Contrats spéciaux - délivrance - défaut conformité - cas pra

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Bonjour.
Merci, pour ceux qui vont me lire, de me dire ce qu'ils pensent de la façon dont j'ai structuré mes idées et amené ma consultation juridique.
Egalement, merci de me dire comment je dois m'y prendre pour travailler sur les actions envisageables.
Merci par avance.

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[u:nyppcpj2]Introduction [/u:nyppcpj2]:

Mme Kasspié a acheté à M. Dupont une maison de maître. Lors de son entrée en possession, elle constate que l'ancien propriétaire a emporté avec lui un miroir de grande valeur qu'elle pensait faire partie de la vente. Elle constate également qu'en raison d'une désagrégation d'un isolant que l'ancien propriétaire avait récemment fait installer par un professionnel, la maison ne possède pas les performances énergétiques stipulées à l'acte de vente, entraînant des déperditions de chaleur, sources de frais supplémentaires. Contacté, l'installateur objecte qu'il a correctement installé l'isolant fourni par son fournisseur, ce dernier s'étant trompé dans les spécifications techniques du matériau.

Nous sommes en présence d'un contrat de vente d'un bien immobilier, régulièrement conclu entre deux particuliers, selon les modalités du Titre VI du livre III du Code civil.

Il s'agira d'une part de savoir si le miroir de valeur faisait effectivement partie du bien vendu et d'autre part s'il est possible pour Mme Kasspié d'obtenir la réparation du préjudice subi par la désagrégation de l'isolant.

Il s'agira de déterminer si le miroir faisait – ou non – partie de la vente. Pour cela, nous allons nous pencher sur le contenu de l'obligation légale de délivrance de la chose de l'article 1603 du Code civil.
Trois autres solution sont également envisageables :
→ L'hypothèse d'une obligation de renseignement de la part du vendeur.
→ L'hypothèse d'un vice du consentement invoqué par Mme Kasspié.
En l'absence d'éléments factuels nous permettant d'évaluer cette hypothèse, nous devons l'écarter.
→ L'hypothèse de la mauvaise foi du vendeur.
Nous pouvons immédiatement écarter cette dernière hypothèse. En effet, la mauvaise foi du vendeur impliquerait que celui-ci a volontairement laissé croire à l'acquéreur que le miroir était vendu avec la maison. Or, nous ne disposons d'aucun élément factuel nous permettant de croire en cette hypothèse ; au contraire, le fait que le vendeur ait eu l'intention de rester dans sa maison après la signature du compromis de vente et que cette condition ait été contractualisée laisse présumer qu'il entendait y vivre avec ses objets, et en particulier le miroir.
Il s'agira ensuite de qualifier juridiquement la désagragation de l'isolant.

Dans un premier temps, nous étudierons les moyens dont dispose Mme Kasspié pour récupérer le miroir de valeur. Dans un second temps, nous étudierons les possibilités qui lui sont ouvertes d'obtenir réparation du préjudice subi par la désagrégation de l'isolant ou d'en obtenir le remplacement.

[u:nyppcpj2]Développement

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Concernant le miroir

Il convient de rappeler que le contrat de vente réitéré par acte authentique concerne une maison. Or Mme Kasspié se plaint qu'un miroir ait été déplacé avant qu'elle n'entre en possession de la maison, au même titre, certainement, que l'ensemble des biens appartenant à l'ancien propriétaire. Rien de plus normal en effet, que l'ancien propriétaire ne vide le bien immobilier qu'il a vendu avant la prise de possession par le nouveau propriétaire, d'autant qu'il était stipulé dans le compromis de vente que M. Dupont resterait dans la maison jusqu'au 30 avril 2009. Cette situation justifie que ses meubles se soient encore trouvé dans la maison au moment de la signature du compromis.

Afin de déterminer si le miroir faisait ou non partie de la vente, il convient en premier lieu de se rapporter au contrat de vente signé par les parties. En effet, aux termes de l'article 1134 du Code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Or, il semble bien qu'« aucun accord n'avait été explicité par écrit ». A défaut de stipulations contractuelles, il est nécessaire de recourir au droit commun.

En vertu de l'article 1603 du Code civil, le vendeur a l'obligation « de délivrer [...] la chose qu'il vend », délivrance qui consiste en « le transport de la chose vendue en la puissance et la possession de la chose » (article 1604 du Code civil). Aux termes de l'article 1615, « l'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ».

