Solidarité ménagères et dettes excessives

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Bonsoir,

je dois répondre à un cas pratique sur la solidarité ménagère de l'article 220 du Code civil : je pense avoir trouvé la réponse, mais le problème est que je ne comprends pas trop les enjeux.

Je vous explique : un homme a décidé de placer sa femme en maison de retraite. Il reçoit une facture de 3000 euros. On nous demande alors s'il est obligé de payer.

Concrètement, je me suis basé sur l'article 220 du Code civil donc, en énonçant d'abord que les dettes liées à la maison de retraite étaient bien relatives à l'entretien du ménage, et étaient donc susceptibles d'engendrer la solidarité ménagère. Sauf que les dettes excessives constituent une exception à ce principe : j'ai donc indiqué que si l'homme démontrait que cette dette était excessive, il ne serait pas solidaire.

Mais c'est à partir de là que se pose mon problème : si l'homme n'est pas solidaire, qui doit payer ? En principe, je dirais que c'est sa femme ... mais si la femme est insolvable, comment la maison de retraite pourrait-elle obtenir le paiement de sa créance ?

Par ailleurs, est-ce que le régime matrimonial, communauté universelle par exemple, entrerait en jeu dans ce cas (je n'ai pas encore eu de cours sur les régimes matrimoniaux, donc peut-être que je me trompe) ?

Désolé pour cette longue question, et je vous remercie d'avance pour votre réponse,

cordialement.
Filioners

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Pôle universitaire Pierre-Jakez Hélias - UBO Quimper

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Bonsoir,

Je trouve votre raisonnement étrange, la solidarité ne fait qu'accroître l'assiette des biens et revenus que le créancier pourra saisir pour satisfaire sa dette. La solidarité ménagère viendra donc apporter au droit de créance de ce dernier les biens de l'époux, de son conjoint ou de sa conjointe et éventuellement les biens de la communauté.

Le fait de démontrer que la dette contractée est excessive permet seulement à l'époux qui rapporte cette preuve de désengager ses biens et d'ainsi empêcher que le créancier s'en saisisse pour satisfaire sa dette.

Or, dans votre cas, c'est l'époux qui contracte (avec la maison de retraite), et il est donc engagé en tout état de cause, il n'y aurait qu'en théorie l'épouse qui pourrait démontrer que la dette est excessive pour bénéficier des effets du textes ou encore que la dette considérée n'a pas le caractère d'une dette ménagère et n'entre donc pas dans le champ d'application du texte.

Aussi, je ne vois dans ce cas qu'une seule façon pour lui de se désengager partiellement de son obligation de paiement qui découle du contrat qu'il a conclu (sauf à démontrer un vice ou une cause de nullité l'affectant), démontrer qu'il s'agit en fait d'un cas de représentation, elle sera donc débitrice, mais cela n'aura pas vocation pour autant à faire obstacle à l'application de l'article 220 du Code civil sauf si dans cette hypothèse, l'époux en plus du cas de représentation, devra démontrer que la dette n'a pas le caractère d'une dette ménagère.

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Bonsoir,

tout d'abord, merci beaucoup pour votre réponse. Si j'ai bien compris, l'époux pourra se désengager s'il démontre que c'est un cas de représentation : admettons que ce soit le cas. Dans cette hypothèse, l'épouse serait débitrice : l'époux ne pourrait-il pas exclure la solidarité au motif que les dépenses sont excessives ?

Cordialement,
Filioners.

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Pôle universitaire Pierre-Jakez Hélias - UBO Quimper

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Bonsoir,

En l'admettant, encore faudra-t-il qu'il s'agisse d'une représentation parfaite et que le cocontractant ait connaissance du fait qu'il conclu en réalité avec l'épouse et non l'époux.

En théorie en ce cas, cela ne semble pas exclu, le contrat se formant en définitive entre le représenté et le cocontractant, le représentant devenant un tiers.

