Droit anglais : l'erreur dans le contrat

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Article publié par Jeeecy.

Exposé de l'erreur dans le contrat en droit anglais

L'erreur dans le contrat en droit anglais


Common Law : 3 types d'erreur sont retenus essentiellement :
-mutual mistake, erreur mutuelle : chacune des parties se trompe sur ce que l'autre désirait obtenir en contractant. Leurs consentements ne se rencontrent pas.
-unilateral mistake, erreur unilatérale : une seule partie se trompe, l'autre a donc connaissance de cette erreur.
-common mistake, erreur commune : les deux parties font la même erreur.

L'autre type d'erreur est la "rectification", erreur portant sur le document contractuel lui-même.


{{1) mutual mistake}}

Deux parties passent un contrat et se trompent totalement sur l'objet. Il n'y a donc pas de consensus, pas de rencontre des volontés donc pas de contrat. Comme il n'y a pas de contrat, il est considéré comme n'ayant jamais existé (void ab initio). Les effets du contrat doivent donc être anéantis. Ceci constitue par conséquent une menace importante pour les tiers, la Common Law appliquant la règle "nemo dat quod non habet" : on ne peut transférer plus de droits qu'on en a soi-même. Il existe donc une grande insécurité juridique.

{{2) unilateral mistake}}

Une seule partie au contrat se trompe, l'autre partie n'a pas connaissance de cette erreur.
Il faut alors distinguer deux types d'erreur :
-l'erreur sur la chose objet du contrat : dont je traiterai par l'arrêt fondamental en la matière Smith v. Hughes (leading case de 1871)
-l'erreur sur la personne du contractant : la Common Law ne connaît que l'erreur sur l'identité de la personne. L'erreur sur les qualités de la personne ne suffit pas.
Exemple : une offre adressée par A à  B ne peut être acceptée que par B. L'acceptation par un tiers fait obstacle à  la formation du contrat, quelle que soit la nature du contrat car il n'y a pas alors de rencontre des volontés.

{{3) common mistake}}

Pour la Common Law, lorsque l'erreur est commune aux deux parties, le contrat reste valable. Il convient alors de rechercher dans le contrat une clause créant une obligation relative à  la qualité litigieuse.
leading case : Bell v. Lever Brothers Ltd.
Pour l'Equity, le contrat est annulable pour erreur commune.

{{4) les documents signés par erreur}}

-plea de non est factum
Lorsqu'un acte est établi par un faussaire, le débiteur floué pouvait se défendre en se fondant sur "plea de non est factum". Cela permettait au débiteur d'être libéré de l'acte qui devait l'engager.
Ce moyen de défense a progressivement été élargi aux illettrés et aveugles lorsqu'on leur faisait signer un document après leur avoir lu ou expliquer celui-ci de manière inexacte. Il permet donc de sanctionner une fraude mais il faut toutefois vérifier la négligence de la personne qui plaide "non est factum". Il y a donc une obligation d'information subalterne à  cette notion.

-rectification de documents
lorsque le document fixe des clauses autres que celles pour lesquelles les parties au contrat se sont mises d'accord, la rectification est admise par la jurisprudence.C'est un remède issu de l'Equity et qui suppose que l'erreur soit commune.




SMITH v. HUGHES 1871


1)les faits

Un fermier a offert à  un entraîneur de chevaux de lui vendre sa récolte d'avoine. L'entraîneur précisa qu'il désirait acheter de l'avoine de qualité. Le fermier lui remit alors un échantillon que l'entraîneur pà»t examiner pendant 24 heures. Le marché fut alors conclu mais lors de la livraison, l'acheteur refusa la marchandise. En effet il pensait acheter de l'avoine d'une récolte ancienne alors qu'il avait acheté de l'avoine provenant de la dernière récolte. Le problème survient du fait que l'entraîneur ne peut pas nourrir ses chevaux avec cet avoine. Il opposa alors à  l'action en paiement intentée par le vendeur du fait de la livraison de l'avoine (tradition) la nullité de la vente pour erreur.

Seulement rien ne semble avoir été dit sur l'à¢ge de l'avoine pendant la période de négociation.

2)la procédure

a)la première instance

Le vendeur a intenté son action en paiement du prix (34£ 15s. 8d), contrepartie à  la tradition de la chose objet du contrat, près la County Court de Surrey, tenue à  Epsom.

Le juge a posé deux questions au jury :
-est-ce que le mot « old » a été utilisé pendant la période pré-contractuelle (la négociation) ? S'il l'a été alors le jury doit se prononcer en faveur du défendeur, l'entraîneur de chevaux pour erreur lors de la vente de l'avoine.
-si la réponse à  la première question est négative, il faut savoir si le vendeur croyait que l'acheteur pensait acheter de l'avoine ancienne.

Le jury sur ces deux questions a répondu par la négative à  la première et a statué en faveur du défendeur sur la seconde.

b)l'appel

Le demandeur, perdant en première instance, a alors fait appel de la décision devant la Court of Queen's Bench. Celle-ci lui donnera raison et renverra l'affaire pour qu'elle se fasse rejuger en tenant compte de son interprétation.