Or, il semble que pour Mme Kasspié, « il allait de soi […] que ce miroir lui reviendrait avec la maison ». Cet élément factuel ne peut pas être interprété comme la croyance de Mme Kasspié en une volonté libérale de son vendeur, mais bien plutôt comme la croyance que ce miroir de valeur faisait partie intégrante de la maison et ne pouvait donc – juridiquement – s'en détacher. Cette croyance est renforcée par le fait qu'il s'agit d'une « maison de maître » et elle a pu raisonnablement s'attendre à ce que cet élément décoratif, ayant de la valeur en raison de son origine ancienne, puisse être attaché au fond immobilier et en constituer un « accessoire » au sens de l'article 1604.

Il convient par conséquent de qualifier juridiquement le miroir de valeur au regard du droit des biens. Deux articles du Code civil doivent être confrontés afin de qualifier le miroir : il s'agit de l'article 525 en son alinea 2 et l'article 534 en son premier alinea. Aux termes de ce dernier, les glaces sont considérées comme des « meubles meublants », dont la qualification juridique est celle de meuble. Cette qualification fait échapper totalement le miroir du patrimoine de Mme Kasspié à défaut de stipulations spécifiques au contrat de vente. Aux termes du premier des deux articles, « les glaces d'un appartement sont censées mises à perpétuelle demeure, lorsque le parquet sur lequel elles sont attachées fait corps avec la boiserie ». Or un bien meuble, lorsqu'il est mis à perpétuelle demeure est considéré juridiquement comme un « immeuble par destination » (article 517 du Code civil). Qualifier juridiquement le miroir de bien immeuble par destination permet de le faire rentrer dans le patrimoine de Mme Kasspié en vertu de l'article 1604 précité, ce miroir devenant un accessoire de la maison ; en ce sens, selon le Professeur et avocat Alain Bénabent1 (pt 312) ou le Pr. Pascal Puig2 (pt 388) proposent une série de biens accessoires au sens de l'article 1604 : cuisine adaptée, tapisseries, glace scellée au dessus des cheminées, statues logées dans leur niche...

Tout l'enjeu, pour Mme Kasspié, sera de défendre la qualification d'immeuble par destination en raison de son attache à perpétuelle demeure du miroir litigieux. Elle pourra intenter une action en revendication auprès du tribunal de grande instance du ressort du lieu d'implantation de la maison, ayant compétence exclusive pour les litiges réels immobiliers.

Certains arguments militent en ce sens, notamment une jurisprudence ancienne :
→ le fait que ce miroir de valeur se soit trouvé dans une maison de maître laisse présumer d'une attache à perpétuelle demeure, ce qui n'aurait pas été le cas dans un appartement contemporain, d'autant qu'aux dires de Mme Kasspié, la maison a « beaucoup de cachet ».
→ les objets d'ornementation sont réputés immeubles par destination à cette seule condition que l'intention du propriétaire de les attacher au fond à perpétuelle demeure ne puisse être douteuse (Paris, 27 mars 1963) : qualification immeuble par destination pour des statues, simplement posées au sol.
→ la seule circonstance que des vases forment avec des socles un ensemble ornemental pour la décoration d'un parc a emporté la qualification d'immeuble par destination (Poitiers, 23 avril 1968)

D'autres arguments devront être combattus :
→ la Cour de cassation a retenu le critère des dégâts occasionnés à l'occasion de l'enlèvement du bien litigieux comme nécessaire pour opérer à la qualification ; ainsi, en présence de boiseries qui peuvent être arrachées sans aucun dommage pour elles ou pour l'immeuble ne sont-elle pas qualifiées d'immeubles par destination (Cass. 2ème civ., 5 avril 1965). Or, il ne semble pas que l'enlèvement du miroir ait occasionné de dégâts au mur (mais nous ne diposons pas d'information concernant l'état du miroir lui-même après enlèvement).
→ selon une Cour d'appel, un trumeau, c'est-à-dire un ensemble décoratif ornant une cheminée, ne saurait être considéré comme un immeuble par destination s'il a été récemment posé et n'est fixé au mur que par quelques pitons (Poitiers, 23 avril 1968).

Concernant les performances énergétiques de la maison :

Il faut d'abord relever qu'il s'agit d'une vente entre particuliers : ni le vendeur, ni l'acheteur ne sont des professionnels. Le droit commun de la vente est par conséquent applicable.