En pratique cela semble difficilement admissible, le représentant devant être investi d'un pouvoir du fait de la loi, d'une convention ou d'un jugement pour conclure en lieu et place du représenté. Dans tous les cas il prendra l'initiative (jugement)ou a minima acceptera de participer à l'opération contractuelle (convention de représentation type mandat), pour ensuite arguer que le contrat formé aboutit à une dette excessive. De toutes les manières ce caractère devra être apprécié par les juges du fond, mais je doute très fortement qu'ils abondent dans le sens d'une telle argumentation.

C'est pourquoi à mon avis, la seule solution serait d'arguer qu'il s'agit d'un cas de représentation parfaite et qu'il ne s'agit pas d'une dette ménagère, ainsi l'époux ne sera pas partie au contrat, ce ne sera que l'épouse, et le jeu de l'article 220 ne pourra pas le lier à ce contrat par le jeu de la solidarité, faute que la dette soit dans son champ d'application.

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Bonjour,
Bien d'accord. D'autant plus que...
un homme a décidé de placer sa femme en maison de retraite. Il reçoit une facture de 3000 euros.
est ce que j'appellerais un "résumé téléphoné". Parce qu'entre-temps, il a dû s'en passer, des choses. On ne réserve pas une place en maison de retraite comme on réserve une chambre d'hôtel, par internet. Aucune maison de retraite n'accueille jamais personne sans connaître au préalable les "modes de financement" et ne donne son "feu vert" qu'une fois qu'ils ont été dûment mis en place (en termes plus clairs : qui paye quoi et quand).
Donc, monsieur a dû en signer de son auguste paraphe, des papiers, au nom de sa femme puisque...
un homme a décidé de placer sa femme en maison de retraite.
laisse bien sous-entendre qu'il s'est occupé de tout, ou presque.
En conséquence, il ne pouvait pas s'étonner de recevoir...
une facture de 3000 euros.
si c'est ce qui était prévu dans la convention/le contrat.

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Bonjour,

d'accord d'accord, je commence à y voir plus clair, je n'étais donc pas parti sur la bonne voie.

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de répondre à mes interrogations,

cordialement.
Filioners

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Pôle universitaire Pierre-Jakez Hélias - UBO Quimper

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marianne76 Modérateur

Bonsoir
Je rejoins tout à fait les intervenants, c'est bien ce monsieur qui a passé un contrat avec la maison de retraite donc il est bien tenu à payer la facture

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Bonsoir,

merci pour vos réponses. Je me permets de réagir à nouveau sur cette discussion car je viens de tomber sur un arrêt rendu par la CA de Toulouse, le 23 avril 2009, qui ressemble en certains points au cas pratique auquel je dois répondre. En réalité, je n'ai pas trouvé l'arrêt en lui-même, mais une note sur LexisNexis de M.Simler, qui faisait référence au texte suivant.

Le contrat destiné à permettre l'accueil de l'épouse, atteinte d'une maladie mentale dégénérative, au sein d'un établissement approprié à son état de santé, a pour objet l'entretien du ménage au sens de l'article 220 du Code civil. Sa demande d'aide sociale ayant été partiellement rejetée parce qu'il refusait de fournir certaines pièces, le mari a, par sa propre carence, contribué au défaut de paiement de la dette. Il n'est donc pas fondé à se prévaloir du caractère excessif de la dépense dont, au demeurant, il ne pouvait ignorer le montant, ayant signé le contrat pour le compte de son épouse.

Dans mon cas pratique, il est vrai qu'il n'y a pas énormément de renseignements (ni sur le financement, ni sur une éventuelle aide sociale, ou sur d'autres éléments), mais si j'ai bien compris, cet arrêt corrobore vos propos : c'est le mari qui a signé le contrat, et il ne peut donc pas se prévaloir de l'exclusion de la solidarité.

Il n'empêche que je la trouve assez subtile cette histoire 3.gif

Merci merci pour vos explications,
cordialement.
Filioners

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marianne76 Modérateur

Ah le mariage!! Pour le meilleur et pour le pire....

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