Commentaire d'Arret CE 30 Mars 2007 "Ville de Lyon"

Publié par

Bonjour, je me permet de vous demandez un petit avis sur mon plan sur un commentaire d'arrêt en Droit Administratif. Alors il s'agit d'une ordonnance du Conseil d'Etat s'inscrivant dans notre séance de TD relative au référé-liberté.
Je m'excuse de la longueur de l'arrêt :oops: :oops: Mais c'est mon tout premier commentaire à rendre en Droit Administratif et j'ai peur de faire n'importe quoi avec mon plan, vous le trouverez aprés l'arrêt :wink:

"Sur la régularité de l’ordonnance :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire (…). » ; qu’aux termes de l’article L. 521-2 du même code : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (…) aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures » ; qu’il résulte de ces dispositions que les décisions prises par le juge des référés n’ont, en principe, qu’un caractère provisoire ; qu’il lui appartient ainsi, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative et qu’il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures provisoires qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte ; que, toutefois, lorsqu’aucune mesure de caractère provisoire n’est susceptible de satisfaire cette exigence, en particulier lorsque les délais dans lesquels il est saisi ou lorsque la nature de l’atteinte y font obstacle, il peut enjoindre à la personne qui en est l’auteur de prendre toute disposition de nature à sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale en cause ; qu’il en va ainsi notamment lorsque l’atteinte résulte d’une interdiction dont les effets sont eux-mêmes provisoires ou limités dans le temps ;


Considérant que la VILLE DE LYON relève appel de l’ordonnance, en date du 15 mars 2007, par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a, d’une part, suspendu l’exécution de la décision par laquelle le maire de Lyon a opposé un refus à la demande de location de la salle municipale Victor Hugo présentée par l’association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah Lyon Lafayette, d’autre part enjoint à la ville de mettre à la disposition de l’association, au jour qu’elle avait demandé, le 2 avril 2007, dans le but de permettre à ses adhérents de célébrer une fête religieuse, une salle municipale ; que si le juge a ainsi enjoint à la ville de prendre une disposition qui n’avait pas de caractère provisoire, la nature de l’interdiction opposée à l’association et ses effets permettaient au juge des référés, pour sauvegarder la liberté de réunion dont il a décidé qu’il y était gravement porté atteinte de manière manifestement illégale, d’enjoindre au maire d’autoriser l’association à louer une salle municipale aux jour et heure qu’elle avait sollicités ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la VILLE DE LYON, l’ordonnance dont elle relève appel ne s’est pas prononcée sur des conclusions irrecevables et n’a pas méconnu la portée des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;


Considérant que l’association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah Lyon Lafayette s’est bornée à demander au juge des référés du tribunal d’enjoindre à la VILLE DE LYON de l’autoriser à louer une salle municipale pour la célébration prévue le 2 avril ; que, toutefois, le refus exprès adressé par l’adjoint au maire, en réponse à l’association, indiquait qu’il ne serait pas donné de suite favorable à sa demande ; qu’ainsi, en décidant que l’injonction adressée à la ville de louer une salle municipale impliquait que soit au préalable suspendue sa décision de refus, alors même que cette suspension n’avait pas été demandée, le juge des référés, à qui il incombait d’ordonner toutes mesures nécessaires pour la sauvegarde des libertés auxquelles il était porté atteinte, n’a pas, contrairement à ce que soutient la ville, statué ultra petita ;


Considérant qu’après avoir indiqué les motifs pour lesquels il décidait que la condition d’urgence propre aux dispositions de l’article L. 521-2 était satisfaite, le juge des référés a pris soin de relever que la VILLE DE LYON n’établissait pas que sa décision de refus de location de salle était justifiée par un motif d’ordre public et que le prix plus favorable que les tarifs des salles privées auquel serait soumise l’association ne saurait être regardée comme une subvention à un culte prohibée par la loi du 9 décembre 1905 ; qu’il en a déduit qu’une atteinte grave et manifestement illégale a été portée aux libertés d’association et de réunion ; qu’il a ainsi suffisamment motivé sa décision ;



Sur la décision de refus :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales : « Des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande./ Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l’administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public. (…) » ;


Considérant que, ainsi l’a relevé le juge des référés, l’association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah Lyon-Lafayette a sollicité la location de la salle Victor Hugo pour le 2 avril 2007, de 18h30 à 22h30, dès le 8 novembre 2006 ; que si elle était ainsi titulaire d’une décision de refus le 9 janvier 2007, elle a, d’une part, cherché à connaître les motifs de ce refus, d’autre part, tenté de louer une autre salle, ainsi qu’il a été précisé à l’audience ; que, dans ces conditions, alors qu’il lui a été répondu par lettre du 23 février qu’il ne lui serait pas donné satisfaction, le juge des référés du tribunal administratif a pu, sans erreur de droit, décidé que la condition d’urgence particulière exigée par les dispositions de l’article L. 521-2 était satisfaite ; qu’il a pu aussi juger que le refus opposé à l’association, d’ailleurs consécutif à d’autres refus de même nature opposés à des associations identiques et annulés précédemment par le juge administratif, portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion, qui est une liberté fondamentale, dès lors que la VILLE DE LYON ne faisait état d’aucune menace à l’ordre public, mais seulement de considérations générales relatives au caractère sectaire de l’association, ni d’aucun motif tiré des nécessités de l’administration des propriétés communales ou du fonctionnement des services, ;