Contrairement au problème du miroir, il existe une clause au contrat de vente qui stipule clairement les performances énergétiques de la maison. Nous conviendrons que cette valeur a été calculée lors des travaux d'isolation thermique de la maison par l'installateur professionnel, travaux qui incluaient la pose de l'isolant litigieux. Nous ferons abstraction également du « diagnostic de performance énergétique » (ou DPE) qui obéit à un régime juridique défini depuis le Grenelle de l'environnement 2007, obligatoirement fourni avec le contrat de vente et de location et opposable en justice depuis le Grenelle de l'environnement 2010. En effet, si cela avait été le cas, Mme Kasspié n'aurait pas dû « insister » pour que cet indicateur figure au contrat, puisqu'il s'agit d'une obligation légale. Enfin, nous écarterons immédiatement l'hypothèse d'une usure normale de l'isolant litigieux : en effet, il est peu probable qu'un isolant se désagrège à une vitesse telle qu'une facture énergétique puisse être décuplée en 1 année : cela caractérise, en toute hypothèse, une usure anormale.
En raison de la présence de cette clause au contrat de vente, il convient de s'orienter vers la recherche d'une responsabilité contractuelle du vendeur. Comment convient-il d'interpréter cette clause afin qu'elle permette d'engager la responsabilité du vendeur sur une base contractuelle ? La nature même de cette clause est-elle d'ailleurs susceptible d'engager cette responsabilité du vendeur ?
Afin de répondre à cette question, il convient de se référer à nouveau aux obligations de délivrance et de garantie du vendeur de l'article 1603 du Code civil.

Deux analyses nous paraissent envisageables de cette désagrégation de l'isolant : la première analyse fait appel à la notion de vice caché du bien vendu, que le vendeur est tenu de garantir en vertu des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil, la seconde à celle de défaut de conformité du bien vendu. Les différences de régimes juridiques des deux notions, notamment en matière de délai de prescription de l'action, mais aussi d'actions possibles en justice ou encore de preuve du préjudice... justifient de correctement qualifier les faits soumis.

[u:nyppcpj2]1ère analyse[/u:nyppcpj2] : la faible performance énergétique de la maison : vice caché ?
Le critère retenu pour qualifier le vice caché est l'existence d'un vice, c'est-à-dire d'un « défaut de la chose qui le rend impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix » (article 1641 du Code civil). Ce vice doit, de plus, être caché, c'est-à-dire inconnu de l'acheteur qui ne l'aurait pas acheté « s'il l'avait connu » (article 1641 in fine).
Il semble difficile d'appliquer la notion de vice caché à la faible performance énergétique de la maison ; en revanche, elle pourrait s'appliquer à l'isolant utilisé. Dans le cas d'espèces, peut-on qualifier la désagrégation de l'isolant de vice caché ? Il s'agit bien d'un défaut de la chose (la chose étant la maison), mais rend-il la maison impropre à l'usage auquel elle était destinée ? La désagrégation de l'isolant, fût-elle anormale, empêche-t-elle la maison d'être habitable ou est-elle moins habitable à cause de cela ? Concernant une maison, la Cour de cassation a pu retenir la position de la Cour d'appel de Chambéry qui avait considéré que le fait de construire un chalet dans un couloir d'avalanche rend celle-ci impropre à son usage d'habitation (Cass. 1ère, 24 février 1988, n°85-15642, ici), l'implantation du chalet sur un terrain exposé à ce risque constituant par conséquent un vice caché. Toutefois, il y a un différentiel de risque important entre une construction exposée à un risque important pour la vie des habitants et un défaut d'isolation n'ayant d'autre conséquence que d'obliger ses habitants à chauffer davantage.

