Droit civil : les responsabilités - L2 S2 2008-2009 : Première sesson - second semestre - Commentaire d'arrêt - Durée : 3h
1ère espèce : Cass.civ.1ère- 12 novembre 1975
LA COUR ; - Sur le moyen unique du pourvoi pris en ses trois branches : -Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la dame Loriot, débitante de boissons, a été blessée à l'oeil droit par un éclat de verre provenant d'une bouteille de "quart Ricqlès" qui a explosé, au moment o๠elle le retirait d'une armoire frigorifique ; qu'elle a assigné en paiement de dommages-intérêts la Société Chibel et la Société des Eaux Minérales de Vittel qui avait fabriqué la boisson et l'avait mise en bouteilles ; que la Cour d'appel a déclaré cette dernière société responsable, au motif qu'elle était demeurée "gardienne de la structure"de la bouteille litigieuse, et a mis hors de cause la Société Chibel ; - Attendu qu'il est reproché aux juges du second degré d'avoir ainsi statué, alors que la responsabilité du dommage causé par une chose inanimée est liée à l'usage ainsi qu'au pouvoir de direction et de contrôle caractérisant essentiellement la garde ; qu'à ce titre le propriétaire de la chose incriminée en est responsable sauf s'il est établi qu'il n'avait pas avec l'usage de cette chose le pouvoir corrélatif de la contrôler dans tous ses éléments et de prévenir, par là , le préjudice qu'elle était susceptible de provoquer ; et alors qu'en l'espèce, la Cour d'appel n'aurait pu, sans méconnaître les conséquences de la Société Vittel retenir la responsabilité de celle-ci en tant que fabricant de la boisson Ricqlès, demeuré "gardien de la structure" de la bouteille litigieuse ; qu'en effet il résulteraitait, des énonciations souveraines de l'arrêt attaqué que la victime a été blessée par le fait d'une bouteille "quart Ricqlès" dont elle était propriétaire et dont avec la détention matérielle déjà prolongée elle avait, au moment de l'accident, l'usage pour l'exploitaton de son débit de boissons ; que d'autre part, en se bornant à énoncer que la bouteille remplie dune boisson gazeuse avait un dynamisme propre capable de se manifester dangereusement, l'arrêt attaqué n'aurait pas répondu aux conclusions de la Société Vittel qui soutenait que la bouteille était effectivement sous la garde de dame Loriot, sous-acquéreur, laquelle n'aurait pu prétendre, en faisant intervenir les notions de garde de comportement et de garde de structure, que la Société Vittel en avait conservé la garde, car la notion de garde de structure aurait été inapplicable non seulement en raison des ventes successives dont la bouteille avait été l'objet, mais encore du fait que la boisson Ricqlès, composée d'un mélange faiblement gazéifié de sucre et d'alcool de menthe dont le conditionnement aurait subi des essais vigoureux de pression, n'aurait pas constitué une marchandise présentant un caractère dangereux et dont le comportement devait faire l'objet d'une surveillance particulière ; - Mais attendu que la Cour d'appel qui, dans l'exercice de son pouvoir souverain, a considéré que la bouteille, remplie d'une boisson gazeuse, avait un dynamisme propre, capable de se manifester dangereusement, a pu déduire que la Société des Eaux Minérales de Vittel avait seule le pouvoir de la contrôler et estimer, dès lors, que cette société en avait conservé la garde malgré les ventes successives dont elle avait été l'objet ; qu'ainsi les juges du second degré, qui ont répondu aux conclusions, ont légalement justifié leur décision relativement à la responsabilité de la Société Vittel après avoir relevé que celle-ci n'invoquait aucun fait précis de nature à l'exonérer,ne fà»t-ce que partiellement, de la présomption de la responsabilité pesant sur elle ; Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs :- Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 27 novembre 1973 par la Cour d'appel de Paris.
MM. Bellet, prés., Devisme, rapp., Granjon, av. gén. ; Me Coutard, Le Prado et Nicolas, av.
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