Considérant que si l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 prohibe les subventions des cultes par les collectivités publiques, et si l’association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah Lyon-Lafayette doit être regardée comme une association cultuelle, le prix acquitté par cette association pour la location de la salle ne saurait être regardé comme une subvention de la ville au motif que les tarifs des salles municipales seraient plus avantageux que ceux des salles privées, dès lors que la VILLE DE LYON n’établit pas, en tout état de cause, que l’association avait la possibilité de louer une salle privée au jour et aux heures qu’elle avait déterminés ; que la crainte, purement éventuelle, que les salles municipales soient l’objet de sollicitations répétées pour des manifestations à but religieux ne saurait davantage justifier légalement le refus de la ville ;


Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la VILLE DE LYON n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a suspendu l’exécution de sa décision de refus et enjoint au maire de louer la salle Victor Hugo ou une autre salle municipale équivalente le 2 avril 2007 de 18h30 à 22h30 ;



Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah Lyon Lafayette, qui n’est pas la partie perdante, la somme que demande la VILLE DE LYON au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la VILLE DE LYON la somme de 5 000 euros que demande l’association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah Lyon Lafayette au titre des mêmes frais ;





O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête de VILLE DE LYON est rejetée.

Article 2 : La VILLE DE LYON versera à l’association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Lyon Lafayette la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la VILLE DE LYON et à l’association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Lyon Lafayette. "



[u:1xzy7a27]I. Les pouvoirs du juge des référés afin de sauvegarder une liberté fondamentale:[/u:1xzy7a27]

A. Le CE dégage un principe garantissant la sauvegarde d'une liberté fondamentale.

B. Justification des injonctions instituant des mesures à caractère non provisoire.


[u:1xzy7a27]II. Le refus de location d'une salle municipale face à la liberté de réunion:[/u:1xzy7a27]

A. Sans justification fondée de l'administration, le refus de location est illégal.

B. La légalité des tarifs préférentiels accordés à une association cultuelle.


Merci :oops: :wink:

Publié par

salut à tous!

J'ai cet arrêt à commenter et à rendre à ma chargée de TD.
Je voulais vous demander vos avis sur mon travail, j'ai fait un plan détaillé. Je ne fais jamais ça en temps normal, je prend rarement des avis extérieurs sur ce que j'ai fait, mais là pour le coup je serais intéressé par quelques critiques!



voici donc, intro + plan détaillé:

Les mouvements sectaires, même s’ils sont classés et répertoriés dans des rapports réalisés par les commissions parlementaires, posent parfois problème dans leurs relations avec l’Administration, qui ne sait pas si elle doit les considérer comme des associations standards ou, au contraire, prendre des précautions à leur égard. Cette ambigüité donne lieu parfois à des arrêts qui font jurisprudence, tel est le cas dans cette ordonnance du Conseil d’Etat du 30 mars 2007.
Cet arrêt résulte d’une affaire où une association locale pour le culte des Témoins de Jéhovah de Lyon demande à la ville de Lyon de lui louer une salle municipale en vue d’organiser une célébration le 2 avril 2007. La ville de Lyon, par l’intermédiaire de son maire, refuse de louer une salle à cette association.
L’association saisie alors le juge des référés du Tribunal Administratif (TA) de Lyon qui, dans une ordonnance du 15 mars 2007, suspend la décision de refus du maire et enjoint à ce dernier de louer une salle afin de permettre la célébration d’une fête religieuse à la date demandée par l’association. La ville de Lyon fait appel de cette ordonnance et le Conseil d’Etat rend sa décision le 30 mars 2007.
La ville de Lyon justifie son refus par les dispositions de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 portant interdiction pour les collectivités publiques de donner des subventions pour la célébration des cultes, dans la mesure où la salle municipale était louée à un prix inferieur à celui d’une salle privée. Aussi, il résulte des pièces du dossier que la ville de Lyon craint une menace à l’ordre publique.
Le juge des référés du TA de Lyon, sur le fondement de l’article 521-2 du Code de Justice Administrative, justifie sa décision par l’atteinte grave et illégale à la sauvegarde de libertés fondamentales, en l’occurrence la liberté de réunion et la liberté d’association.
Le Conseil d’Etat est alors confronté à la question de savoir si le refus de location d’une salle communale opposé par la ville de Lyon constitue une atteinte aux libertés de réunion et d’association, libertés fondamentales, et si les dispositions prisent par le juge des référés sont alors justifiées.
Le Conseil d’Etat confirme la décision de suspension au motif que ce refus constitue une atteinte grave aux libertés de réunion et d’association. La ville de Lyon n’est pas fondée à demander l’annulation du juge des référés, sa décision de refus envers l’association n’étant pas justifiée.
Il convient alors de voir que le Conseil d’Etat admet la reconnaissance de la régularité des dispositions prisent par le juge des référés (I), avant de voir qu’il admet l’irrégularité de la décision de refus de la ville de Lyon (II).