[u:nyppcpj2]2ème analyse [/u:nyppcpj2]: la désagrégation de l'isolant : défaut de conformité ?
L'analyse traditionnelle de cette obligation de délivrer la chose suppose une conformité de la chose délivrée à la chose vendue ; cette conformité englobe une conformité d'identité, de qualité et de quantité. L'application de cette analyse ne peut pas se faire en référence à la qualité de l'isolant utilisé, car le défaut de conformité suppose l'irrespect d'une clause contractuelle ; or la qualité de l'isolant ne fait a priori pas partie des clauses du contrat. Le défaut de conformité doit par conséquent d'analyser par rapport à la clause du contrat mentionnant la performance énergétique de la maison.
Afin de répondre à cette question, il est pertinent de s'intéresser à la construction prétorienne de la notion de défaut de conformité.
En effet, au-delà de la notion matérielle de qualité du produit vendu, une partie de la doctrine en a proposé une conception plus fonctionnelle, en défendant l'idée que la conformité de la chose puisse être son aptitude à remplir un usage attendu. Cette conception a été mise en application par la Cour de cassation, dans un arrêt Cass. 1ère civ., 20 mars 1989, n°87-18517, ici, qui, pour confirmer la décision d'appel ayant résolu le contrat de vente d'un appareil à détartrer, a confirmé la qualification de défaut de conformité en considérant que l'appareil était inadapté et totalement impropre à l'usage auquel il était destiné et ne correspondait donc pas à ce qui avait été convenu entre les parties. Cette position a été vivement critiquée par la doctrine majoritaire, car elle risquait de créer une confusion regrettable entre défaut de conformité et vice caché (cf. à ce sujet, Pr. Philippe Mallaurie, Laurent Aynès et Pierre-Yves Gauthier3). Suite à un revirement de jurisprudence de la 1ère chambre civile (Cass. 1ère civ., 8 décembre 1993, n°91-19627, ici), qui a affirmé, au sujet d'un véhicule fourgon, que le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue le vice prévu aux articles 1641 et suivants du Code civil, suivi quelques mois plus tard par la Chambre commerciale (Cass. com., 26 avril 1994, « Sté Paul Mausner c/ Sté Volvo France »,n°92-13862, ici) au sujet d'un véhicule automobile, il semble établi que la distinction entre les deux mécanismes s'établisse de la façon suivante : lorsqu'est établie la non conformité à l'usage normal de la chose, la responsabilité du vendeur peut être recherchée au travers de la garantie des vices cachés des articles 1604 et suivants ; en revanche, lorsqu'elle est établie au regard des stipulations contractuelles, cette responsabilité peut être recherchée au titre de l'obligation de délivrance de l'article 1603.
Toutefois, il semble que la distinction entre les deux institutions ne soient pas d'un usage très aisé. Ainsi, dans une décision Cass. com., 4 mai 1993, Sté Leroy Somer c/ Sté Hennequin, n°91-18670, ici , la Cour de cassation a-t-elle jugé que l'explosion d'un alternateur construit pour une centrale électrique saoudienne par une entreprise française et imputable au défaut de qualité d'une vis d'acier qui s'était rompue, était dû à un défaut de conformité à la commande et non d'un vice caché. Il faut remarquer de plus, que la Cour d'appel de Paris s'était contentée de qualifier de « défaut de construction » pour retenir la responsabilité du fabricant.

Au regard de la jurisprudence dorénavant stable, nous penchons pour la qualification de « défaut de conformité » de la maison au standard énergétique prévu contractuellement par les parties.

Quelle action en justice ?

En présence d'un défaut de conformité au produit, Mme Kasspié dispose de plusieurs actions possibles, dans un délai de prescription de droit commun de 5 ans, ce qui est plus avantageux pour elle qu'une action en garantie des vices cachés (prescription biennale seulement). Elle peut intenter une action contre le propriétaire pour exécution défectueuse de la vente et pourra demander en justice la réparation de l'isolant et la mise en conformité énergétique de la maison auc frais de l'ancien propriétaire. Elle pourra également demander des dommages et intérêts incluant notamment les dépenses supplémentaires de chauffage occasionnées par le défaut énergétique de la maison.
Elle pourra également exercer l'action estimatoire ou quantes minores, normalement réservée à l'action en garantie des vices cachés, la chambre commerciale de la Cour de cassation ayant estimé (Cass. com., 14 mai 1985, « Sté Stoffel c/ Sté générale de prêt à porter », n°83-16563, ici) au sujet de la vente de tissu s'étant rétreci au lavage constitutif d'un défaut de conformité à la commande, que les effets de la résolution sont identiques en cas de défaut de conformité ou de vices cachés.

[u:nyppcpj2]Conclusion :[/u:nyppcpj2]
Le problème de savoir si le miroir litigieux était – ou non – compris dans la vente revient à résoudre celui de sa qualification juridique. Afin d'emporter la qualification de bien immeuble par destination et en conséquent celle d'accessoire à la vente immobilière, Mme Kasspié devra démontrer que le miroir forme avec la cheminée un ensemble ornemental absolument nécessaire au cachet de la maison de maître qu'elle a achetée.