3)le problème juridique

Est-ce que l'acceptation passive du vendeur en cas d'erreur personnelle de l'acheteur en absence de fraude ou de tromperie de la part du vendeur permet d'annuler le contrat sur demande de l'acheteur ?
Est-ce qu'une personne qui se trompe sur ce qu'elle a acheté peut annuler ce contrat en se fondant sur le fait que le vendeur aurait dà» savoir ce qu'elle voulait ?

4)la motivation

Les trois juges de la cour d'appel arrivent à  la même solution : le procès doit être rejugé.

Pour cela ils vont se fonder tant sur le problème juridique lui-même que sur une analyse a contrario des faits.
Les juges Cockburn et Blackburn ont la même opinion alors que le juge Hannen, tout en arrivant au même résultat considère que le procès doit être rejugé non pas du fait d'une mauvaise analyse du droit applicable mais parce que la question posé au jury de première instance ne leur a pas permis de dégager toute la problématique du problème et donc de répondre correctement à  la question.

« I think there should be a new trial in this case, not because the ruling of the county court judge was incorrect, but because, having regard to the evidence, I think it doubtful wether the jury sufficiently understood they received to enable them to take it as their guide in determining the question submitted to them. »

Ils vont vérifier tout d'abord qu'il y a bien eu rencontre des consentements. Pour cela ils ont vérifié l'offre et l'acceptation et en déduisent que le prix, la chose et la livraison sont prévus, donc qu'il y a bien rencontre des volontés. Les parties sont donc dites ad item.
Pourtant la première requête se fonde sur le prix, qui serait trop élevé pour de l'avoine fraîchement récoltée et sur la négligence du vendeur qui aurait dà» savoir que les entraîneurs n'achètent que de l'avoine à¢gée.
Concernant le prix les juges estiment que celui-ci ne peut pas être remis en cause du fait que les parties aient toutes deux consenties à  ce tarif et qu'en plus peu d'avoine est disponible sur le marché ce qui justifie ce prix élevé.
Concernant la négligence du vendeur, celui-ci répond que d'autres entraîneurs lui ont déjà  acheté de l'avoine récente et donc que cela ne lui a pas paru anormal que cet entraîneur-là  lui en achète également.

Ensuite vient se poser le problème lié à  l'à¢ge de l'avoine. En effet l'acheteur certifie qu'il avait précisé qu'il désirait acheter de l'avoine à¢gée et le vendeur le contraire. En première instance il n'a pas été statué sur cette question mais on peut déduire de l'absence de réponse des jurés que rien n'a été dit sur l'à¢ge désiré de l'avoine. Les juges soulèvent alors le fait que l'acheteur aurait dà» s'informer, c'est le caveat emptor.
M. Cockburn dit même qu'il n'a qu'à  se plaindre lui-même de sa propre négligence. En effet il a eu à  sa disposition pendant deux jours un échantillon du produit proposé à  la vente et il a donc pu l'examiner à  loisir.

Seulement l'acheteur se fonde sur sa propre négligence pour faire annuler la vente. Est-ce qu'une personne qui du fait de sa propre négligence conclut un contrat peut le faire annuler du fait de sa propre erreur ?
De ce cette question la première instance avait répondu que cela était possible.
La court of Queen's Bench n'est pas de cet avis. En effet comme l'erreur est due à  l'acheteur lui-même, il ne peut alors pas se fonder sur celle-ci pour faire annuler le contrat. La règle de l'obligation d'information ne permet pas, comme la première instance l'a permis, de faire annuler le contrat du fait de sa propre erreur.

« I take the true rule to be that where a specific article is offered for sale without express warranty or without circumsatnces from which the law will imlpy a warranty, as where, for instance, an article is ordered for a specific purpose and the buyer has full opportunity of inspecting and formuling his own judgement, if he chooses to act on his own judgement, the rule caveat emptor applies. »

Au final une analyse a contrario leur permet de définitivement se prononcer en faveur du vendeur et donc de casser le jugement de première instance.
En effet les juges estiment que si l'acheteur avait précisé par écrit ou avait clairement fait comprendre au vendeur qu'il désirait acheter de l'avoine ancienne, dans ce cas il n'y aurait point eu de rencontre des volontés et on serait alors tombé dans le cas d'une erreur mutuelle : l'un croyait vendre de l'avoine récente et l'autre pensait acheter de l'avoine à¢gée.

5)intérêt de l'arrêt

Cet arrêt permet de bien distinguer les différents types d'erreur possibles en droit anglais et surtout de différencier l'erreur mutuelle et l'erreur unilatérale. En l'espèce l'erreur est unilatérale mais en défaveur de l'acheteur qui a commis lui-même l'erreur sur laquelle il se fonde.
Cet arrêt est donc fondamental pour bien comprendre l'erreur unilatérale. En effet est unilatérale l'erreur qui émane d'un seul co-contractant et qui n'est pas issue d'une négligence de la part de l'un de ceux-ci.
Il date en plus de 1871 ce qui permet de voir que les règles ont clairement été posées assez tôt.


rédigé par Jeeecy du Magistère Juriste d'Affaires Européen de Nancy