Article publié par Yann.
Cette fiche date de 1999 et nous vient du juripôle.
{{La violation du secret professionnel}}
L'incrimination de l'atteinte au secret professionnel est prévue aux art. 226-13 et 14, C.pén. Ces art. prévoient des peines de un an d'emprisonnement et 100 000 F d'amende. (Peines complémentaires : art. 226-25)
En protégeant la confiance placée en la personne du dépositaire du secret, la loi veut garantir la sécurité des confidences qu'un particulier est dans la nécessité de faire à une personne dont l'état ou la profession, dans un intérêt général et d'ordre public, fait d'elle un confident nécessaire (Crim. 19 nov. 1985, Bull. crim. N° 364). Le fondement de l'incrimination de la violation du secret professionnel n'est pas uniquement la protection des intérêts privés de la personne qui a confié le secret, mais est surtout la protection de l'ordre public général et de l'ordre social. L'incrimination se situe au coeur d'un double conflit.
D'une part, conflit entre le devoir de se taire et un intérêt à parler. D'autre part, conflit entre l'obligation de se taire assortie de peine et conflit dans le fait que, dans certaines circonstances, les dépositaires sont déliés de leur obligation de parler et peuvent encourir une peine si ils refusent dénonciations ou témoignages(art. 378 c.pén.). Un éclairage à cette ambiguïté consiste à se demander dans quelle mesure l'obligation de se taire peut justifier celui qui a porté atteinte au secret professionnel.
Trois éléments sont nécessaires à l'existence de l'infraction : Une personne tenue au secret(I), l'existence d'un fait couvert par le secret(II), et sa révélation (III). La loi n'y faisant pas référence, la tentative n'est pas punissable. En revanche la complicité est clairement admise.
{{I - Les personnes tenues au secret professionnel.}}
L'art.226-13 c.pén. ne donne qu'une définition générale des personnes légalement tenues au secret. Ce texte distingue entre deux groupes de personnes. Le premier concerne des personnes dépositaires d'une information secrète par état ou par profession ; le second en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire. Pour avoir une idée plus précise des personnes concernées, il convient de se référer à d'autres textes de lois (A) ou à des décisions jurisprudentielles (B)
{A - Sur le plan légal.}
Il est difficile d'avoir une liste exhaustive en raison de l'existence de nombreux textes qui soumettent au secret professionnel les membres de certaines professions. Par exemple, sont tenus au secret professionnel en raison de dispositions légales, les membres des professions médicales et paramédicales, les magistrats, les avocats, les jurés d'assises,, les fonctionnaires du fisc, les agents des douanes, les parlementaires, ainsi que les salariés du conseil des marchés financiers, les banquiers…etc. La désignation du dépositaire par un texte a l'avantage de fixer au préalable l'étendue du secret. Il importe également de préciser que le code pénal n'exige plus que le secret ait été confié à la personne qui en est le dépositaire, toute personne qui a pu en avoir connaissance est tenue de le respecter.
{B - Sur le plan jurisprudentiel}
Au fil des nombreuses espèces dont ils ont eu à connaître, la jurisprudence a dégagé en complément de la loi une liste importante de dépositaires qualifiés de "confidents nécessaires". On peut notamment citer les avocats (Civ. 1er, 7 juin 1983, Bull.civ.n° 169), les médecins (Crim. 8 mai 1947. II. Bull.crim. N° 124;D. 1948.109, note Gulphe), les ministres du culte (TriB. Corr. Bordeaux, 27 avril 1977, G.P. 1977,2,506, notes Gleizes), les jurés (Trib.corr.Paris, 1968 pour un juré ayant remis à un journaliste la relation du délibéré), les notaires (Crim.3 mars 1938, D.H. 1938, 341), les experts-comptables (Paris 29 mars 1990, Gaz. Pal. 1990.2.511, note Marchi). Cette liste connaît cependant une limite. En effet, ne rentre pas dans cette énumération le P-D G d'une société (Crim. 5 fév. 1970, Bull.crim n° 56) l'administrateur judiciairement désigné d'une personne morale (Crim. 9 oct. 1978, D.1979 , 185, note Chambon), l'éducateur de prévention d'enfants inadaptés ou de détenus (Crim. 4 nov. 1971 J.C.P. 1972, II, 17256, note Mayer-Jack). Il faut remarquer que ces personnes tout en étant exclues de l'obligation de se taire, voient peser sur elles un impératif de silence, des bavardages inconsidérées peuvent engager une faute civile.
{{II- L'existence de faits couverts par le secret}}
L'art. 226-13 C.pén. fait référence à " une information à caractère secret ". Pour bien comprendre cette formule, il convient tout d'abord d'avoir une idée de la notion de secret professionnel (A), pour ensuite déterminer les faits susceptibles d'être couverts par le secret (B).
