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Dissertation : "Le chancelier de la RFA"
Attention ce corrigé à été donné par un professeur de la Sorbonne
CORRECTION
DROIT CONSTITUTIONNEL
Le chef du gouvernement porte traditionnellement en Allemagne le titre de chancelier. Si, naguère, la forte personnalité et la dimension historique de Bismarck ont pu conférer à cette fonction prestige et pouvoir, elle a perdu ensuite beaucoup de sa superbe. L'empereur d'abord, puis le Reichspräsident de la République de Weimar, entre 1919 et 1933, confinaient le chancelier dans un rôle technique et précaire. Au surplus, le contexte politique ne laissait pas au chef du gouvernement la possibilité de se prévaloir du soutien d'une majorité au parlement et dans l'opinion. Aussi bien, lorsque les constituants furent réunis à Bonn en 1949 pour élaborer la loi fondamentale de la nouvelle République fédérale, ils s'entendirent pour bâtir un parlementarisme moniste fondé sur le chancelier, homme fort du régime, qui concentre entre ses mains l'essentiel du pouvoir exécutif. Le chef de l’État ne peut lui faire de l'ombre. Le Président fédéral n'est plus élu au suffrage universel, comme dans le régime de Weimar, mais par un congrès particulier composé des membres du Burrdestag et d'autant de délégués des parlements des Ldinder ; il n'assiste pas aux délibérations du gouvernement e2 reste cantonné dans des fonctions honorifiques symboliques ou de représentation; Ses interventions sont soigneusement encadrées par la constitution et n'interfèrent en rien dans la définition de ta politique du pays. Le chancelier, au contraire, bénéficie d'une stature constitutionnelle imposante, confortée par toutes les recettes du parlementarisme rationalisé. Tout est fait en outre pour lui donner une mainmise politique sur la majorité. La rationalisation procure au chancelier une situation inexpugnable presque superflue (I) tant les données politiques lui assurent une autorité incontestable (II).
I/ Le parapluie de la rationalisation
La loi fondamentale comporte une armature rationalisée qui intéresse la désignation du chancelier, sa responsabilité et, de manière plus marginale, l'utilisation de la dissolution ou de 1État de nécessité législative.
A/ La désignation du chancelier
Elle figure à l'article 63 de la loi fondamentale qui organise une sorte de one man show. De façon significative, le candidat proposé par le Président fédérai apparaît seul. Il doit être élu sans discussion par le Bundestag à la majorité absolue. L'opération s'est toujours déroulée sans accroc, même si l'on assure que K. Adenauer ne fut élu, en 1949, qu'à une voix de majorité, la sienne.
On remarquera que le chef du gouvernement bénéficie seul de cette marque de confiance du Bundestag. Il est alors en position de force pour proposer les ministres à la nomination du Président dont la signature n'est qu'une formalité qui clôt la formation du gouvernement.
B/ La responsabilité du chancelier
Symétriquement, le chancelier est seul responsable politiquement, mais il dispose, dans le système allemand, d'une présomption de majorité. Le Bundestag ne pourra le renverser qu'en lui élisant au préalable un successeur à la majorité absolue de ses membres. Ce dispositif très dissuasif, dit de la défiance constructive, imaginé par le professeur Hans Nawiasky, tend à empêcher que, comme ce fut souvent le cas sous la République de Weimar, le gouvernement soit renversé par une coalition des extrêmes alliant la carpe et le lapin, d'accords pour détruire mais non pour gouverner. Cette idée, excellente dans son principe devait d'ailleurs faire école et se retrouve dans les articles 113 de la constitution espagnole de 1978, 96 de la constitution belge de 1994 et 154 de ta constitution polonaise de 1997. En Allemagne, cette procédure a fait la preuve de son efficacité. Deux motions seulement ont été déposées en 1972 et 1982. La première échoua de peu et la seconde a pu porter M. Kohl à la chancellerie à la place qu M. Schmidt, seul chancelier renversé depuis 1949.
C/ La dissolution
La loi fondamentale ne prévoit qu'une dissolution sanction qui survient dans le cadre d'une crise lorsque le chancelier a posé une question de confiance et que celle-ci n'est pas approuvée. Mais le chef du gouvernement peut trouver avantage à provoquer des élections anticipées pour faire approuver sa politique et étoffer sa majorité. Dans ce cas, la seule ressource pour le chancelier est de se faire renverser artificiellement en conviant ses partisans à s'abstenir, voire à voter contre ta confiance. Cette tactique a été utilisée avec un plein succès par M. Brandt en 1972, puis par M. Kohl en 1982. Cette manœuvre, qui s'analyse en un détournement de procédure, est évidemment contraire à l'esprit de 1a loi fondamentale, mais la Cour constitutionnelle de Karlsruhe refuse de la sanctionner.