I. La reconnaissance de la régularité des dispositions prisent par le juge des référés

Le juge des référés du TA de Lyon prend deux décisions jugées régulières. Tout d’abord, il enjoint la ville de Lyon de louer une salle à l’association (A), ensuite, il annule la décision du maire de Lyon (B).

A. La régularité de l’injonction adressée à la ville de Lyon

• « le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (…) aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. »
• le CE reprend les termes de l’article 521-2 du Code de Justice Administrative pour démontrer que l’injonction prononcée par le juge des référés est justifiée. Si en principe le juge des référés ne prend des mesures qu’à caractère provisoire, lorsqu’une liberté fondamentale est en cause, le juge peut prendre toute mesure nécessaire à la sauvegarde de la liberté.
• les dispositions du juge des référés semblent correspondre aux modalités du Code de Justice Administrative puisqu’il y a une atteinte à la liberté d’association, liberté fondamentale reconnue par le Conseil Constitutionnel dans une décision du 16 juillet 1971 « Liberté d’association » , ainsi qu’une atteinte à la liberté de réunion.

L’injonction adressée à la ville de Lyon par le juge des référés est régulière et conforme à la demande de l’association des Témoins de Jéhovah. En revanche, un doute subsiste sur la régularité de la suspension de la décision du maire de Lyon, suspension qui n’a pas été expressément demandée par l’association.

B. La régularité de l’annulation de la décision de la ville de Lyon

• « en décidant que l’injonction adressée à la ville de louer une salle municipale impliquait que soit au préalable suspendue sa décision de refus, alors même que cette suspension n’avait pas été demandée, le juge des référés, (…), n’a pas, contrairement à ce que soutient la ville, statué ultra petita »
• la ville de Lyon soutient que le juge des référés a statué sur une demande qui ne lui a pas été exposée, à savoir la suspension de la décision du maire de Lyon.
• le CE juge que l’annulation de la décision du maire est régulière puisqu’elle va de paire avec l’injonction adressée à la ville de Lyon. Cette annulation entre dans le cadre des mesures que peut prendre le juge des référés en cas d’atteinte à une liberté fondamentale, selon l’article 521-2 du Code de Justice Administrative.


Le Conseil d’Etat juge que l’ordonnance du juge des référés est régulière et qu’il n’y a pas lieu de l’annuler. Aussi, la Haute Juridiction admet l’irrégularité de la décision de la mairie de Lyon.


II. L’irrégularité de la décision de refus de la ville de Lyon

La décision de refus du maire de Lyon est injustifiée. Une décision de refus de location d’une salle pourrait être justifiée par une atteinte à l’ordre public, mais ce risque n’est pas fondé en l’espèce (A). Par ailleurs, ce refus ne saurait être justifié par la loi du 9 décembre 1905 qui prohibe les subventions faites aux cultes religieux (B).

A. Une atteinte à l’ordre public injustifiée

• « [le juge des référés] a pu aussi juger que le refus opposé à l’association, d’ailleurs consécutif à d’autres refus de même nature opposés à des associations identiques et annulés précédemment par le juge administratif, portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion, qui est une liberté fondamentale, dès lors que la VILLE DE LYON ne faisait état d’aucune menace à l’ordre public »
• la ville de Lyon, dans ce litige comme dans d’autres qui ont eu lieu précédemment, commet une atteinte à la liberté de réunion dans la mesure où aucune atteinte à l’ordre public ne justifie le refus d’autorisation de location d’une salle.
• les dérives sectaires ont déjà pu être dénoncées en ce qui concerne les Témoins de Jéhovah [CE, 2006, Association les Témoins de Jéhovah]. Ce sont ces dérives qui sont craintes par la ville de Lyon. Cependant, ces dérives ne sont qu’éventuelles et un tel motif n’est pas recevable s’il n’y a pas un réel trouble à l’ordre public [TA Paris, 13 mai 2004, Association cultuelle des Témoins de Jéhovah de France et autres].

Outre le trouble à l’ordre public, le maire de Lyon justifie sa décision en s’appuyant sur les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 portant interdictions des subventions publique au culte religieux, ce qui relève d’une interprétation particulière.
B. L’interprétation de la loi du 9 décembre 1905

• « si l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 prohibe les subventions des cultes (…), le prix acquitté par cette association pour la location de la salle ne saurait être regardé comme une subvention de la ville au motif que les tarifs des salles municipales seraient plus avantageux que ceux des salles privées »
• la ville de Lyon analyse le prix de location d’une salle municipale comme une subvention versée à une association cultuelle au sens de la loi du 9 décembre 1905.
• si la jurisprudence a déjà interdit la mise à disposition gratuite d’un presbytère [CE, 1909, Commune de Brugnens] ou considéré que la vente d’une collectivité publique à une association pouvait passer pour une subvention déguisée [TA Orléans, 16 mars 2004, Fédération d’Indre-et-Loire de la libre pensée], il n’en est pas de même pour la mise à disposition de locaux et il n’est alors pas possible pour une collectivité publique de refuser la location sur ce motif.