{A - La notion de secret professionnel}
Le secret professionnel n'est pas aisé à définir car il s'agit d'une notion qui couvre un domaine large, mais en même temps, il a d'infranchissables limites qui évitent les débordements. Il peut s'entendre de tout ce qui est confié par une personne à un confident nécessaire (le juge par exemple) ou à un confident librement choisi (un médecin) ou de ce que le confident découvre ou déduit, ou encore qui parvient à sa connaissance en raison de l'état de sa profession, de sa fonction ou mission temporaire. La Cour de cassation met en garde contre toute définition réductrice et estime que le fait confidentiel doit être assez extensivement conçu quant à son origine (Crim. 17 mai 1973, D. 1973. 583, note Doll). Il y a secret même si d'autres personnes en ont connaissance, c'est " le secret partagé ", notion de jurisprudence, entre les médecins soignant la même personne.
Il faut encore observer que le "secret", dans certaines hypothèses, n'a pas le même sens que celui qui est le sien dans le langage courant. Dans cet ordre d'idées, le secret peut s'entendre de faits déjà connus ou susceptibles de l'être, mais sur lesquels l'auteur de la révélation vient apporter des précisions ou confirmations (Crim. 25 janv. 1968, D.1968. 153, rapport Costa).
{B - Les faits couverts par le secret}
Révéler un secret, c'est le divulguer. Par conséquent, sont seuls concernés par le secret les faits inconnus confiés comme tels par une personne au dépositaire du secret, non les faits connus. Au nombre des exemples, on peut citer un diagnostic, un certificat médical, un délibéré. Ce peuvent être aussi certaines révélations faites à un avocat ou le pénitent se confiant à un prêtre. Le fait confidentiel, c'est également le fait qui, quoique non expressément confié sous le sceau du secret, ait un lien avec l'activité professionnelle ou l'état du confident (Crim. 6 fév. 1997, B. n° 55).
{{III - La révélation de faits couverts par le secret}}
La révélation n'est pas seulement un acte matériel, c'est aussi un acte intentionnel punit par la loi (A) la révélation punissable. Mais il existe aussi des hypothèses o๠la révélation d'un fait tenu secret est justifiée par la loi(B).
{A - La révélation punissable}.
Le délit suppose qu'un secret soit porté à la connaissance d'un tiers. La forme de cette révélation importe peu. Elle peut être verbale ou écrite, être faite par article de presse ou tout autre média (y compris Internet), prendre la forme de conversation, de témoignage en justice, être faite à une ou plusieurs personnes (avec autant d'infractions si le secret a été divulgué successivement à des personnes différentes). Cependant pour être punissable, la révélation doit être suffisamment précise et toucher directement l'information tenue secrète.
L'élément moral du délit est défini par la jurisprudence comme la conscience qu'à le prévenu de révéler le secret dont il a connaissance, quel que soit le mobile qui a pu le déterminer (Crim. 7 mars 1989, Rev.sc. crim. 1990. 73, obs, Levasseur). De plus l'infraction existe dès que la révélation a été faite avec connaissance, indépendamment de toute intention de nuire (Crim. 15 déc. 1885, DP 1886. 1. 347).
{B - La révélation justifiée et non punissable}
C'est le domaine de l'art. 226-14 C. pén. Ce texte prévoit qu'il n'y pas atteinte au secret dans le cas o๠la loi imposerait ou autoriserait la révélation de la confidence. L'ordre ou la permission de la loi de révéler un secret peut être soit une obligation ou laissé au libre choix du dépositaire. Dans tous les cas, elle est justifiée par un impératif de sécurité publique, de santé publique ou encore la protection des intérêts financiers et économiques de l'à‰tat ou tout simplement de la protection de l'ordre public.
En premier lieu, en ce qui concerne le commandement de la loi, n'est pas puni au titre d'une violation la personne qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de sévices ou privations dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur de quinze ans ou à la personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son à¢ge ou de son état physique ou psychique. Concrètement, en reprenant le domaine de la santé publique, il y a obligation pour les médecins de révéler certaines maladies contagieuses (art. L.11 et L. 12 du code de la santé publique), ou professionnelles (art.461-6 du code de la sécurité sociale), ou l'obligation pour les commissaires aux comptes de révéler certaines infractions dont ils ont connaissance (art 457, L. 24 juil. 1966 pour les sociétés anonymes) ou encore le secret bancaire inopposable à l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale(art. 27, L. 24 janv. 1984).
En second lieu, le consentement ou l'intérêt de la personne concernée peut rendre inapplicable la sanction de la violation du secret professionnel. En effet, d'après l'art. 226-14, 2° C. pén., un médecin peut avec l'accord de la victime sans encourir de sanction pénale, porter à la connaissance du procureur de la République les sévices qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises. En l'absence d'un acquiescement exprès de l'intéressé, la jurisprudence estime que le dépositaire du secret peut invoquer un véritable état de nessecité et l'intérêt de ce dernier pour justifier la violation du secret (Req. 8 déc. 1902. D. 1903. I 93). Toutefois, il s'agit d'une décision dont la portée doit être relative, car la tendance actuelle s'oriente plutôt vers le refus de parler.
En définitive, nous verrons dans un prochain développement que le secret professionnel peut avoir suivant les hypothèses une portée relative et non toujours absolue (L'obligation de témoigner et la portée relative du secret professionnel)