L3S2 Droit Perpignan – Droit des successions et libéralités

Publié par

L3S2 Droit Perpignan – Droit des successions et des libéralités.

Cas pratique :

M. X décède en laissant sa fille et deux petits enfants de son fils prédécédé. Son patrimoine est esimé à 300.000 € dont une maison, d’une valeur de 200.000 €, qu’il avait offerte à sa fille, Clotilde, quelques années auparavant au titre d’avance sur part successorale, et une bague d’une valeur estimée de 30.000 € qu’il avait donnée à la conjointe de son fils, prédécédé.

 Clotilde souhaite favoriser ses neveux, et envisage de renoncer à la succession pour leur bien ; elle me demande conseil.



Le Code civil stipule, dans son article 721, que « les successions sont dévolues selon la loi… », en soumettant cette régle générale à la condition de l’existence de libéralités : « …lorsque le défunt n’a pas disposé de ses biens par des libéralités ».

Dans cette succession, il y a visiblement présence de deux libéralités :
- une donation entre vifs d’une bague à la conjointe du fils du de cujus, prédécédé,
- un legs par avance successorale d’une maison à Clotilde, la fille du de cujus.

L’articulation entre ces deux libéralités et la dévolution successorale légale obéit à un certain nombre de règles de droit.

Afin de conseiller Clotilde, il est nécessaire de déterminer préalablement quels sont les héritiers successibles, c'est-à-dire ceux qui seront appelés à cette succession (I) ; puis de déterminer, en fonction des éléments en notre possession, le montant de la succession que la loi autorise le de cujus a disposer (II) ; enfin, de déterminer s’il est nécessaire de rééquilibrer la succession, en prenant en compte le souhait – louable – de Clotilde de favoriser ses neveux (III).

I – La détermination des héritiers :

L’article 731 du Code civil dispose que « la succession est dévolue par la loi aux parents et au conjoint successible du défunt… ».
Il distingue ensuite selon la présence ou non d’un conjoint successible. Sans information concernant la présence d’un conjoint, nous considérerons qu’il n’y en a pas.

Dans l’article 734 du Code civil, il est stipulé qu’« en l’absence de conjoint successible, les parents [comprendre « membres de la famille »] sont appelés à succéder ainsi qu’il suit :
1° les enfants et leurs descendants … ».

Le second enfant du de cujus étant préalablement décédé, ses enfants seront-ils appelés à la succession ? La réponse est positive, en vertu du mécanisme de la représentation, définie par l’article 751 comme « une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession les représentants au droit du représenté ». De plus, l’article 752 stipule que « la représentation a lieu à l’infini dans la ligne directe descendante » et qu’elle « est admise dans tous les cas… ». Les enfants du fils prédécédé seront par conséquent appelés à la succession de leur grand père, au droit de leur père.
L’article 753 dispose quant à lui, que « dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s’opère par souche… A l’intérieur d’une souche ou d’une subdivision de souche, le patage se fait par tête » : la part revenant aux petits enfants du de cujus sera divisée en deux parts égales.

En vertu du système juridique des ordres d’héritiers, chaque ordre excluant les suivants, les seuls héritiers du de cujus sont sa fille, à hauteur de 50% des biens successoraux, et les deux petits-enfants qui se partageront à égalité et par tête les 50% restant, soit 25% chacun. Il est à noter que la mère de ces derniers n’est en aucune manière appelée à la succession.

Sur quel montant doivent être calculés les droits successoraux de chaque co-héritier ?

II – La détermination du montant de la succession :

La masse partageable est composée de tous les biens laissés par le défunt à l’exclusion des droits viagers, des biens titulaires de droit de retour légal ou conventionnel, des titres de noblesse, sépultures et souvenir de famille.
Elle est également composée d’éventuelles libéralités consenties de son vivant avec obligation de rapport, et des dettes qui lui sont dues.

Dans le cas qui nous occupe, il est nécessaire de déterminer si les 2 libéralités vues précédemment composent – ou non – la masse des biens successoraux.

1 ) le cas de la bague :
Cette bague (rappel : d’une valeur de 30.000 €) a été donnée par le défunt, de son vivant (il s’agit d’une donation entre vifs) au conjoint de son fils, prédécédé. Or, l’article 849 du Code civil stipule que « les dons et legs faits au conjoint d’un époux successible, sont réputés faits avec dispense de rapport ». Cet article est parfaitement applicable au cas de la bague, que la conjointe du fils du de cujus n’aura pas à rapporter à la succession : la bague n’est pas un composant de la succession.

