Hiérarchie des normes.

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ted

Bonjour,

Dans le cadre de mes révisions je lis actuellement : Droit Administratif, de Martine Lombard et Gilles Dumont, 9ème édition.

J'en suis à la hiérarchie des normes, et je lis en premier lieu :
"La rédaction même de l'article 55 de la Constitution montre qu'il ne s'applique qu'aux traités et accords internationaux et non à la coutume internationale, que le juge ne fait pas prévaloir sur la loi en cas de conflit entre ces deux normes. Ni l'article 55 de la constitution, ni aucune autre disposition de valeur constitutionnelle ne prescrit ni n'implique que le juge administratif fasse prévaloir la coutume internationale ou même un principe général du droit international sur la loi en cas de conflit entre, d'une part, ces normes internationales, et d'autre part, la norme législative interne."

Quelques lignes ensuite je lis dans le contrôle de conventionnalité des actes administratifs :

"De même que le juge judiciaire francais exerce, dans la logique de l'arrêt précipité Société des cafés Jacques Vabre de 1975, un contrôle de conventionnalité des lois qui lui permet d'écarter l'application de la loi qui serait contraire à une norme internationale, en ce qu'elle ne répondrait pas, en particulier, aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme ou du droit cmmunautaire, la jurisprudence Nicolo permet au juge administratif d'écarter l'application d'une loi au motif qu'elle est contraire à des engagements internationaux et notamment au droit communautaire."

Finalement je lis : " Le conseil d'Etat a cependant franchi le pas lui permettant d'assurer l'éffectivité de la primauté du droit international et, plus particulièrement du droit communautaire dans son arrêt du 20 octobre 1989 Nicolo."

Ce qui pour moi ne colle pas avec le premier paragraphe que je vous ai retranscris, dans lequel un principe general de droit international peut etre écarté par le juge administratif au profit d'une loi. Puis ensuite l'on lis : la primauté du droit international.

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Camille Intervenant

Bonsoir,
C'est clair que cette formule est un peu leste mais, malheureusement, très usuelle. "Coutumière" on pourrait même dire. C'est presque un abus de langage...

Mais, en France et au sens de la hiérarchie des normes, qu'appelle-t-on exactement le "droit international" ?
Ou, pour prendre le problème par l'autre bout, qu'appellerait-on une "coutume internationale" ou encore un "principe général du droit international".
A supposer qu'ils existent, qui en déciderait ou qui en aurait décidé ?
(à part Dieu, bien sûr) 25.gif

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ted

Bonsoir,

Et bien c'est la ou le probleme se pose, lorsque je me renseigne sur les principes généraux du droit international public, l'on m'indique qu'ils ont une valeur supralégislative.

Et pourtant : "Ni l'article 55 de la constitution, ni aucune autre disposition de valeur constitutionnelle ne prescrit ni n'implique que le juge administratif fasse prévaloir la coutume internationale ou même un principe général du droit international sur la loi en cas de conflit entre, d'une part, ces normes internationales, et d'autre part, la norme législative interne"

J'ai bien trouvé une solution a mettre sur ma fiche de révision, c'est à dire un énorme point d'interrogation mais bon...J'aurais tout de même bien aimé qu'ils se mettent d'accord à savoir si oui ou non le juge administratif doit tenir compte de la primauté du droit international.

Publié par
Camille Intervenant

Bonsoir,
Oui mais...
Qui, d'un point de vue légal et selon vous, décide, déciderait ou a décidé du droit international applicable ? Selon quel mécanisme légal ?

Sachant que les règles du monde démocratique partent du principe que chaque état est, au départ, indépendant et autonome et qu'aucun autre état n'a le droit de s'immiscer de force dans les affaires internes d'un autre état (hors humanitaire, pour simplifier) ?
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J'aurais tout de même bien aimé qu'ils se mettent d'accord à savoir si oui ou non le juge administratif doit tenir compte de la primauté du droit international.
Le juge, administratif ou pas d'ailleurs, applique...
Article 55. -
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.

Forcément... Bien obligé...16.gif

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ted

Bonjour,

"Qui, d'un point de vue légal et selon vous, décide, déciderait ou a décidé du droit international applicable ? Selon quel mécanisme légal ?"

Il s'agit d'accord résultant de négociations entre les différents chefs de gouvernements et ministres des affaires étrangères concernés par le traité ou l'accord à ratifier. Il appartient ensuite aux juges administratifs de s'assurer que les accords et traités ont bien été ratifiés et de se mettre à jour.

