Comm. arrêt DROIT BIENS L3 catégories - biens incorporels

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Bonjour à tous.
Pour les somnambules qui veillent tard et n'ont rien d'autre à faire que lire des sujets de droit, voici une proposition de commentaire d'arrêt : cassation, 1ère civile, 17 novembre 2000, Sigrand c/ Woessner.
C'est dans le cadre du cours de droit des biens du L3 de droit (Perpignan).
Dans le cours, cet arrêt sert à illustrer le fait que les clientèles civiles (et en particulier médicales) sont récemment devenues des biens à caractère patrimonial. Voici ma vision de cet arrêt.
Merci aux somnambules et autres oiseaux de nuit !!!

Commentaire d’arrêt : Cass., 1ère civ., 7 novembre 2000, Sigrand c/ Woessner :

Les faits :
M. Sigrand, chirurgien, a contracté le 15 mai 1991 avec son confrère, M. Woessner, par le biais de la création d’une société civile de moyens. Le contrat stipulait, d’une part la mise à disposition du cabinet appartenant à M. Woessner, d’autre part la cession de la moitié de la clientèle et d’autre part une garantie d’honoraires, consistant en le fait que M. Woessner s’engageait à assurer un chiffre d’affaires annuel minimum à M. Sigrand.
Considérant que M. Woessner n’avait pas rempli ses engagements vis-à-vis de sa clientèle, M. Sigrand a assigné M. Woessner en annulation de la convention. M. Woessner a, de son côté, demandé le paiement des sommes restant dues.

La procédure :
En appel (Cour d’appel de Colmar, 2 avril 1998), le juge a prononcé la nullité de la convention litigieuse, d’une part, comme entravant la liberté de choix de son praticien par le client et, pour une autre part, comme dépourvue de cause. M. Woessner a formé pourvoi en cassation contre cette décision, il est la partie demandeuse au pourvoi : il recherche l’annulation de la décision d’appel, que soit reconnue la validité de la convention et que M. Sigrand soit condamné à lui payer les sommes restant dues. M. Sigrand est le défendeur au pourvoi et recherche le rejet du pourvoi.

Le problème de droit :
Une clientèle civile peut-elle être considérée comme un bien de nature incorporelle ? La cession d’une clientèle médicale est elle licite ?

Les arguments des parties :
L’argumentaire de M. Woessner, demandeur au pourvoi, est organisé en un moyen unique, en deux branches.
Dans la première branche du moyen, il fait valoir une violation des principes de liberté et de licéité des conventions – stipulées par les articles 1128 et 1134 du Code civil – par le juge du fond qui, tout en relevant que le patient disposait d’une liberté, certes restreinte, de choix, a prononcé la nullité de la convention comme entravant la liberté de choix du client.
Dans le second moyen, il fait valoir que, en s’abstenant de rechercher si la convention avait, au moins en partie, une cause licite, tout en décidant qu’elle en était dépourvue et en l’annulant sur le fond de l’article 1131 du Code civil, le juge a privé sa décision de base légale.

La solution du juge de cassation :
Il s’agit d’un arrêt confirmatif de rejet. Le juge de cassation rejette le pourvoi et confirme la décision du juge d’appel qui avait prononcé la nullité de la convention litigieuse, sur le motif unique de l’entrave relevée à la liberté de choix des clients : « si la cession de la clientèle médicale […] n’est pas illicite, c’est à condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient » ; le motif tiré du premier moyen étant suffisant, le juge ne relève pas le second moyen.


I – La lente considération des cessions de clientèles médicales comme licites :
A – les difficultés rencontrées par les juges
Jusqu’à l’arrêt Sigrand c/ Woessner, les juges considèrent que les clientèles médicales sont hors du commerce, dont insusceptibles de cession.
Afin d’accepter des situations de cessions, illicites, de clientèles médicales, les juges avaient l’habitude de ne retenir que la mise à disposition de moyens (locaux, matériel…) avec présentation de la clientèle (Cass., 17 mai 1961, Dame Mazzoleni, Cass., 17 novembre 1987, Dray). Si les juges du fond ont constaté, dans les termes de la convention, ou dans l’organisation de la convention, qu’il y a cession de clientèle, la convention est systématiquement considérée comme nulle car pourvue d’une cause illicite (Cass., 7 février 1990,Sauvage, Cass., 1er octobre 1996, Gelbart)
B – les conditions de licéité des cessions des clientèles médicales
Après l’arrêt de 2000, la cession de clientèle médicale est reconnue comme licite. La condition unique retenue par les juges, est la sauvegarde de la liberté de choix des clients. Si cette liberté n’est pas entravée, la convention de cession est considérée comme ayant une cause licite (Cass., 19 novembre 2002, Jean Baptiste X). En revanche, devant une appréciation d’absence de sauvegarde de la liberté totale de choix des patients, le juge annule immédiatement la convention (Cass., 17 nov 2000, Sigrand, Cass., 30 juin 2004, centre de dialyse).

II – Les caractéristiques des clientèles médicales donnent une forte légitimité à la licéité de leur cession
A – les critères communs aux biens
Les clientèles médicales obéissent aux critères communs des biens :
- la valeur,
- l’appropriabilité,
- la commerciabilité (principe de cessibilité, les choses hors commerce)
B – les critères spécifiques aux biens incorporels
Les clientèles médicales sont des biens incorporels (comme les monopoles d’epxloitation) caractérisés par :
- leur rapport étroit à la personnalité du titulaire,
- leur immatérialité,
- leur temporalité (pas applicables aux clientèles médicales),
- la force du concept de monopole d’exploitation (= propriété)

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C'est sympa comme système :)

J'ai mis entre 10 et 13 car je trouve que les éléments importants de la décision sont dans le commentaire, donc on voit que tu as compris. Par contre, l'organisation du plan est peut-être un peu maladroite dans le sens où il n'y a pas de véritable dynamique.

Si tu veux, à te lire, on ressent plus une idée d'exposé ou de dissertation chronologique que de véritable commentaire. Peut-être que cette impression vient de la formulation des titres : par exemple, au lieu de parler de lente considération, tu pourrais dire " la reconnaissance de la licéité des cessions de clientèles civiles " ou " la consécration... ", et en expliquer les raisons ( problèmes de qualification de l'opération ).

De même, pour le II, tu pourrais peut-être engager ton titre en disant " les clientèles civiles, biens incorporels ", comme ça on voit tout de suite de quoi il s'agit.

Mais je vois peut-être plus l'arrêt d'un point de vue obligations que droit des biens :oops:

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