu de n'être pas le premier) constitue un départ jugé aussi insolite qu'inadmissible et suffisamment injurieux pour recevoir l'épouse dans sa demande en divorce et lui accorder des indemnités réparatrices du préjudice »}, {{ {Riom, 24 mai 1934, DH 1934. 455} }}

Intérêt d'utiliser les nullités à  la place du divorce ?

Nullités : Pas besoin de prouver une faute, pas de délais ; possibilité d'une prestation compensatoire

Divorce : Obligation de prouver une faute dans le divorce pour faute, ou d'attendre deux ans pour constater l'altération définitive du lien conjugal ; prestation compensatoire

L'extension jurisprudentielle du divorce pour faute à  des hypothèses de dissimulations de faits antérieurs au mariage traduit une proximité fréquente divorce / nullité : le divorce prend en considération parfois des faits qui pourraient être cause de nullité, MAIS pour prononcer un divorce pour faute, une erreur ne suffit pas

→ art. 242 c. civ. vise l'intolérabilité de la vie commune et article 238 c. civ. la disparition de la communauté de vie

Référence à  l'intention matrimoniale, écartée aussitôt : « dès lors que chacun d'eux manifestait la volonté de fonder une famille » : peu importe la conception du mariage de chacun des époux, du moment qu'ils veulent fonder une famille, ils ne peuvent invoquer le {mutuus dissensus} sur le fondement de l'article 146 Cciv (absence de consentement).


Au sujet du {{PACS}}, pour comparer : {{ {la cour d'appel de Paris, 9 novembre 2006} }}, a appliqué la théorie des vices du consentement dans le cadre d'un PACS -> l'un des partenaires prétendait que la convention était nulle en raison d'une erreur déterminante sur les mobiles de son partenaire qui ne recherchait que son intérêt financier ; accueil de l'action en nullité pour erreur déterminante sur les mobiles du partenaire, mais rejet de la demande : le demandeur n'apportait aucune démonstration probante et les mobiles intéressés et cupides ne résultent d'aucun élément de preuve admissible. Article 1110 du code civil ( erreur dans le contrat ) ou article 180 du code civil ( erreur dans le mariage ) ?
Sans doute la première solution, le PACS étant pour l'instant contractuel ( ce qui explique que l'erreur sur les mobiles ne soit pas retenue en droit commun des contrats, sauf cause )



{Conclusion} : une décision opportune ? En tout cas qui repose la question des conventions de fidélité ou d'infidélité dans le mariage, et des rapports entre le mariage et l'ordre public