D/ L'état de nécessité législative
Les constituants ont aussi prévu le cas d'un chancelier minoritaire mais non renversé. II reste certes en fonction, mais risque fort de voir systématiquement repousser les projets de loi et les budgets dont il a besoin pour mener sa politique. L’État de nécessité législative est là pour le sortir de ce mauvais pas. Cette procédure requiert l’accord du Président fédéral et de la seconde chambre, le Bundesrat qui représente les Etats fédérés. Le Chancelier pourra alors légiférer en s'appuyant sur le seul Bundesrat, mais il ne s'agit que d'un dépannage limité à une durée de six mois. Cette précaution constitutionnelle n'a pas eu l'occasion de jouer en raison de la bonne santé politique de la RFA.
II/ L'autorité du chancelier
Il est courant de qualifier l'Allemagne de démocratie du chancelier tant il est vrai que l'autorité du chef du gouvernement n'a jamais cessé de s'affirmer. Plusieurs facteurs concourent à ce résultat.
A/ La personnalisation de la vie politique
Elle apparaît au premier chef lors des campagnes électorales et renforce la position personnelle du chancelier. Les électeurs à gagner se situent au centre, ce qui provoque un très faible écart entre les programmes des partis. Ces derniers mettent fort peu l'accent sur ces plates-formes et font porter tout l’effort de propagande sur la personnalité de leur porte drapeau qu'ils se proposent de porter au pouvoir et dont les portraits s'étalent partout. Le gagnant de la compétition, parvenu à la chancellerie, engrange alors les bénéfices de cette popularité.
B/ La direction du parti principal de la majorité
En second lieu, le chancelier bénéficie le plus souvent d'un cumul de sa fonction avec celle de président du parti le plus important de la coalition gouvernementale. Les ministres de son parti doivent faire bloc autour de lui et donner l'exemple d'un loyalisme sans faille face aux représentants du parti minoritaire. Cette prépondérance se retrouve aussi naturellement au niveau des groupes parlementaires. Ce cumul, qui, à la différence de la Grande Bretagne, n'est pas automatique en Allemagne, est quelquefois dommageable ; il a en tout cas causé la perte de M. Kohl, compromis dans des malversations à propos du financement de son parti, la CDU. Cette mésaventure rend encore plus remarquable l'attitude de factuel chancelier M. Schrbder, qui avait du dès avant son entrée en fonction abandonner à O. Lafontaine la direction du SPD et n'a pas pu supporter bien longtemps cette situation. Il n'a pas hésité à reprendre, au prix d'une crise sérieuse en 1999, à ce dernier ce poste stratégique.
C/ L'organisation du gouvernement
Enfin, la possibilité qu'a le chancelier d'organiser à son gré le gouvernement et de fixer les compétences de chacun des ministres lui permet d'avoir la haute main, en vertu d'une charité bien ordonnée, sur les affaires les plus importantes ou les plus délicates. K. Adenauer, par exemple a été son propre ministre des affaires étrangères pendant six ans. En général, les questions essentielles aux yeux du chancelier, l’Ostpolitik au temps de W. Brandt ou la réunification à l'époque de H. Kohl, sont traitées directement à la chancellerie. Tout se passe comme s'il existait une sorte de domaine réservé qui permet au chancelier d'évoquer les affaires politiquement sensibles de toute nature pour les régler seul. A cause de cela la chancellerie constitue un super ministère très étoffé dont la gestion quotidienne, jadis confiée à un haut fonctionnaire, relève aujourd'hui d'un ministre d'État naturellement proche du chancelier.
Conclusion
Tous ces paramètres conduisent à une stabilité qu'il faut souligner et qui n'a rien à envier à celle dont bénéficie la Grande Bretagne. M. Schröder est seulement le septième titulaire de la fonction depuis 1949. Le dispositif constitutionnel y est certainement pour une part, mais surtout la réduction du nombre des partis et la solidité des alliances qu'ils nouent entre eux créent les conditions d'un pouvoir exécutif fort sans altérer la nature démocratique du régime.[/color]