"Article 55. -
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie."

C'est la que ca coince, pourquoi ecrire que l'article 55 ni aucune autre disposition à valeur constitutionnelle n'implique que le JA ou le juge judiciaire fasse prévaloir un principe de droit général sur la loi, alors que justement l'article 55 insiste sur la supériorité des traités et accords sur la loi.

Est ce moi qui lis et interprete mal le sens de la phrase ?

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Camille Intervenant

Re,
... un principe de droit général sur la loi, alors que justement l'article 55 insiste sur la supériorité des traités et accords sur la loi.
Est ce moi qui lis et interprete mal le sens de la phrase ?

Oui. En fait "un principe général du droit international".
Tout simplement parce qu'un "principe général du droit international" qui serait tiré de nulle part ou d'un "Deus ex machina" n'existe pas.
Le droit international, ce n'est que "traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés" par ceux qui acceptent donc de les appliquer et parce que, de fil en aiguille, au fur et à mesure de ces traités ou accords, la totalité ou presque des pays du monde ont accepté d'appliquer ces règles".
Aussi bizarre que cela puisse paraître, mais à supposer qu'un pays n'ait jamais rien signé avec quiconque et à supposer qu'il n'ait pas prévu ses règles dans son propre droit interne, personne ne pourrait l'obliger à appliquer ces règles. Sauf par la persuasion, laquelle passerait forcément par un traité ou un accord international, puisque signé avec d'autres pays...

En fait, le droit international - pour simplifier - n'est qu'une forme sophistiquée du droit des contrats ou des obligations.
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Bonjour,

Aussi bizarre que cela puisse paraître, mais à supposer qu'un pays n'ait jamais rien signé avec quiconque et à supposer qu'il n'ait pas prévu ses règles dans son propre droit interne, personne ne pourrait l'obliger à appliquer ces règles. Sauf par la persuasion, laquelle passerait forcément par un traité ou un accord international, puisque signé avec d'autres pays...

sauf... la coutume internationale aussi.

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"La vie m'a appris qu'il y a deux choses dont on peut très bien se passer : la présidence de la République et la prostate."

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Camille Intervenant

Bonjour,
J'en doute un peu.
D'où la formule citée par ted dans son premier message.
"La rédaction même de l'article 55 de la Constitution montre qu'il ne s'applique qu'aux traités et accords internationaux et non à la coutume internationale, que le juge ne fait pas prévaloir sur la loi en cas de conflit entre ces deux normes. Ni l'article 55 de la constitution, ni aucune autre disposition de valeur constitutionnelle ne prescrit ni n'implique que le juge administratif fasse prévaloir la coutume internationale ou même un principe général du droit international sur la loi en cas de conflit entre, d'une part, ces normes internationales, et d'autre part, la norme législative interne."

En me permettant de rappeler que la Constitution est censée avoir une valeur supérieure au règles du droit international, comme toute norme constitutionnelle...
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Tiens, d'ailleurs...
Conseil d'Etat
statuant au contentieux

N° 178834
Publié au recueil Lebon


lecture du vendredi 28 juillet 2000

Considérant, enfin,
qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution de la République française : "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie" ;

que ni cet article ni aucune autre disposition de valeur constitutionnelle ne prescrit ni n'implique que le juge administratif fasse prévaloir la coutume internationale ou même un principe général de droit international sur la loi en cas de conflit entre d'une part, ces normes internationales et d'autre part, la norme législative interne ;

qu'ainsi, en écartant comme inopérant le moyen tiré par M. X... de la contrariété qui existerait entre, d'un côté la loi fiscale française et, d'un autre côté, les règles coutumières et les principes de droit international, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas davantage commis d'erreur de droit ;

Y a pas un peu de plagiat dans l'air, là ? 4.gif

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Re,


Je répondais à votre message sur "sans qu'un Etat ne signe un traité... il ne peut être contraint", sauf par la coutume internationale s'il ne nie pas cette coutume.

En effet, la coutume internationale a vocation à s'appliquer à tous les Etats. Il n'est pas nécessaire que tous les Etats aient directement participé à l'élaboration de la coutume pour qu'ils soient liés par elle. Il n'est pas non plus nécessaire que l'Etat ait formellement acceptée la coutume pour être liée par elle. Le silence vaut acceptation. Il se peut qu'un Etat n'ait eu aucune pratique. Même s'il n'a rien fait, il est lié par cette coutume s'il a conservé le silence.