2 ) le cas de la maison :
La maison a été donnée, pas donation entre vifs, à Clotilde, au titre d’avancement successoral.
Le principe général du rapport à la succession des libéralités consenties par le de cujus de son vivant est énoncé dans les 2 alinea de l’article 843 du Code civil : « tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Les legs faits à un héritier sont réputés faits par préciput et hors part, à moins que le testateur n’ait exprimé la volonté contraire… » : le principe est d’une présomption de rapport à la succession des donations entre vifs et d’une présomption de dispense de rapport des legs, sauf, dans les deux cas, la disposition contraire du défunt.
Dans notre cas, la maison est bien un legs, mais clairement fait en avance sur part sucessorale : elle doit par conséquent être rapportée à la succession, dont elle est une composante.

La succession est en conclusion composée :
- d’une maison d’une valeur de 200.000 €,
- d’autres biens, n’inluant pas la bague, d’une valeur de 70.000 €,
o soit 270.000 € au total.

Quelle sera la répartition légale finale de la succession, et comme puis-je conseiller Clotilde, eu égard à son souhait de favoriser ses neveux ?

III – le partage de la succession :

A / Si Clotilde accepte la succession :

Nous venons de voir que la bague, donnée entre vifs, n’entre pas dans la composition de la succession ; de plus, le legs de la maison à Clotile ayant été consenti en avance d’hoirie, l’article 843 du Code civil trouve à s’appliquer : elle doit rapporter la valeur de la maison à la succession.

 Si elle accepte la succession, Clotilde héritera de la moitié des biens, soit 135.000 €, et ses neveux le quart chacun, soit 67.500 € chacun.
En considérant qu’elle conserve la maison, elle devra rapporter la différence entre le montant de ce qu’elle obtiendra en valeur et la valeur de la maison, soit 65.000 €.

Elle souhaite renoncer à la succession pour favorise ses neveux. Cette solution est-elle pertinente ?

B / Si Clotilde renonce à la succession :

Deux articles du Code civil sont applicables en cas de renonciation :
- l’article 785 qui dispose que « l’héritier qui renonce est censé n’avoir jamais été héritier ». Clotilde n’aura donc plus le statut d’héritier.
- L’article 845 qui stipule que « l’héritier qui renonce à la succession peut cependant retenir le don entre vifs ou réclamer le legs à lui fait jusqu’à concurrence de la portion disponible, à moins que le disposant ait expressément exigé le rapport en cas de renonciation ».
Il est donc nécessaire de déterminer le montant de la quotité disponible.

L’article 912 du Code civil stipule que « la quotité disponible est la part des biens et droit successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement par des libéralités », la réserve héréditaire étant le surplus des biens successoraux.
L’article 913 stipule quant à lui, que « les libéralités, soit pas actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant s’il ne laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers s’il laisse deux enfants […] ».
Combien d’enfants, au sens de l’article 913 du Code civil a laissé le de cujus ?.

1 ) Clotilde doit-elle être comptabilisée dans le nombre d’enfants ?

Le second alinea du même article stipule que « l’enfant qui renonce à la succession n’est compris dans le nombre d’enfants laissés par le défunt que s’il est représenté ou s’il est tenu au rapport d’une libéralité en application des dispositions de l’article 845 ». Clotilde n’est pas représentée (elle n’a pas d’enfants), et, n’étant plus tenue au rapport de la libéralité car renonçant, elle n’est pas comptabilisée.

2 ) Les petits enfants du de cujus peuvent-ils venir en représentation de leur père, prédécédé, pour la comptabilisation du nombre d’enfants ?

L’article 913-1 du Code civil dispose que « sont compris dans l’article 913, sous le nom d’enfants, les descendants en quelque degré que ce soit, encore qu’ils ne doivent être comptés que pour l’enfant dont ils tiennent la place dans la succession du disposant ». Donc, les petits enfants sont comptabilisée dans le nombre d’enfants, mais ne comptent que pour leur père, prédécédé.

Il y a pas conséquent 1 enfant au sens de l’article 913, en application duquel la quotité disponible est de 1/2, soit 135.000 €.

Si elle renonce, Clotilde pourra réclamer son legs à concurrence de 135.000 €. Elle devra par conséquent rapporter à la succession, aux fins de réduction, la différence entre la quotité disponible qu’elle épuise intégralement, et la valeur de la maison : sa donation va etre réduite d’un montant de 65.000 €.
Les neveux se partageront l’autre moitié de la succession, soit 67.500 € chacun.

IV : mon conseil :

Légalement, qu’elle renonce ou non à la succession revient au même !
L’article 845 laisse toutefois entrevoir une autre option ouverte à Clotilde : cet article stipule que « l’héritier qui renonce à la succession PEUT retenir le don entre vifs… », laissant sous-entendre qu’il peut également NE PAS le retenir. Dans ce cas, elle se dépouille complètement de sa maison au profit de ses neveux qui hériteront de la totalité des biens du de cujus. Cette solution, drastique, doit être toutefois étudiée à la lumière du payement des droits de succession et – surtout – des possibilités ouvertes à d’éventuelles créanciers personnels de Clotilde d’exercer une action oblique sur la succession.