Je ne nie en aucun cas le problème de hiérarchie de normes, ça je suis d'accord. Mais c'est un vaste problème...

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Camille Intervenant

Bonjour,
Il n'est pas non plus nécessaire que l'Etat ait formellement acceptée la coutume pour être liée par elle. Le silence vaut acceptation. Il se peut qu'un Etat n'ait eu aucune pratique. Même s'il n'a rien fait, il est lié par cette coutume s'il a conservé le silence.

Mais alors, qui va lui imposer de l'appliquer ?
Et cette coutume aura été définie par qui ?
Il n'est pas nécessaire que tous les Etats aient directement participé à l'élaboration de la coutume
Alors élaborée par qui et comment ?
Il y a des états que se réunissent entre eux dans le but d'élaborer une "coutume internationale" ?

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Camille Intervenant

Re,
D'ailleurs, si on plonge dans les arrêts du CE ou de la Cour de cassation avec "coutume internationale" comme champ de recherche, on a un peu le sentiment que cette fameuse "coutume" sert plutôt de prétexte commode pour "botter en touche" et débouter le demandeur.
A part la formulation déjà citée qu'on retrouve plusieurs fois, presque un "copié-collé", on trouve aussi, à plusieurs reprises une formule du genre :
la légalisation des actes de l'état civil établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France demeure, selon la coutume internationale et sauf convention internationale contraire, obligatoire pour y recevoir effet

Toutefois, un arrêt de la 1ère chambre civile intéressant à creuser :


N° de pourvoi: 02-20389

Vu l'article 18 de la Convention de Londres du 19 novembre 1976, ensemble les articles 2 et 19 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969, prise en tant que coutume internationale ;

Attendu qu'aux termes de l'article 2 § d de la Convention de Vienne du 23 mai 1969, sur le droit des traités, non ratifiée par la France mais codifiant sur ce point le droit international coutumier, l'expression " réserve " s'entend d'une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé, faite par un Etat quand il signe, ratifie, accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à l'Etat ;

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Bonjour Camille,

Mais alors, qui va lui imposer de l'appliquer ?


Le juge internationale mais qui manque crucialement de moyens, mais c'est un autre problème :)

Et cette coutume aura été définie par qui?

La coutume est définie par le juge lors d'un contentieux sur l'existence de cette coutume. C'est d'ailleurs un point délicat car ne répondant pas aux satisfactions de la sécurité juridique, je ne vous le cache pas.

Alors élaborée par qui et comment ?

Par qui, sus dit. Comment... :

Critère de l'existence d'une pratique étatique : il faut d'abord une pratique c'est à dire un ensemble de comportements positifs ou négatifs mais qui doivent émaner des Etats. Arrêt CIJ 27 Juin 1986 Affaire Activité militaire et paramilitaire au Nicaragua : «Pour déduire l'existence d'une règle coutumière, il faut vérifier que les Etats y conforment leur conduite d'une manière générale ».

Critère de la pratique étatique cohérente : Il faut que cette pratique étatique soit cohérente c'est à dire pratique affermie, constante et répétée dans le temps (principe de l'usage). Arrêt CIJ 18 aout 2003 Affaire Vapeur Wimbledon. La cour permanente dit : « la pratique pertinente est une pratique internationale constante. Arrêt CIJ Affaire du droit d'asile 20 Novembre 1950 : « Les faits qui me sont soumis révèlent tant d'incertitudes et de contradictions qu'il n'est pas possible de dégager de tout cela une coutume constante et uniforme ». Seule une pratique constante effectivement suivie et sans changement peut être génératrice d'une règle coutumière. Il faut une concordance des comportements successifs adoptée par les Etats qui sont confrontés à une même question.

Critère de temps : Arrêt du 20 Février 1969 CIJ Plateau continental de la mer du Nord : « Le fait que ne se soit écoulé qu'un bref laps de temps ne constitue pas en soit un empêchement à la formation d'une règle coutumière. La seule chose qui importe est que dans ce laps de temps la pratique des Etats ait été fréquente et pratiquement uniforme ».

Element psychologique : L'exigence d'une opinio juris est nécessaire, c'est à dire du sentiment d'agir conformément à une règle de droit, toujours fermement affirmée par les juridictions. Ainsi, 7 Septembre 1927 Affaire du Lotus : « Si l'abstention est motivée par la conscience d'un devoir de s'abstenir on peut parler de coutume internationale ».

Il y a des états que se réunissent entre eux dans le but d'élaborer une "coutume internationale" ?

Presque 4.gif

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